La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2024 | FRANCE | N°24PA00258

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 juillet 2024, 24PA00258


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 mai 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2316104/2-2 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la cour :
<

br>

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Bulajic, demande à la Cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 mai 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2316104/2-2 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Bulajic, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2316104/2-2 du 15 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du préfet de police du 31 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisation à travailler dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9, R. 425-11 et R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Julliard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 7 novembre 1975, a sollicité le

13 octobre 2022 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 mai 2023, le préfet de police lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié le 7 juin 2021 d'un titre de séjour pour raisons de santé, valable jusqu'au 6 décembre 2022. Pour refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du

20 avril 2023 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui précisait que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire, son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de consultation du 9 janvier 2019 rédigé par un praticien hospitalier attaché du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon, des certificats médicaux du 19 juin 2023 et 22 janvier 2024 rédigés par un autre praticien hospitalier attaché du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon, d'un certificat médical rédigé le 31 juillet 2023 par un médecin généraliste ainsi que des ordonnances médicales du 12 septembre 2022, 6 décembre 2022 et du 13 mars 2023 produits en première instance et en appel que, d'une part M. A... est suivi au sein de ce service pour une hépatite B chronique et que d'autre part, sa prise en charge médicale consiste en un suivi clinique régulier et en un traitement par la prise de " Baraclude ", médicament composé d'Entécavir.

5. M. A... soutient qu'il ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Côte d'Ivoire dès lors que l'Entécavir n'y est pas disponible, que la prise en charge médicale y est insuffisante et que les coûts des soins y sont trop élevés. Il produit à l'appui de ses allégations des certificats médicaux, dont deux, certes postérieurs à l'arrêté litigieux, mais qui retracent une situation antérieure et qui sont rédigés par un praticien hospitalier attaché du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon, indiquant que M. A... ne pourra obtenir le suivi approprié en Côte d'Ivoire. Les éléments produits par M. A... ne sont pas sérieusement contestés par le préfet de police qui se borne à soutenir que le certificat médical du 22 janvier 2024 ne remet pas en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII dès lors que le médecin n'apporte pas de preuve de l'indisponibilité du traitement en Côte d'Ivoire et ne justifie pas " avoir réalisé des recherches documentaires à ce sujet ", alors qu'il incombe au préfet de démontrer la disponibilité effective et actuelle d'Entécavir ou d'une substance équivalente, en Côte d'Ivoire. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il justifie par les pièces qu'il produit qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2316104/2-2 du 15 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 31 mai 2023 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2024.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

La greffière,

N DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00258 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00258
Date de la décision : 17/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : BULAJIC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-17;24pa00258 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award