Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n°2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La Polynésie française a déféré au tribunal administratif de la Polynésie française comme prévenu d'une contravention de grande voirie M. B..., à qui il est reproché de n'avoir pas, malgré l'expiration de son autorisation, démantelé d'anciennes structures de lignes d'élevage d'huîtres perlières dans le lagon de Takume, commune de Makemo, sur le domaine public maritime de la Polynésie française. Par un jugement du 7 février 2023 dont M. B... relève appel, le tribunal l'a condamné à payer à la Polynésie française une amende de 100 000 FCFP, la somme de 846 759 FCFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine et la somme de 11 196 FCFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié à M. B... selon les modalités de l'article L. 774-6 du code de justice administrative le 28 mars 2023 et que sa demande d'aide juridictionnelle, déposée le 11 avril 2023, a fait l'objet d'une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 11 septembre 2023. Par suite, contrairement à ce que soutient la Polynésie française, sa requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 octobre 2023 n'est pas tardive.
Sur les conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'action publique :
3. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) " et aux termes de l'article
L. 774-11 du même code : " Pour l'application des articles L. 774-1 à L. 774-8 en Polynésie française : 1° Dans l'article L. 774-2, le mot : " préfet " est remplacé par les mots : " haut-commissaire " ; (...) ".
4. En premier lieu, si M. A... B... soutient qu'il appartient à la Polynésie française de démontrer que le procès-verbal de contravention de grande voierie dressé le
15 juin 2022 par les agents assermentés de la direction des ressources marines a été régulièrement notifié conformément aux dispositions des articles L. 774-2 et L. 774-11 du code de justice administrative, le délai de dix jours prévu par les dispositions précitées n'est en tout état de cause pas prescrit sous peine de nullité de la procédure. Ce moyen doit être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, si M. A... B... soutient que le procès-verbal ne comporterait pas l'ensemble des mentions obligatoires prévues à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, il résulte de l'instruction que ce procès-verbal comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. Ce moyen manque en fait.
6. Aux termes de l'article 2 de la délibération n° 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Le domaine public naturel comprend : le domaine public fluvial qui se compose de l'ensemble des cours d'eau, avec leurs dépendances, des lacs, de toutes les eaux souterraines et sources (...) ". Aux termes de l'article 6 de la même délibération : " Nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". L'article 27 de ladite délibération dispose que : " Les infractions à la réglementation en matière de domaine public (...) constituent des contraventions de grande voirie et donnent lieu à poursuite devant le tribunal administratif, hormis le cas des infractions à la police de la conservation du domaine public routier qui relèvent des juridictions judiciaires. Les contrevenants pourront être punis des peines d'amende ou des peines privatives ou restrictives de droit, telles que définies dans le code pénal pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, le montant maximum de l'amende pourra être doublé. En outre, l'auteur d'une contravention de grande voirie pourra être tenu de réparer le dommage causé, au besoin sous astreinte ". Selon l'article 131-13 du code pénal applicable en Polynésie française, l'amende pour les contraventions de 5ème classe est de la contre-valeur en francs Pacifique de 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit et l'article 131-41 du même code précise que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par le règlement qui réprime l'infraction lorsque le règlement le prévoit. Enfin, l'article D. 712-1 du code monétaire et financier fixe la parité du franc CFP exprimée en millier d'unités à 8,38 euros.
7. Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences.
8. En troisième lieu, pour contester le montant de l'amende de 100 000 FCFP, qui lui a été infligée, M. B... soutient qu'il est disproportionné eu égard à la faible gravité de la faute commise par simple oubli et à sa situation financière précaire. Il fait valoir que le retrait des lignes litigieuses a été effectué dès le mois de décembre 2022, soit antérieurement au jugement attaqué et qu'en conséquence, à défaut d'annulation de cette amende, la Cour devra ramener son montant à une somme qui ne saurait excéder 50 000 F CFP. Toutefois, il est constant qu'à la date du procès-verbal, M. B..., qui n'était plus titulaire d'une autorisation d'occupation, avait maintenu cinq lignes d'élevage d'huîtres perlières de 400 m dans le lagon de Takume, à Makemo, sur le domaine public maritime de la Polynésie française. Il résulte également de l'instruction que l'appelant avait reçu deux courriers de mise en demeure avant l'établissement de cette contravention. M. B... n'établit par suite ni que l'infraction résulterait d'un oubli ni, en se bornant à produire deux " relevés d'information des revenus familiaux " du 1er janvier au 31 décembre 2022 et du 1er janvier au 30 juin 2023, émanant de la caisse de prévoyance sociale du 1er janvier au 31 décembre 2022 et du 1er janvier au 30 juin 2023 ne faisant apparaître aucun revenu, la réalité de ses difficultés financières. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'amende serait disproportionnée au regard de la gravité des faits.
En ce qui concerne l'action domaniale :
9. Il est constant que lors du contrôle effectué le 6 décembre 2023, les agents assermentés ont constaté que M. B... avait procédé à la remise en état des lieux, comme en atteste également le rapport de mission du 20 décembre 2023 produit pas la Polynésie française elle-même. Par suite, sans que la Polynésie française ne puisse opposer un non-lieu à statuer sur sa demande, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 846 759 FCFP au titre de l'action domaniale.
En ce qui concerne les frais d'établissement du procès-verbal :
10. M. B... soutient que le montant de 11 196 F CFP mis à sa charge par le jugement attaqué et correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal n'est pas justifié et disproportionné par rapport à ses revenus. Toutefois, la réalité de l'établissement de ce procès-verbal par trois agents assermentés ressort des pièces du dossier et il n'est pas établi que le montant des frais correspondant serait disproportionné aux revenus de l'appelant qui n'établit pas, en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 8, la réalité de ses difficultés financières.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné, au titre de l'action domaniale, à verser à la Polynésie française une somme de la somme de 846 759 F CFP correspondant aux frais nécessaires à la remise en état du domaine public. Dans les circonstances de l'espèce, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200410 du 7 février 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en tant qu'il a mis à la charge de M. B... la somme de 846 759 F CFP correspondant aux frais nécessaires à la remise en état du domaine public.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience publique du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04378 2