Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête transmise par ordonnance du 30 juin 2023 du président du tribunal administratif de C..., M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2307219 du 4 septembre 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Philouze, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du 4 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2023 ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à
son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et qu'il a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de fait ;
- l'arrêté du 21 juin 2023 est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;
- l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- le préfet ne justifie pas qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 21 mars 2023 ;
- le préfet ne pouvait prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français fondée sur une précédente mesure d'éloignement dès lors qu'il justifie de sa minorité et ne pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale dès lors qu'il est mineur ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de C... en date du 8 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré en France au début de l'année 2023. Par un arrêté du 21 mars 2023 le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Puis par un arrêté du 21 juin 2023, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 8 novembre 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions du requérant tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ont perdu leur objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 juin 2023 :
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées que les étrangers mineurs ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ni même, par voie de conséquence, d'une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'une telle mesure n'est susceptible d'être prononcée qu'à l'égard d'un étranger susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et dont il a effectivement fait l'objet.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., se présentant comme mineur, a été recueilli provisoirement à compter du 25 février 2023 par le service de l'aide sociale à l'enfance des Alpes-Maritimes. Il a été mis fin à cette prise en charge à compter du 20 mars 2023 compte tenu de l'évaluation réalisée le 13 mars 2023 ayant conclu à l'absence de minorité. L'intéressé a alors fait l'objet d'une mesure d'éloignement prononcée par le préfet des Alpes-Maritimes le 21 mars 2023. L'intéressé a à nouveau sollicité sa prise en charge auprès de l'accueil pour mineurs non accompagnés de la ville de C.... Une nouvelle évaluation réalisée le 31 mai 2023 a également conclu que les éléments relevés au cours de l'entretien d'évaluation ne permettaient pas d'établir la minorité de M. A.... Toutefois, par un jugement du 8 septembre 2023, le tribunal pour enfants de C... a, sur la base d'une analyse documentaire réalisée par les services de la Division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité, considéré que le passeport produit par M. A... était authentique, que les informations qui y sont mentionnées ne sont pas remises en cause par des données extérieures et que la photographie qu'il comporte correspond à la personne de M. A.... Le tribunal pour enfant a ainsi considéré qu'au regard de ce faisceau d'indices la minorité de M. A... pouvait être retenue et a prononcé une mesure de placement auprès de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Si le préfet de police, qui ne conteste pas l'authenticité du passeport dont est titulaire le requérant, soutient que M. A... n'a pas produit l'original de ce passeport, il résulte du jugement du juge des enfants que ce passeport avait été produit dans le cadre de l'instance judiciaire. La circonstance que les deux évaluations réalisées les 13 mars et 31 mai 2023 ont relevé que les déclarations de M. A... n'avaient pas permis d'établir sa minorité ne sont pas suffisantes pour remettre en cause les constatations faites par le juge pour enfants. M. A... doit ainsi être regardé comme étant né le 20 novembre 2005, date mentionnée sur son passeport. Dès lors, le préfet de police ne pouvait, à la date du 21 juin 2023 alors que l'intéressé était mineur, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré de ce que le préfet de police a commis une erreur de droit en prononçant à l'encontre de M. A... une telle mesure est fondé et doit être accueilli.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, y compris ceux relatifs à la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 613-7 du même code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : " I. - Les données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier sont conservées jusqu'à l'aboutissement de la recherche ou l'extinction du motif de l'inscription. (...) ".
8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Par suite, il y a d'enjoindre au préfet de police de faire procéder à cet effacement dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 :
9. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Philouze, conseil de M. A..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2307219 du 4 septembre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ainsi que l'arrêté du 21 juin 2023 du préfet de police sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de faire procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Philouze, conseil de M. A..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au préfet de police, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Philouze.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
-Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.
La rapporteure,
N. E...
Le président,
B. AUVRAY
La greffière
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04200 2