Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'une part, d'annuler la décision du 3 juillet 2019 par laquelle l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de bonification de 5 points de pourcentage d'une aide au secteur vitivinicole au titre des années 2019 à 2023, la décision implicite née le 19 novembre 2019 par laquelle FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux du 17 juillet 2019 et la décision du 8 janvier 2020 par laquelle FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux du 30 septembre 2019 et, d'autre part, à titre principal, d'enjoindre à FranceAgriMer de lui attribuer l'aide demandée assortie du taux d'aide bonifiée, à compter de la notification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à FranceAgriMer de réexaminer sa situation à compter du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2003379 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2023 et un mémoire enregistré le 4 mars 2024, la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet, représentée par Me Ruffie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003379 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 3 juillet 2019 par laquelle FranceAgriMer a rejeté sa demande de bonification de 5 points de pourcentage d'une aide au secteur vitivinicole au titre des années 2019 à 2023, la décision implicite née le 19 novembre 2019 par laquelle FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux du 17 juillet 2019 et la décision du 8 janvier 2020 par laquelle FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux du 30 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à FranceAgriMer, à titre principal, de lui attribuer l'aide demandée assortie du taux d'aide bonifiée, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation à compter de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'aucun texte ne permettait à France AgriMer, d'une part, de rejeter sa demande en raison de l'incomplétude de son dossier et, d'autre part, de lui refuser la possibilité de compléter son dossier ;
- France AgriMer a méconnu le droit à l'erreur tel que garanti par l'article L. 1232 du code des relations entre le public et l'administration et par l'article 59 du règlement n° 1306/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et les administrations ont été méconnues.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 février 2024 et le 19 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Vandepoorter (Seban et associés) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 2016/1150 de la Commission du 15 avril 2016 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les programmes d'aide nationaux dans le secteur vitivinicole ;
- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-GPASV-2018-39 du 8 octobre 2018 portant mise en œuvre par FranceAgriMer d'une aide aux programmes d'investissement des entreprises dans le cadre de l'OCM vitivinicole pour les exercices financiers 2019 à 2023- Appel à projets 2019 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Worbe substituant Me Ruffie, avocat de la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet et de Me Goachet substituant Me Vandepoorter, avocat de FranceAgrimer.
Considérant ce qui suit :
1. La société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'une part, d'annuler la décision du 3 juillet 2019 par laquelle l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de bonification de 5 points de pourcentage d'une aide au secteur vitivinicole au titre des années 2019 à 2023, la décision implicite née le 19 novembre 2019 par laquelle FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux du 17 juillet 2019 et la décision du 8 janvier 2020 par laquelle FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux du 30 septembre 2019 et, d'autre part, à titre principal, d'enjoindre à FranceAgriMer de lui attribuer l'aide demandée assortie du taux d'aide bonifiée, à compter de la notification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à FranceAgriMer de réexaminer sa situation à compter du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement du 26 avril 2023 dont l'intéressée relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
2. La société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet soutient que France AgriMer a méconnu le droit à l'erreur tel que garanti par par l'article 59 du règlement n° 1306/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013.
3. D'une part, aux termes de l'article 59 (" Principes généraux applicables aux contrôles ") du Règlement n° 1306/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013 : " (...) / 6. Dans des cas à prévoir par la Commission sur la base de l'article 62, paragraphe 2, point h), les demandes d'aide et les demandes de paiement ou toutes autres communications, demandes ou requêtes peuvent être corrigées et ajustées après leur présentation en cas d'erreurs manifestes reconnues par l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article 62 (" Compétences de la Commission en matière de contrôles ") du même règlement : " (...) / 2. La Commission adopte, au moyen d'actes d'exécution, les règles nécessaires pour une application uniforme du présent chapitre dans l'Union, et notamment : / (...) / h) les cas dans lesquels les demandes d'aides et les demandes de paiement ou toutes autres communications, demandes ou requêtes peuvent être corrigées et ajustées après leur présentation, conformément à l'article 59, paragraphe 6 ; / (...). ". Aux termes de l'article 4 (" Corrections et ajustements d'erreurs manifestes ") du règlement d'exécution de la Commission du 17 juillet 2014 : " Les demandes d'aide, de soutien ou de paiement et les documents justificatifs fournis par le bénéficiaire peuvent être corrigés et ajustés à tout moment après leur présentation, en cas d'erreurs manifestes reconnues par l'autorité compétente sur la base d'une évaluation globale du cas d'espèce et pour autant que le bénéficiaire ait agi de bonne foi. / L'autorité compétente ne peut reconnaître des erreurs manifestes que si elles peuvent être constatées immédiatement lors d'un contrôle matériel des informations figurant dans les documents visés au premier alinéa. ". Ces dispositions combinées ne créent pas au profit des demandeurs un droit à procéder à des corrections ou des ajustements à leur demande d'aide postérieurement à leur présentation, mais ouvrent aux autorités compétentes, sous le contrôle du juge, et après un examen global du cas d'espèce, la faculté d'accorder ou de refuser au demandeur la possibilité d'y procéder.
4. D'autre part, aux termes du point 4.1 de la décision du 8 octobre 2018 du directeur général de FranceAgriMer relative à la mise en œuvre par FranceAgriMer d'une aide aux programmes d'investissement des entreprises dans le cadre de l'OCM vitivinicole pour les exercices financiers 2019 à 2023-Appel à projets 2019 : " La participation financière du FEAGA, attribuée sous forme de subvention, est fixée pour les PME (entreprises réalisant moins de 50 000 000€ de chiffre d'affaires ou dont le total du bilan est inférieur à 43 000 000 €, et employant moins de 250 salariés) à hauteur de 30% des dépenses éligibles. Le taux d'aide est bonifié de 5 points lorsque le demandeur justifie du critère de priorité " nouvel installé " tel que décrit au point 5.4.2.2 ". Aux termes du point 5.2.1.4 de la même décision : " La demande d'aide doit être complète à la date limite de complétude des dossiers, soit le 31 janvier 2019 à 12h00 pour l'appel à projets 2019. Lorsqu'il a opté pour un dépôt papier des pièces justificatives listées à l'annexe 3-a, le demandeur qui souhaiterait les remettre en main propre directement auprès du service territorial de FranceAgriMer, doit les déposer pendant les horaires d'ouverture du service jusqu'au 31 janvier 2019 à 12h00 au plus tard pour l'appel à projets 2019. (...) En l'absence de ces pièces justificatives réceptionnées dans les délais prévus (exception faite des garanties), la demande d'aide est rejetée. Le demandeur peut la présenter de nouveau dans le cadre d'une nouvelle période sous réserve que les travaux n'aient pas débuté. (...). ".
5. Par ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu en défense, les dispositions de l'article 23 (" Procédure de sélection ") du règlement d'exécution (UE) n° 2016/1150 de la Commission du 15 avril 2016 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les programmes d'aide nationaux dans le secteur vitivinicole, aux termes desquelles : " Les États membres vérifient que les demandes ont été présentées dans le délai imparti, examinent chaque demande et évaluent sa conformité avec les règles relatives au contenu de la demande et avec les critères d'admissibilité et les coûts admissibles établis pour chacune des mesures prévues dans leur programme d'aide. Si les demandes ne sont pas conformes à ces exigences ou aux critères d'admissibilité et aux coûts admissibles, elles sont considérées comme non admissibles et sont exclues. " ne sauraient faire obstacle dès lors, d'une part, que la demande présentée par la société requérante ne présentait aucun vice de " conformité " aux règles en vigueur et que, d'autre part et en tout état de cause, le présent litige n'entre pas dans le champ d'application ratione temporis des dispositions précitées, dès lors que le § 1 et de l'article 1er (" Période de programmation et notification de la législation nationale applicable ") de ce même règlement dispose expressément que : " Le projet de programme d'aide visé à l'article 41, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1308/2013 porte sur les cinq exercices allant de 2014 à 2018. ".
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la requérante ne comportait pas certaines pièces mentionnées à l'annexe 3 de la décision susmentionnée du 8 octobre 2018 et que le rejet de la demande est expressément et uniquement fondé sur ce motif. La requérante a exposé dans son recours gracieux formé auprès de FranceAgrimer que cette omission trouvait son origine dans une erreur commise à l'occasion de l'enregistrement de sa demande sur le téléservice dédié à cet effet. Dans ces conditions, et alors, d'une part, qu'il n'apparaît pas que la bonne foi de la demanderesse puisse être mise en doute dans les circonstances de l'espèce et que, d'autre part, l'omission du dépôt de pièces justificatives doit en principe être regardée comme constituant une erreur manifeste constatable immédiatement lors d'un contrôle matériel des informations figurant dans les documents joints à la demande, FranceAgrimer a, en refusant de reconnaître l'erreur manifeste commise par la société demanderesse, commis une erreur dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'application des dispositions citées aux point 4 et 5.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet est fondée à soutenir, pour le motif évoqué aux point 4 à 6, que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions susmentionnées de FranceAgriMer du 3 juillet 2019, du 9 novembre 2019 et du 8 janvier 2020. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation de ce jugement et de ces décisions.
8. Eu égard au motif de légalité externe retenu aux points 3 à 6 pour prononcer l'annulation des décisions litigieuses, l'exécution du présent arrêt implique seulement, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint à FranceAgrimer de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet et ce, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que FranceAgrimer, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003379 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La décision du 3 juillet 2019 par laquelle l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté la demande de la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet de bonification de cinq points de pourcentage d'une aide au secteur vitivinicole au titre des années 2019 à 2023, la décision implicite née le 19 novembre 2019 par laquelle FranceAgriMer a rejeté le recours gracieux de cette société formé le 17 juillet 2019 et la décision du 8 janvier 2020 par laquelle FranceAgriMer a rejeté le recours gracieux de ladite société formé le 30 septembre 2019, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) versera à la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative agricole à capital social variable Cave de Sauveterre Blasimon Espiet et l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA02839