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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA01605

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA01605


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C..., épouse B..., a demandé au Tribunal administratif de Melun, par trois requêtes distinctes, d'une part, d'annuler les mises en demeure de payer la somme de 38 184,28 euros émises les 9 avril 2019 et 6 juin 2019 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne, ensemble des décisions rejetant les recours hiérarchiques formés contre ces actes, d'autre part, d'annuler la décision du 23 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finan

ces publiques de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de remise gracieuse de toutes les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au Tribunal administratif de Melun, par trois requêtes distinctes, d'une part, d'annuler les mises en demeure de payer la somme de 38 184,28 euros émises les 9 avril 2019 et 6 juin 2019 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Seine-et-Marne, ensemble des décisions rejetant les recours hiérarchiques formés contre ces actes, d'autre part, d'annuler la décision du 23 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de remise gracieuse de toutes les pénalités, majorations, amendes et intérêts de retard qui lui ont été appliqués.

Par un jugement n° 1907555, 1907574 et 1908987 du 10 novembre 2022, le Tribunal administratif de Melun, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 janvier 2023, le 7 juin 2023 et le 7 août 2023 Mme C..., représentée par Me Sarda, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907555, 1907574 et 1908987 du 10 novembre 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les mises en demeure de payer la somme de 38 184,28 euros émises les 9 avril 2019 et 6 juin 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 23 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de remise gracieuse de toutes les pénalités, majorations, amendes et intérêts de retard qui lui ont été appliqués ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, ses requêtes dirigées contre les mises en demeure des 9 avril et 6 juin 2019 ne sont pas irrecevables dès lors qu'elle a valablement formé ses recours hiérarchiques, dans les délais ;

- les décisions rejetant ses recours hiérarchiques formés contre ces mises en demeure ne mentionnent pas les voies et délais de recours ;

- c'est par erreur que le montant du dégrèvement obtenu en 2008 à son seul profit a été imputé sur la dette fiscale de la S.A C... ;

- elle n'est tenue solidairement avec la S.A C... qu'en ce qui concerne les pénalités et majorations par application de l'article 1763 A du code général des impôts et, par suite, la somme de 38 184,28 euros ne peut être réclamée qu'à la société ;

- la liquidation judiciaire de la société entraîne, par application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise de la totalité des amendes, majorations et intérêts de retard et, de ce fait, elle n'est plus solidairement débitrice que de la somme de 18 557,42 euros ou de 11 344,28 euros ;

- sa situation personnelle justifie une remise gracieuse.

Par des mémoires en défense enregistrés le 19 avril 2023 et le 31 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions aux fins d'annulation d'actes de poursuites ne relèvent pas de la compétence du juge administratif ;

- les conclusions relatives au refus de remise gracieuse ne relèvent pas de la compétence du juge d'appel ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n° 23PA00165 du 24 avril 2023, la présidente de la Cour a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 811-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions de la requête de Mme C..., dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il statue sur sa demande, enregistrée sous le n° 1907574, tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de remise gracieuse de toutes les pénalités, majorations, amendes et intérêts de retard qui lui ont été appliqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1999 et 2000 ont été mis en recouvrement le 31 mars 2002 à l'encontre de la société anonyme C.... Par jugement du 2 février 2010, confirmé sur ce point par arrêt du 27 mars 2012 de la Cour d'appel de Paris, le tribunal correctionnel de Meaux a condamné Mme C... en sa qualité de gérante de la société, pour fraude fiscale et a dit que cette dernière " sera solidairement tenue avec le redevable légal, au paiement des sommes dues en application de l'article 1745 du code général des impôts ". Par courrier du 27 mai 2019, Mme C... a formé un recours hiérarchique pour contester la mise en demeure de payer la somme de 38 184,28 euros, correspondant à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due au titre de l'exercice clos en 2000 qui lui a été notifiée le 9 avril précédent et par une décision du 26 juin 2019, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté ce recours. Par ailleurs, par un autre courrier du 8 avril 2019, l'intéressée a formé une demande de remise gracieuse ou modération des pénalités, majorations, amendes et intérêts de retard ", rejetée par décision du directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne en date du 23 avril suivant, contre laquelle elle a formé vainement un recours hiérarchique. Elle a alors présenté le 28 mai 2019 un recours hiérarchique, qui a été implicitement rejeté par cette même autorité. Enfin, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé a notifié, le 6 juin 2019, à Mme C..., une nouvelle mise en demeure de payer la somme de 38 184,28 euros, contre laquelle Mme C... a formé un nouveau recours hiérarchique également rejeté par décision du 19 septembre 2019 du directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne. L'ensemble de ces actes et décisions ont été contestés par Mme C... devant le Tribunal de Melun qui, après avoir joint ses trois demandes, les a rejetées. Mme C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les mises en demeure des 9 avril 2019 et 6 juin 2019, ses conclusions relatives au refus de remise gracieuse, sur lequel le Tribunal a statué en premier et dernier ressort, ayant été transmises en Conseil d'Etat.

2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites (...). Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 (...) " ; aux termes de l'article R* 281-1 de ce livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire (...) ". L'article R. 281-3-1 du même livre dispose que : " La demande (...) doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification : a) de l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; b) (...) de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation au paiement ou sur le montant de la dette ; c) (...) du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée ". Enfin aux termes de l'article R*. 281-4 de ce livre : " Le chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. IL dispose pour cela de deux mois à partir : / a) soit de la notification du chef de service ; b) soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision (...) ".

Sur la régularité du jugement :

3. Si le juge administratif n'est pas compétent pour prononcer l'annulation d'actes de poursuites, compte tenu des moyens développés en appel comme en première instance par Mme C..., qui conteste l'étendue de sa solidarité avec la société anonyme C... au paiement de la dette fiscale de celle-ci, ainsi que l'imputation des versements effectués par cette société et le montant du reliquat dont elle reste solidairement redevable, elle doit être regardée comme ayant demandé au juge de l'impôt, sur le fondement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, la décharge de l'obligation de payer la somme de 38 184,28 euros qui procède des deux mises en demeure litigieuses des 9 avril et 6 juin 2019. Par suite, le ministre, qui soutient que les recours administratifs formés par Mme C... doivent être regardés comme des demandes de remise gracieuse de tout ou partie des sommes en cause fondées sur les dispositions de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales alors qu'ils constituaient, en réalité, des recours administratifs préalables obligatoires de la nature de ceux prévus à l'article R*. 281-1 du même livre, n'est pas fondé à soutenir qu'en vertu du 5° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, la Cour ne serait pas compétente pour statuer sur la requête de Mme C....

4. Il résulte des termes des recours formés par Mme C... le 27 mai 2019 contre la mise en demeure du 9 avril précédent, et le 17 juin 2019 contre la mise en demeure du 6 juin précédent, que si ces recours ont été improprement qualifiés par leur auteur de " recours gracieux en rectification d'erreur matérielle ", par les moyens et arguments développés, décrits au point 3, la requérante doit être regardée comme ayant formé contre ces deux actes de poursuite, dans le délai de deux mois, des oppositions à poursuite au sens de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses demandes n° 1907555 et 1908987. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement en tant qu'il a statué sur ces deux requêtes et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les demandes présentées par Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur l'obligation de payer procédant de la mise en demeure valant commandement de payer du 9 avril 2019 :

5. Aux termes de l'article 1745 du code général des impôts : " Tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes. ". Il résulte de l'instruction que Mme C... a été définitivement condamnée, pour des faits de fraude fiscale, par un arrêt du 27 mars 2012 de la Cour d'appel de Paris qui a confirmé le jugement correctionnel ayant décidé qu'elle " sera solidairement tenue avec le redevable légal, au paiement des sommes dues en application de l'article 1745 du code général des impôts ".

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., la solidarité à laquelle elle est tenue, depuis l'intervention de cet arrêt devenu définitif, pour le paiement de la dette fiscale de la société anonyme C... en application des dispositions précitées de l'article 1745 n'est pas limitée aux majorations, amendes et intérêts de retard dus par la société, mais porte également sur les droits d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée dont cette dernière est redevable.

7. En second lieu Mme C... ne peut, à l'occasion du présent litige de recouvrement, contester le montant de la dette fiscale de la société anonyme C..., en ce qui concerne notamment les majorations et pénalités laissées à la charge de la société postérieurement à sa liquidation judiciaire.

Sur l'obligation de payer procédant de la mise en demeure valant commandement de payer du 6 juin 2019 :

8. Mme C... soutient que, compte tenu de la mention manuscrite apposée par le comptable public sur cet acte de poursuite, qui a limité sa solidarité à la somme de 62 076 euros, ce qui représente 48,6 % de la dette totale de la société anonyme C... pour l'année 2000 dont la mise en demeure de payer litigieuse poursuit le recouvrement, elle ne serait elle-même solidaire du paiement du reliquat de cette dette qu'à hauteur de ce même pourcentage.

9. Contrairement à ce que soutient Mme C..., compte tenu des termes du jugement pénal prononcé à son encontre le 2 février 2010 et confirmé par la Cour d'appel le 27 mars 2012, la solidarité à laquelle elle est tenue pour le paiement de la dette fiscale de la société anonyme C..., si elle a été limitée en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés de l'année 2000 à la somme de 62 076 euros compte tenu de la mention manuscrite portée par le comptable public sur l'acte de poursuite litigieux, n'est pour autant pas limitée à un quelconque pourcentage de solidarité applicable au montant de la dette fiscale dont reste redevable la société C... au titre des impôts fraudés. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant, après prise en compte d'un paiement partiel de 89 531,72 euros, le montant du reliquat de dette fiscale afférente à l' exercice clos en 2000 dont le paiement lui est réclamé à la somme de 38 184 euros, qui demeure inférieure à 62 076 euros, la mise en demeure du 6 juin 2019 aurait méconnu l'étendue de son obligation au paiement compte tenu de la limitation de sa solidarité mentionnée sur la mise en demeure litigieuse du 6 juin 2019.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 38 184,28 euros qui procède des mises en demeure des 9 avril 2019 et 6 juin 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1907555, 1907574 et 1908987 du 10 novembre 2022 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a statué sur les requêtes n° 1907555 et 1908987.

Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun mentionnées à l'article 1er et le surplus de ses conclusions d'appel relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne et à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01605
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SARDA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa01605 ?
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