Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Groupe Adeo a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt mises à sa charge au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 2103322 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022, la SA Groupe Adeo, représentée par Me Donnedieu de Vabres, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 24 mai 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt mises à sa charge au titre de l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code.
Elle soutient que :
- les avances en compte courant qu'elle a octroyées à sa filiale de droit turc, la société Adeo Maya, au cours de l'année 2013, qui avaient pour seul objectif d'éviter un défaut de paiement, constituaient des créances à la clôture de l'exercice et ne présentaient pas le caractère d'une aide financière destinée à permettre une augmentation de capital en dépit de leur comptabilisation dans un compte " avance en capital ", ce libellé ne valant pas engagement ;
- la provision pour dépréciation constatée par la société avait pour objet d'anticiper la perte résultant du caractère probablement irrécouvrable de celle-ci compte tenu de la situation financière déficitaire de la société Adeo Maya au titre des trois derniers exercices et non de la charge qui résulterait de son abandon.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Groupe Adeo ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Scholz, représentant la SA Groupe Adeo.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Groupe Adeo a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible d'une provision pour dépréciation de créance détenue sur sa filiale turque, la société Adeo Maya, correspondant à une avance de 2 520 000 euros consentie le 27 décembre 2013. Le service a en conséquence mis à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013. La SA Groupe Adeo relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge.
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) / 13. Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l'exception des aides à caractère commercial. / Le premier alinéa du présent 13 ne s'applique pas aux aides consenties en application d'un accord homologué dans les conditions prévues au II de l'article L. 611-8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte. / Les aides mentionnées au deuxième alinéa du présent 13 qui ne revêtent pas un caractère commercial sont déductibles à hauteur de la situation nette négative de l'entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d'autres personnes que l'entreprise qui consent les aides ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, une provision ne peut être constituée en application du 5° du 1 de l'article 39 du même code qu'en vue de faire face à une perte ou à une charge elle-même déductible.
4. L'administration fiscale a relevé que la SA Groupe Adeo avait notamment comptabilisé une provision pour dépréciation de la créance qu'elle détenait sur sa filiale turque, la société Adeo Maya qu'elle contrôle à 90 %, à raison d'une avance de 2 520 000 euros consentie le 27 décembre 2013 au titre de l'exercice clos le 31 décembre suivant. Le service a estimé que l'aide consentie à sa filiale n'était pas de nature commerciale au sens des dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts mais présentait un caractère financier et que la société Groupe Adeo ne démontrait pas davantage la probabilité de subir une perte sur les créances détenues sur sa filiale au sens des dispositions du 5° du 1 du même article. En conséquence, elle a réintégré la somme en litige aux résultats imposables de la société au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2013.
5. D'une part, la société Groupe Adeo ne conteste pas que l'avance consentie à sa filiale, ne présentait pas le caractère d'une aide à caractère commercial susceptible de constituer des charges déductibles des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts. D'autre part, elle soutient que la somme provisionnée correspondait à des avances de prêts pour financer l'activité de sa filiale jusqu'à la fin de l'année 2013, afin d'éviter un défaut de paiement. Elle fait valoir à ce titre la situation déficitaire de sa filiale au titre des trois derniers exercices, évaluée entre 10 et 13 millions d'euros et sa souscription à l'augmentation du capital de la société Adeo Maya au cours de l'année 2013 pour un montant total de 41 millions d'euros afin de satisfaire aux obligations de capitalisation minimum et éviter l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire en raison notamment du contexte politique et juridique en Turquie. Elle précise que ces avances, en dépit de leur comptabilisation dans un compte " avance en capital ", qui ne valait pas engagement à ce que les sommes soient converties en capital, conservaient leur nature de créances. La provision en litige avait donc pour objet d'anticiper la perte probablement irrécouvrable de la créance détenue sur la société Adeo Maya et ne constituait pas un abandon de créance. Toutefois, si ces éléments permettent de justifier d'une situation d'actif net négatif de la filiale et du caractère probable de la perte à laquelle la provision est censée faire face, il résulte de l'instruction que le conseil d'administration de la société Adeo Maya, réuni le 10 décembre 2023, a proposé la dissolution amiable de la société, cette dissolution étant décidée au cours de l'assemblée générale des actionnaires dès le 8 janvier 2014. Par suite, eu égard aux circonstances susmentionnées dans lesquelles le versement de l'avance en litige est intervenu le 27 décembre 2013, la provision dotée à la clôture de cet exercice ne pouvait avoir d'autre objet que d'anticiper le règlement de la liquidation à intervenir en vue d'assainir la situation de la filiale turque au moyen d'une renonciation au remboursement de la créance en cause. Dans ces conditions, la SA Groupe Adeo, qui ne justifie pas que la charge au paiement de laquelle la provision était destinée à faire face aurait été déductible au regard des dispositions précitées de l'article 39,13 du code général des impôts, n'était pas fondée à déduire la provision en litige.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Groupe Adeo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Par ailleurs, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par la SA Groupe Adeo ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société anonyme (SA) Groupe Adeo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Groupe Adeo et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 11 octobre 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03435