La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2024 | FRANCE | N°22PA00638

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 26 avril 2024, 22PA00638


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titr

e des mêmes années, résultant de l'abandon de la majoration d'assiette de 25 % appliquée sur l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des mêmes années, résultant de l'abandon de la majoration d'assiette de 25 % appliquée sur le fondement du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour le calcul des contributions sociales.

Par un jugement n° 2006896 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 11 février et 23 avril 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Berger, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006896 du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge de la totalité des impositions en litige, à défaut, la décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement au titre des prélèvements sociaux sur les revenus des années concernées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales en procédant en 2015 à un nouvel examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2012 et 2013, alors qu'elle avait déjà procédé à un contrôle similaire l'année précédente et leur avait adressé des mises en demeure de produire leurs déclarations au titre de ces mêmes années ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice du régime des micro-entreprises au motif qu'ils n'avaient pas obtenu le classement des locaux en meublés de tourisme, ni accompli les formalités de déclaration auprès du maire de la commune, alors que l'article D. 324-1 du code du tourisme, dans sa rédaction alors en vigueur, ne prévoit pas de telles obligations ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice du régime des micro-entreprises en se fondant sur l'existence d'une société de fait, alors qu'ils exercent leur activité de location de meublés de tourisme à titre individuel et que Mme C... ne participe pas à la gestion de cette activité ;

- c'est à tort que l'administration les a privés, au titre de l'année 2012, de la tolérance prévue à l'article 50-0 du code général des impôts permettant de bénéficier du régime de la micro-entreprise pendant les deux premières années de dépassement du seuil légal, alors que les revenus tirés de leur activité de location meublée en 2009 et 2010 étaient inférieurs aux seuils applicables ;

- en admettant, lors du précédent contrôle effectué en 2014, l'application du régime des micro-entreprises à leur activité de location meublée non professionnelle, l'administration a pris une position formelle, opposable sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- conformément aux décisions du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017, et à la réponse ministérielle

D..., n° 92638, du 18 juillet 2006, l'administration n'était pas fondée à appliquer la majoration d'assiette de 25 % pour le calcul des prélèvements sociaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu :

- l'ordonnance n° 22PA00639 du 23 mars 2022 du juge des référés de la Cour rejetant la requête présentée par M. et Mme C... aux fins de suspension de l'exécution du jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris mentionné ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Berger pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Habitat Parisien, détenue à 50 % chacun par M. et Mme C... et dont M. C... est le gérant, l'administration a engagé un examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. et de Mme C... au titre des années 2012 à 2014, à l'occasion duquel l'administration a constaté l'existence entre les époux C... d'une société de fait ayant pour l'objet la location d'appartements en meublé, et, après reconstitution des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) afférents à cette activité, et remise en cause du régime du micro-BIC sous lequel les requérants s'étaient placés, a déterminé, pour chaque époux, des compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ainsi que, après majoration d'assiette de 25 % sur le fondement de l'article 158,7 du code général des impôts, des compléments d'imposition aux prélèvements sociaux. Ces compléments d'imposition ont été assortis des intérêts de retard et de la pénalité de 10 % prévue à l'article 1758 du code général des impôts. Ces compléments d'imposition, après avis conforme de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, ont donné lieu à une requête aux fins de décharge, rejetée en tous points par jugement n° 2006896 du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris dont M. et Mme C... interjettent régulièrement appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Les requérants soutiennent que les revenus des années 2012 et 2013 ne pouvaient faire l'objet d'un rehaussement dans la mesure où l'administration avait déjà contrôlé leur situation fiscale personnelle au titre de ces deux années.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ". D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Enfin, selon l'article L. 50 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts ou que l'administration n'ait dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une période postérieure ".

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont fait en premier lieu l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2011 à 2013, l'administration ayant constaté lors du dépôt de leurs déclarations le 10 juin 2014 que les revenus déclarés au titre de l'année 2013 sous le régime micro-entreprise des locations de meublés de gîtes ruraux, chambres d'hôtes et meublés de tourisme dépassaient depuis l'année 2011 les seuils d'impositions applicables à ces revenus. Suite à l'envoi de deux mises en demeure adressées à M. et Mme C... le 10 juillet 2014 visant la seule catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, M. C... a adressé à l'administration une déclaration rectificative au titre de l'année 2013 ainsi qu'un fichier récapitulant le montant des recettes réalisées au titre des locations de tourisme qui n'a abouti à aucune rectification. Toutefois, la prise en compte par l'administration d'une déclaration rectificative au titre de l'année 2013 souscrite à la suite de l'envoi de mises en demeure en juillet 2014 visant la seule catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'examen d'un nombre limité de documents justificatifs, même bancaires, fournis spontanément par les contribuables à l'appui du dépôt de cette déclaration et les échanges qui en ont résulté ne peuvent être regardés comme un début d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au sens de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales dès lors qu'ils ne consistent pas, dans leur ensemble, en un contrôle de cohérence globale entre l'ensemble des revenus déclarés par les contribuables et leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la garantie prévue à l'article L. 50 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause le régime d'imposition des bénéfices industriels et commerciales dit " micro-entreprises " appliqué par les requérants aux bénéfices réalisés, chacun à raison de 50 %, par leur entreprise de location de locaux meublés de tourisme au sens de l'article 1407, III, 2° du code général des impôts.

6. D'une part, aux termes de l'article 50-0 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 81 500 € hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est (...) de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 1° à 3° du III de l'article 1407, ou 32 600 € hors taxes s'il s'agit d'autres entreprises, sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices. (...) Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation, est égal au montant du chiffre d'affaires hors taxes diminué d'un abattement de 71 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la 1ère catégorie et d'un abattement de 50 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la 2e catégorie. (...) / ce régime demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre des deux premières années au cours desquelles les chiffres d'affaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas sont dépassés. (...) 2. Sont exclus de ce régime (...) c. Les sociétés ou organismes dont les résultats sont imposés selon le régime des sociétés de personnes défini à l'article 8 ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 238 bis L du code général des impôts : " Les bénéfices réalisés par les sociétés créées de fait sont imposés selon les règles prévues au présent code pour les sociétés en participation ". Selon l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions (...) 2° Des membres des sociétés en participation (...) ", et aux termes de l'article 12 du même code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". L'article 35 du code général des impôts dispose que : " 1. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après (...) 5° bis Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d'habitation meublés ".

8. Le copropriétaire indivis de biens affectés à une exploitation acquiert, du fait même de cette qualité, celle de co-exploitant au regard de la loi fiscale. Il ne doit, cependant, être assujetti à l'impôt sur le revenu, au titre des bénéfices de cette exploitation, que dans la mesure où une fraction des bénéfices a été effectivement mise à sa disposition. Il n'en va autrement que dans le cas où il aurait constitué avec les autres membres de l'indivision, ou certains d'entre eux, une société de fait et devrait alors, conformément à l'article 8 du code général des impôts, être personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans cette société.

9. L'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte tant des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes que de la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi qu'aux bénéfices ou aux pertes. Il appartient, à cet égard, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer l'existence d'une telle société.

10. Il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectifications en date des 11 décembre 2015 et 14 avril 2016 que le service a relevé qu'au cours des différents entretiens qui ont lieu avec le vérificateur, M. C... a précisé que les revenus de location meublée provenaient d'une part, de la location d'un appartement sis dans le 8ème arrondissement de Paris, dont les époux dont propriétaires indivis (50 % pour chacun des époux), et d'autre part, de la location de quatre autres biens situés à Paris, pris à bail à des particuliers et eux-mêmes sous-loués en meublé pour de courtes durées. M. C... a également indiqué au cours du contrôle qu'il exerçait conjointement avec son épouse l'activité de location en meublé et, à cette fin, a transmis le 2 décembre 2015 une copie de contrats de location pour les biens Drouot 1 et Drouot 2 établis au nom des deux époux. Par ailleurs, l'administration fiscale a constaté que les recettes tirées de la location étaient inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ouvert au nom des deux époux dans les écritures comptables de la SARL " Habitat Parisien ", dont ils sont chacun associé à hauteur de 50 % chacun et dont M. C... est le gérant, et que certaines charges afférentes à ces logements sont acquittées par la SARL Habitat Parisien pour être ensuite remboursées par les deux époux.

11. Si, dans ses observations en date du 11 février 2016 en réponse à la proposition de rectification du 11 décembre 2015 relative à la seule année 2012, M. C... a affirmé exercer seul l'activité de location meublée, cette affirmation est en contradiction avec les propos tenus précédemment lors des entretiens avec le vérificateur et les déclarations d'impôt déposés par les époux qui mentionnent une quote-part de répartition entre époux de 50 % du total des recettes réalisées au titre de l'ensemble des locations. Ainsi, Mme C... doit être regardée comme ayant déclaré exercer une activité individuelle de loueur en meublé non professionnel. En outre, il résulte des éléments mentionnés que les époux C... doivent être regardés comme ayant institué, pour la gestion de leurs biens immobiliers donnés en location ou sous-location en meublé, une seule entreprise objet d'une gestion conjointe et d'une participation commune aux bénéfices et aux pertes, constitutive d'une société de fait. La seule circonstance que des baux de location conclus en 2009 ont été établis au seul nom de M. C..., de même que deux des contrats conclus avec des locataires saisonniers en 2012, ne permet pas de remettre en cause la qualification de société de fait retenue par le service. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'administration avait démontré que les époux C... exerçaient l'activité de loueur de biens immobiliers meublés sous la forme d'une société créée de fait et, en application des dispositions combinées des articles 238 bis L. 8 et 35, et 50-0,2 précités du code général des impôts, estimé que les bénéfices tirés de cette activité devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon le régime réel simplifié entre les mains de chaque associé, au prorata des parts détenues au sein de la société.

12. Au regard de ce qui précède, les moyens tirés d'une part, de ce que l'administration a privé les requérants de la tolérance prévue à l'article 50-0 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, permettant de bénéficier du régime de la micro-entreprise pendant les deux premières années de dépassement du seuil légal, alors que les revenus tirés de leur activité de location meublée en 2009 et 2010 étaient inférieurs aux seuils applicables, et, d'autre part, de ce que l'administration a remis en cause à tort le bénéfice du régime des micro-entreprises appliqué par chacun des requérants au motif qu'ils n'avaient pas obtenu le classement des locaux en meublés de tourisme ou accompli les formalités de déclaration auprès du maire de la commune, alors en tout état de cause que l'article D. 324-1-1 du code du tourisme, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit une telle obligation de déclaration incombant au loueur, sont inopérants, le régime des

micro-entreprises ne pouvant leur être appliqué.

En ce qui concerne l'existence d'une prise de position formelle de l'administration sur le bien-fondé de l'application du régime des micro-entreprises :

13. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ". Il appartient au contribuable qui se prévaut des dispositions de l'article L. 80 B de justifier de l'existence et du contenu d'une interprétation formelle de sa situation par les services fiscaux au sens de cet article.

14. Il résulte de l'instruction que le service a constaté que les recettes BIC déclarées par les requérants au titre de l'année 2013 dépassaient depuis l'année 2011 les seuils d'imposition applicables au régime micro-BIC pour les activités de loueur en meublé non professionnel objet des déclarations des requérants. Dès lors, le service a adressé le 10 juillet 2014 à chacun des époux une mise en demeure de produire des déclarations des bénéfices industriels et commerciaux. En réponse, M. C... a indiqué avoir déclaré, pour 2013, un montant de recettes supérieur à celui réalisé (92 513 euros au lieu de 77 480 euros), et a produit, à l'appui de sa réponse, un fichier récapitulant le montant des recettes réalisées, puis déposé le 26 octobre 2014, une déclaration rectificative pour les revenus de l'année 2013 par voie de télédéclaration. Le montant de recettes porté dans cette dernière étant inférieur au plafond du régime micro-BIC, il s'est ensuivi un dégrèvement d'office, fondé sur ces seules déclarations et ne résultant d'aucune procédure de contrôle. Par suite, en l'absence de toute interprétation formelle de la loi fiscale donnée par l'administration à l'occasion de ce dégrèvement, ce dernier ne peut être regardé comme constituant une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de la majoration d'assiette de 25 % pour le calcul des contributions sociales :

15. Aux termes du 7. de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (...) réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition : / a) Qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H (... )b) Ou qui ne font pas appel aux services d'un expert-comptable, d'une société membre de l'ordre ou d'une association de gestion et de comptabilité, autorisé à ce titre par l'administration fiscale et ayant conclu avec cette dernière une convention en application des articles 1649 quater L et 1649 quater M ".

16. D'une part, en l'espèce, le coefficient multiplicateur de 1,25 a été appliqué, pour déterminer la base imposable aux contributions sociales, aux rectifications portant sur les revenus entrant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux de M. et Mme C.... Pour contester l'application de ce coefficient, qui a pour fondement le 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir des décisions n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017 par lesquelles le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation au regard du principe d'égalité devant les charges publiques protégé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, concernant l'application de la majoration aux revenus visés au 2° du 7 du même article 158, alors au demeurant que la constitutionnalité des dispositions du 1° de cet article a été reconnue par la décision n° 2010-16 QPC.

17. D'autre part, le moyen tiré de ce que l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 aux revenus mentionnés au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour déterminer leur base imposable aux contributions sociales méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques mentionné à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas présenté par un mémoire distinct, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Il est donc irrecevable en application de ces mêmes dispositions.

18. Toutefois, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

19. Les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Toutefois, il en va autrement lorsque la réponse comporte une interprétation par l'administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

20. La réponse parlementaire faite à la question écrite n° 92638 de M. D..., publiée au Journal Officiel du 18 avril 2006, qui émane du ministre chargé du budget, dispose que " l'application à certains revenus du coefficient de 1,25 n'entraînera pas d'augmentation du montant des contributions sociales ", et que, " par suite, les contributions sociales " demeurant calculées, comme par le passé, abstraction faite du coefficient de 1,25 ", comporte une interprétation de la loi fiscale résultant d'une prise de position formelle, dont les requérants doivent être regardés comme ayant fait application au plus tard à l'occasion de leurs déclarations d'impôt, opposable sur le fondement des dispositions précitées du 2nd alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et de l'article L. 80 B. M. et Mme C... sont, par suite, fondés à en invoquer le bénéfice sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A 2nd alinéa du livre des procédures fiscales.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont seulement fondés à obtenir la réduction de leurs contributions sociales, et des pénalités correspondantes, à hauteur de la majoration de 1,25 appliquée à l'assiette de ces contributions sur le fondement des dispositions précitées de l'article 158,7 du code général des impôts, et, dans cette mesure, à demander à la Cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il est contraire au présent arrêt. Le surplus de leurs conclusions aux fins de décharge d'imposition doit être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance et les dépens :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les requérants ne justifiant toutefois d'aucuns dépens, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés des suppléments de contributions sociales, et des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, résultant de la majoration d'assiette de 1,25 appliquée à l'assiette de ces contributions.

Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Hamdi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRÈRE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00638 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00638
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;22pa00638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award