La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2024 | FRANCE | N°23PA00556

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 07 juin 2024, 23PA00556


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, ainsi que l'arrêté non daté par lequel la même autorité a expressément rejeté sa demande.



Par un jugement n° 2112425 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requ

ête enregistrée le 9 février 2023, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, ainsi que l'arrêté non daté par lequel la même autorité a expressément rejeté sa demande.

Par un jugement n° 2112425 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2023, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision et cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, d'une part, il n'avait aucune obligation de se présenter en préfecture depuis la rédaction de l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur depuis le 1er mai 2021, et d'autre part, la demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas à être effectuée au moyen du téléservice mis en place par l'arrêté du 27 avril 2021 ;

- le préfet s'est abstenu, en méconnaissance de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, de répondre à sa demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet dans le délai d'un mois qui lui était imparti ;

- la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ainsi que l'arrêté sont entachés d'une insuffisance de motivation ;

- le caractère défectueux du système informatique de prise de rendez-vous en préfecture et le nombre insuffisant de disponibilités ont constitué un obstacle à l'enregistrement de sa demande, qui ne saurait être assimilé à un manquement à l'obligation de présentation personnelle en préfecture ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas en situation de compétence liée, n'était pas tenu de rejeter sa demande de titre de séjour qui n'avait pas été présentée conformément à la règle de présentation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté 27 avril 2021 du ministre de l'intérieur et des outre-mer pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteur publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 15 septembre 1981, est entré en France en 2014 selon ses déclarations. Le 5 février 2021, il a sollicité, par voie postale, une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code. Par une décision implicite née du silence gardé par l'administration, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et, par un arrêté non daté mais postérieur à la décision implicite de rejet, et produit le 13 janvier 2022, la même autorité a expressément rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation, pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. D'une part, si, en vertu des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiés aux articles R. 432-1 et R. 432-2 du même code, le silence gardé par l'administration sur une demande de titre de séjour fait naître, au terme d'un délai de quatre mois, une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas les motifs de sa décision implicite. D'autre part, l'arrêté attaqué, non daté mais produit pour la première fois par le préfet le 13 janvier 2022 et qui doit être regardé comme ayant été édicté à cette dernière date, qui s'est substitué à la décision implicite rejetant la demande de titre de séjour de M. B..., vise les articles R. 431-2 et 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise le motif de rejet de cette demande tiré du défaut de présentation de l'intéressé en préfecture. Dès lors, il répond, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au litige, désormais codifié aux articles R. 431-2 et R. 431-3 : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / (...) / Le préfet peut également prescrire : / 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; / (...) ".

6. D'une part, il est constant que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a déterminé aucune catégorie de titre de séjour pouvant lui être adressée par voie postale sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'à la date de l'introduction de sa demande de titre de séjour, il était tenu de se présenter dans les services préfectoraux. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er mai 2021, que la présence personnelle de l'étranger souhaitant déposer une demande de titre de séjour ne serait plus rendue obligatoire, sauf à devoir répondre à une éventuelle convocation de la préfecture. Par suite, et ainsi que l'ont jugé à bon droit les juges de première instance, M. B... devait nécessairement se présenter en préfecture pour introduire valablement sa demande de titre de séjour.

7. D'autre part, si M. B... soutient que le caractère défectueux du système informatisé de prise de rendez-vous en préfecture et le nombre insuffisant de disponibilités mises en ligne ont constitué un obstacle à ce qu'il puisse se présenter devant les services préfectoraux, il ne l'établit pas. En particulier, il ne justifie pas avoir personnellement initié des démarches effectives pour obtenir d'être reçu par les services de la préfecture ni que toute tentative aurait été rendue vaine.

8. Il résulte des énonciations des points 5 à 7 du présent arrêt que le préfet de la

Seine-Saint-Denis pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé au motif qu'elle n'avait pas été présentée conformément aux dispositions fixées à l'article R. 311-1, devenu l'article R. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En dernier lieu, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation ou encore de ce que le préfet n'était pas en situation de compétence liée pour rejeter sa demande, doivent être écartés comme inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00556 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00556
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23pa00556 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award