Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Polynésie française a déféré au tribunal de la Polynésie française comme prévenu d'une contravention de grande voirie M. A... C... et a demandé au tribunal de le condamner à l'amende prévue à cet effet, au versement de la somme de 28 443 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie, et à la réparation du dommage soit par l'enlèvement des installations occupant le domaine public ainsi que la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard, en autorisant, en cas de carence, la Polynésie française à procéder elle-même à la remise en état des lieux, soit par la condamnation du contrevenant au paiement de la somme de 565 781 F CFP correspondant au coût de la remise en état du domaine public, et enfin à supporter les entiers dépens de procédure.
Par un jugement n° 2200412 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné M. C... d'une part à payer une amende de 100 000 F CFP à la Polynésie française, et d'autre part à verser à cette collectivité la somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public et celle de 28 443 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 13 novembre 2023 et 17 mai 2024, M. C..., représenté par Me Lenoir, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200412 du tribunal administratif de la Polynésie française du 23 mai 2023 ou du moins de le réformer en rejetant les conclusions de la Polynésie française tendant à sa condamnation au versement d'une amende, au paiement des frais de procès-verbal et au paiement d'une somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public ;
2°) à titre subsidiaire d'annuler l'article 2 de ce jugement en tant qu'il l'a condamné au versement d'une somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 200 000 F CFP (1 676 euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en retenant à tort qu'il n'était pas susceptible de procéder par lui-même à la remise en état des lieux alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il y a procédé ;
- le tribunal l'a à tort condamné au paiement de l'amende, des frais de remise en état et des frais d'établissement du procès-verbal alors qu'il n'est ni le propriétaire ni le bénéficiaire des installations litigieuses, n'étant pas le gérant de la société assurant cette exploitation ;
- dès lors qu'il a été d'ores et déjà procédé à la remise en état des lieux et à la réparation des dommages causés au domaine public maritime il y a lieu d'annuler le jugement à tout le moins en ce qu'il le condamne à verser une somme de 565 781 F CFP au titre des frais de remise en état du domaine public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, la Polynésie française, représentée par son président en exercice, conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions relatives aux frais de remise en état des lieux, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Elle soutient que :
- en raison de la réalisation des travaux de remise en état des lieux il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la condamnation de M. C... à supporter le coût de cette remise en état ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 et notamment son article 22 ;
- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Degardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a bénéficié par arrêté du 2 novembre 1991 d'une autorisation d'occupation temporaire d'une superficie de trois hectares du domaine public maritime, dans le lagon de l'île de Manihi, pour le collectage et l'élevage de la nacre et l'exploitation d'une ferme perlière. Cette autorisation a été renouvelée par un arrêté du 31 octobre 2000, qui a toutefois été ensuite abrogé par un nouvel arrêté du 20 mai 2005, et, par courrier du 5 juillet 2019, M. C... a été mis en demeure de procéder à l'entière remise en état des lieux. Les agents assermentés de la direction des ressources marines (DRM) ont néanmoins constaté le 26 octobre 2021 la présence de vestiges de l'exploitation sur les lieux en cause et ont dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie en date du 2 mai 2022, notifié à M. C... le 15 juillet suivant. La Polynésie française a ensuite déféré celui-ci devant le tribunal administratif de la Polynésie française comme prévenu d'une contravention de grande voirie pour avoir occupé illégalement le domaine public maritime et elle a sollicité de cette juridiction la condamnation de l'intéressé à l'amende prévue à cet effet, au versement de la somme de 28 443 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie, et à la réparation du dommage. Par le jugement attaqué le tribunal administratif de la Polynésie française a dès lors condamné M. C... d'une part à payer une amende de 100 000 F CFP à la Polynésie française, et d'autre part à verser à cette collectivité les sommes de 565 781 F CFP et 28 443 F CFP au titre, respectivement, des frais nécessaires à la remise en état du domaine public et des frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.
Sur l'exception de non-lieu à statuer soulevée par la Polynésie française :
2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de la brigade de police municipale de Manihi du 16 mai 2023, qu'il a été procédé au " nettoyage en bord de plage " et au " retrait des poteaux de fondation de l'ancienne ferme sur les patates en face du Motu " avec l'indication que " les travaux ont été effectués le 7 octobre et 22 novembre 2022 ". La réalisation de la totalité des travaux requis est confirmée également par le maire de Manihi dans sa lettre du
5 décembre 2022 produite devant les premiers juges et est admise par la Polynésie française dans ses écritures d'appel, peu important dans le cadre du présent litige que M. C... et la société de perliculture dont il est l'un des associés aient reçu pour ces travaux le concours de la commune. Toutefois, s'il a ainsi été procédé à la remise en état du domaine public maritime, cette circonstance, qui n'a pas modifié l'état de droit résultant du jugement du tribunal administratif ayant notamment condamné le requérant à verser à la Polynésie française la somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à cette remise en état, n'est pas de nature à rendre sans objet les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cette condamnation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. M. C... soutient que le jugement serait " irrégulier " du fait que le tribunal aurait à tort déduit de son absence de production devant lui qu'il n'était pas en mesure de faire procéder à la remise en état des lieux, et qu'il l'a de ce fait, à tort également, condamné à verser à la collectivité une somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public. Toutefois une telle critique est sans incidence sur la régularité du jugement et ne pourrait le cas échéant affecter que son bien-fondé.
Sur l'action publique :
4. Aux termes de l'article 2 de la délibération susvisée n° 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Le domaine public naturel comprend : le domaine public fluvial qui se compose de l'ensemble des cours d'eau, avec leurs dépendances, des lacs, de toutes les eaux souterraines et sources (...) ". Aux termes de l'article 6 de la même délibération, " Nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public (...) ". D'autre part, en vertu de l'article 62 de la loi organique du 12 avril 1996, dont les dispositions ont été reprises et précisées à cet égard par l'article 22 de la loi organique du 27 février 2004, l'assemblée de la Polynésie française peut édicter des contraventions de grande voirie pour réprimer les atteintes au domaine public qui lui est affecté, le produit des condamnations étant alors versé à son budget. L'article 27 de la délibération du 12 février 2004 précitée dispose que : " Les infractions à la réglementation en matière de domaine public (...) constituent des contraventions de grande voirie et donnent lieu à poursuite devant le tribunal administratif, hormis le cas des infractions à la police de la conservation du domaine public routier qui relèvent des juridictions judiciaires. (...) ".
5. Il ressort des pièces versées au dossier que des agents assermentés de la direction des ressources marines (DRM), chargés du contrôle du respect de la réglementation applicable aux activités en matière de perliculture, de pêche et d'aquaculture, signataires du procès-verbal de contravention de grande voirie n°2264/MCE/DRM du 2 mai 2022, ont constaté, le 26 octobre 2021, sur la dépendance du domaine public maritime pour laquelle M. C... avait été titulaire d'une autorisation temporaire d'occupation, la présence de diverses ruines constituées de poteaux en PVC et béton ainsi que de structures métalliques, et ce alors que l'autorisation d'occupation du domaine public dont il avait bénéficié avait été abrogée par arrêté du 20 mai 2005. Cette atteinte caractérisée à l'intégrité du domaine public maritime de la Polynésie française constitue l'infraction prévue à l'article 6 de la délibération précitée du 12 février 2004 et est réprimée par l'article 27 de cette même délibération.
6. M. C... fait valoir que ne peut être poursuivie pour contravention de grande voirie que, soit la personne qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention, et il soutient qu'il s'est vu à tort condamné au versement de l'amende, ainsi d'ailleurs que des frais de remise en état et des frais d'établissement du procès-verbal, dès lors que les constructions litigieuses, dont le maintien sans autorisation est à l'origine de la contravention de grande voirie, ont été édifiées par la société civile Poe Raina, dont le gérant était alors M. B..., et non lui-même. Toutefois il ressort des arrêtés des 22 novembre 1991 et 31 octobre 2000 portant autorisation d'occupation des dépendances en cause du domaine public qu'il était bien le titulaire de ces autorisations d'occupation. Dès lors, et alors surtout qu'en application de l'article Lp. 43 de la loi du pays n° 2017-16 du 17 juillet 2017 " l'autorisation d'occupation du domaine public maritime destinée à l'exercice des activités perlicoles est personnelle et incessible. Toute cession ou sous-location partielle à un tiers est interdite", il était responsable de l'entretien et de la remise en état des lieux, sans pouvoir utilement opposer à la Polynésie française et au tribunal des considérations liées à l'étendue exacte de ses fonctions et à son absence alléguée de pouvoir décisionnel au sein de la société Poe Raina, dont il était un des associés, et pour le compte de qui a été commise l'action consistant dans l'implantation et le maintien irrégulier des installations litigieuses. Par suite il n'est pas fondé à soutenir que cette condamnation ne pouvait être prononcée à son encontre.
Sur l'action domaniale :
7. Ainsi qu'il a été dit au point 2 il ressort des pièces du dossier que les travaux de remise en état de la dépendance du domaine public maritime ont été entièrement exécutés. Par suite
M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser à la Polynésie française une somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à cette remise en état.
Sur les frais d'établissement du procès-verbal :
8. Pour les motifs énoncés au point 6 M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait être considéré comme étant l'auteur de la contravention de grande voirie et par conséquent que les condamnations prononcées, qu'il s'agisse de l'amende ou de la condamnation aux frais de remise en état des lieux ou d'établissement du procès-verbal d'infraction, ne pouvaient être prononcées à son encontre. Dès lors le requérant, qui ne soulève aucun autre moyen de nature à établir que le tribunal l'aurait à tort condamné à verser à la Polynésie française une somme de 28 443 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie, n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une telle condamnation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il l'a condamné, au titre de l'action domaniale, à verser à la Polynésie française une somme de 565 781 F CFP correspondant aux frais nécessaires à la remise en état du domaine public.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200412 du 23 mai 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé en tant qu'il a condamné M. C... à verser à la Polynésie française une somme de 565 781 F CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public.
Article 2 : La Polynésie française versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère ;
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
La rapporteure,
M-I. D...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la république en Polynésie française en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04862