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27/06/2024 | FRANCE | N°22PA05380

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 27 juin 2024, 22PA05380


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2013663 du 18

octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement total de l'impo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2013663 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement total de l'imposition en litige au titre de l'année 2015, soit la somme de 9 467 euros, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 décembre 2022, 27 avril et 21 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Griffon, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2013663 du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la comptabilisation le 31 décembre 2014 par la SCP Castro et A... d'une provision de 520 000 euros était justifiée par l'existence d'un litige l'opposant à l'une de ses anciennes salariées devant le conseil de prud'hommes ;

- la comptabilisation le 31 décembre 2014 d'une provision pour dépréciation des créances clients pour un montant de 53 265,56 euros correspond à des honoraires facturés au cours de l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2013 et non recouvrés en 2014 ; cette somme était légalement compromise ;

- s'agissant des déficits de 94 001 euros déclarés en 2014 et 78 612 euros déclarés en 2015, la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale n'établit pas que l'activité artistique ne constituait pas une activité professionnelle ; si son activité artistique a été déficitaire, elle a généré des recettes en augmentation régulière et est devenue bénéficiaire à compter de 2016 ; elle a ainsi bien été exercée dans un but lucratif ; il a participé à la promotion de ses œuvres et du concept du " virtual art life " ; il a bien établi l'existence et le montant des déficits qu'il a déduits de son revenu des années 2014 et 2015 ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée, dès lors que son activité artistique a été exercée à titre lucratif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mars, 31 mai et 13 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement, d'un montant de 14 831 euros, au titre de 2014, prononcé en cours d'instance, correspondant à la majoration pour manquement délibéré et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère, président,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société civile professionnelle (SCP) Castro et A..., dont M. A..., qui exerce l'activité de radiologue, détenait 50 % des parts, portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015, l'administration fiscale a mis en œuvre un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. A..., qui est également artiste plasticien. Par une proposition de rectification du 3 mars 2017, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été notifiées à M. A... au titre des années 2014 et 2015. M. A... relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté le dégrèvement de 9 467 euros prononcé par l'administrateur général des finances publiques de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Île-de-France, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 30 mai 2023, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur régional des finances publiques a prononcé le dégrèvement de la somme de 14 831 euros, correspondant à la majoration pour manquement délibéré mise à la charge de M. A... au titre de l'année 2014. Les conclusions de la requête de M. A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. La proposition de rectification du 3 mars 2017 adressée à M. A... comporte exhaustivement les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En particulier, s'agissant des déficits pour son activité d'artiste plasticien de 94 001 euros et 78 612 euros déclarés respectivement en 2014 et 2015, la proposition de rectification précise qu'en application des dispositions du 2° du I de l'article 156 du code général des impôts, les déficits provenant d'activités non professionnelles ne sont déductibles ni d'un bénéfice commercial ni du revenu global et peuvent seulement être imputés sur les bénéfices tirés d'activités semblables ou sur des revenus de même nature réalisés au cours de la même année ou des six années suivantes, et énonce les motifs de fait qu'elle retient pour qualifier cette activité de non-professionnelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que M. A... n'a pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification du 3 mars 2017. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige lui incombe.

En ce qui concerne la provision pour litige :

7. D'une part, aux termes de l'article 93 du code général des impôts dans sa version applicable : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est normalement constitué par l'excédent des recettes totales encaissées au cours de l'année d'imposition sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession et effectivement acquittées au cours de cette même année. Ces dispositions ne sauraient, dès lors, autoriser la constitution de provisions destinées à couvrir le risque de pertes susceptibles de se réaliser au cours d'années postérieures.

8. D'autre part, aux termes du I de l'article 93 A du même code dans sa rédaction applicable : " A compter du 1er janvier 1996 et par dérogation aux dispositions de la première phrase du 1 de l'article 93, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt peut, sur demande des contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée, être constitué de l'excédent des créances acquises sur les dépenses mentionnées au 1 de l'article 93 et engagées au cours de l'année d'imposition. L'option doit être exercée avant le 1er février de l'année au titre de laquelle l'impôt sur le revenu est établi ; elle s'applique tant qu'elle n'a pas été dénoncée dans les mêmes conditions ". Si ces dispositions, permettent de substituer, à la demande des contribuables, une comptabilité d'engagement à une comptabilité de caisse, cette faculté d'option n'a pas eu pour effet d'étendre à ceux qui l'exercent l'ensemble des conséquences juridiques qui s'attachent à la tenue d'une comptabilité commerciale et, notamment, la possibilité de constituer en franchise d'impôt des provisions pour risques.

9. Il résulte de l'instruction que la SCP Castro et A... a comptabilisé, au titre de l'exercice clos en 2014, une provision pour risque de 520 000 euros en raison de la naissance d'un litige l'opposant à une salariée qu'elle a licenciée. L'administration fiscale a réintégré cette provision dans son bénéfice imposable de l'année 2014 au motif qu'en matière de bénéfices non commerciaux, l'option pour les créances acquises et les dépenses engagées du 1 de l'article 93 A du code général des impôts ne permet pas la déductibilité des provisions pour risques et charges du résultat fiscal. Si M. A... soutient que la provision était justifiée, il est constant que la SCP Castro et A..., soumise au régime de la déclaration contrôlée, a exercé l'option prévue par les dispositions de l'article 93 A du code général des impôts. Ainsi, les dépenses qui peuvent être prévues à raison d'un risque de perte future ne sauraient être regardées comme des dépenses engagées au sens de ces dispositions. A cet égard, la dépense encourue en cause, qui ne résulte pas d'un engagement certain au titre de l'exercice en litige, ne saurait ouvrir droit à déduction au titre de cet exercice. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme de 520 000 euros dans le bénéfice imposable de la SCP Castro et A... et a rehaussé en conséquence les revenus déclarés en 2014 par M. A....

En ce qui concerne la provision pour risque de non-recouvrement de créances clients :

10. La SCP Castro et A... a inscrit, le 31 décembre 2014, à titre de provision pour risque de non-recouvrement de créances clients, la somme de 53 265,56 euros correspondant à des honoraires facturés au cours de l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2013 et non recouvrés en 2014. L'administration fiscale a remis en cause cette provision au motif que la société n'a présenté aucune pièce permettant d'établir que ces créances avaient acquis, à la date du 31 décembre 2014, un caractère irrécouvrable ou compromis. Si M. A... soutient que les sommes facturées au cours de l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2013 restaient encore à recouvrer à la date du 3 octobre 2016 pour un montant de 63 669,17 euros, il ne fournit pas plus en appel qu'en première instance d'éléments justifiant, dans son principe et son montant, l'inscription de la provision litigieuse au 31 décembre 2014. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause cette provision et rehaussé en conséquence les revenus déclarés en 2014 par M. A....

En ce qui concerne l'imputation des déficits découlant de l'activité de plasticien :

11. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement.(...) ".

12. Il résulte de l'instruction que M. A... a imputé au titre de l'année 2014 les déficits provenant de son activité d'artiste plasticien au résultat provenant de son activité de radiologue. A supposer même que son activité d'artiste plasticien revête un caractère professionnel, l'intéressé n'apporte aucun élément dont la charge lui incombe, justifiant du montant des déficits imputés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré ces sommes dans ses revenus.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... à concurrence du dégrèvement de 14 831 euros prononcé au titre de l'année 2014 et que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de lui allouer la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... à concurrence du dégrèvement de 14 831 euros au titre de l'année 2014.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 juin 2024.

Le président-rapporteur,

S. CARREREL'assesseur le plus ancien,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05380
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : GRIFFON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;22pa05380 ?
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