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11/10/2024 | FRANCE | N°22PA04107

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 11 octobre 2024, 22PA04107


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Groupe Adeo a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt mises à sa charge au titre des année 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2002856 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête

et un mémoire qui n'a pas été communiqué, enregistrés le 7 septembre 2022 et le 23 mars 2023, la SA Groupe Adeo, représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Groupe Adeo a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt mises à sa charge au titre des année 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2002856 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire qui n'a pas été communiqué, enregistrés le 7 septembre 2022 et le 23 mars 2023, la SA Groupe Adeo, représentée par Me Donnedieu de Vabres, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 7 juillet 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt mises à sa charge au titre des exercices 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- la perte sur créance constatée à l'occasion de la liquidation de la société Adeo Maya ne peut être qualifiée d'abandon de créance telle que retenue par l'administration aux paragraphes 30 et 40 la doctrine administrative référencée BOI-BIC-BASE-50-10 et devait ainsi être déduite de son résultat ;

- à titre subsidiaire, si cette perte doit recevoir cette qualification, les abandons de créance à caractère financier accordés par une société mère à sa filiale qui se trouve en difficulté financière et qui fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité, doivent être considérées comme déductibles ; les dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificatives pour 2012, méconnaissent les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel à cette convention, en réservant cette déductibilité aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; l'administration fiscale a en outre ajouté une condition supplémentaire à la loi à l'appui de ses commentaires visés au paragraphe 63 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-BASE-50-10 qui lui est opposable, en paraissant circonscrire le bénéfice de cette règle à la localisation de la filiale bénéficiaire de l'aide au sein de l'Union européenne ;

- les dispositions du 2 bis de l'article 39 quaterdecies, sur le fondement desquelles le service vérificateur a limité la déductibilité de la moins-value à court terme des titres de participation qu'elle détenait sur la société Adeo Maya, visent le cas d'une cession de titres de participation et ne peuvent donc être appliquées à la moins-value constatée à l'occasion de l'opération de liquidation de cette société ; en tout état de cause, les titres émis en contrepartie de l'augmentation de capital de la société Adeo Maya n'ont pas la nature de titres de participation mais correspondent à des titres de placement ; subsidiairement, la remise en cause de la déductibilité de la perte sur créance doit entraîner la réévaluation du prix de revient des titres, conduisant à une majoration de la moins-value constatée, en vertu de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 199580 du 16 mars 2001 ;

- la provision pour dépréciation de créances comptabilisée à la clôture de l'exercice 2014, qui avait pour objet d'anticiper la perte résultant du caractère probablement irrécouvrable de celle-ci et non la charge qui résulterait de son abandon, remplissait les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts pour les motifs précédemment exposés et était en conséquence déductible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Groupe Adeo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Scholz, représentant la SA Groupe Adeo.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Groupe Adeo a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause, au titre de l'exercice 2014, la provision pour dépréciation de créance consentie à hauteur de 10 200 000 euros à sa filiale turque la société Adeo Maya, et, au titre de l'exercice 2015, la perte sur créance constatée lors de la liquidation de la société Adeo Maya pour un montant de 30 663 506 euros et le caractère déductible d'une partie de la moins-value à court terme constatée lors de la liquidation de cette société pour un montant de 33 384 404 euros. Par une proposition de rectification du 17 novembre 2017, établie selon la procédure contradictoire, l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt au titre des deux exercices contrôlés. Par la présente requête, la SA Groupe Adeo relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge.

Sur le caractère déductible de la perte sur créance à hauteur de 30 663 506 euros :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature ". Aux termes du 13 de ce même article 39, issu de l'article 17 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, et applicable aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 : " Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l'exception des aides à caractère commercial. / Le premier alinéa ne s'applique pas aux aides consenties en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte. / Les aides mentionnées au deuxième alinéa du présent 13 qui ne revêtent pas un caractère commercial sont déductibles à hauteur de la situation nette négative de l'entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d'autres personnes que l'entreprise qui consent les aides ".

3. En premier lieu, l'administration a réintégré aux résultats de la SA Groupe Adeo, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, la perte correspondant à des avances en compte courant consenties à sa filiale turque, la société Adeo Maya, pour un montant cumulé s'élevant à la somme de 30 663 506 euros au 31 décembre 2014. Le service a retenu que cette somme enregistrée en perte sur créance était constitutive d'un abandon de créance. Si la société requérante soutient que la législation turque autorise la liquidation amiable d'une société sans annulation des dettes de ses actionnaires, elle n'en justifie pas. Au demeurant, une telle circonstance est sans incidence sur le droit à déduction, au regard des dispositions précitées de l'article 39,13 du code général des impôts, d'une perte sur créance, comptabilisée comme une charge déductible, constatée postérieurement à la clôture des opérations de liquidation, intervenue en l'espèce au plus tard le 5 février 2015 à l'occasion de la radiation de la filiale mentionnée du registre local du commerce. Par ailleurs, alors que la déduction d'une telle perte, motivée par le caractère définitivement irrécouvrable de la créance, implique que le contribuable établisse la réalisation de vaines diligences en vue de son recouvrement, il résulte de l'instruction que la liquidation amiable de la société Adeo Maya a été décidée par l'assemblée générale des actionnaires le 8 janvier 2014. A cette date, la SA Groupe Adeo, actionnaire à 90 % de sa filiale, a signé avec la société Maya Holding un protocole aux termes duquel, et contrairement à ce qu'elle soutient, elle s'engageait à régler les dettes de la société Adeo Maya et renonçait à toute réclamation ou tout recours si ses apports financiers étaient effectués de manière gratuite et inconditionnelle. Ainsi, dès la décision de liquidation amiable de sa filiale, laquelle faisait suite à une proposition de ses actionnaires en date du 10 décembre 2013, dont la situation économique était très dégradée, la SA Groupe Adeo, qui avait connaissance des résultats déficitaires de cette filiale au titre des trois exercices précédents, évalués entre 10 et 13 millions d'euros et son incapacité à rembourser ses dettes, a nécessairement et volontairement renoncé au recouvrement de la créance en litige. Par ailleurs, la circonstance que la société Adeo Maya n'a pas comptablement inscrit cette avance en constatant un profit mais enregistré cette somme dans un compte intitulé " autres réserves ", reste sans incidence sur la nature réelle de l'opération réalisée et par suite sur sa qualification. Dans ces conditions, alors en outre que l'administration fiscale a dès lors considéré à bon droit que l'abandon de créances litigieux ne constituait pas une aide commerciale déductible au sens et pour l'application des dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts et a réintégré la somme de 30 663 506 euros aux résultats de la société pour la détermination de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015, la société requérante ne justifie pas de son droit à déduction de la perte en litige.

4. En deuxième lieu, Les paragraphes 30 et 40 des commentaires publiés sous la référence BOI-BIC-BASE-50-10, relative notamment au régime fiscal des abandons de créances, ne peuvent être regardés comme comportant une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus. Par suite, la SA Groupe Adeo n'est pas fondée à les opposer à l'administration fiscale.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " Aux termes de l'article 14 de la convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle affecte la jouissance d'un droit ou d'une liberté sans être assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

6. La SA Groupe Adeo soutient que le deuxième alinéa précité des dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificatives pour 2012, instaure une discrimination prohibée par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'est pas justifiée par des motifs objectifs et raisonnables en tant qu'elles réservent le caractère déductible des aides à caractère financier aux sociétés faisant l'objet d'une procédure de conciliation dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou d'une procédure judiciaire sans l'étendre aux entreprises en difficulté financière indépendamment de la mise en œuvre d'une procédure légale telle que la liquidation amiable appliquée au cas d'espèce.

7. Il ressort des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 16 août 2012 susvisée dont elles sont issues, et en particulier du rapport n° 689 établi au nom de la commission des finances déposé au Sénat le 23 juillet 2012 par le sénateur M. B... A..., que l'introduction des dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts visent à " lutter contre les montages optimisants " et notamment les pratiques consistant pour les sociétés établies en France à consentir à leurs filiales en difficulté des aides à caractère financier plutôt qu'à procéder à leur recapitalisation. D'une part, le constat judiciaire des difficultés rencontrées par une société tel qu'il a été fixé au deuxième alinéa du 13 de l'article 39 du code général des impôts, constitue un critère qui permet de retenir objectivement la réalité de la situation économiquement dégradée d'une société. D'autre part, les sociétés dont la réalité des difficultés est retenue judiciairement en vertu des dispositions du code de commerce ne se trouvent pas dans une situation identique à celles qui accordent des aides à d'autres entreprises en dehors de ces procédures, contrairement à ce que soutient la société. Par suite, cette différence de traitement fondée sur la situation du bénéficiaire de l'aide, telle qu'elle a été objectivement constatée par l'autorité judiciaire compétente, répond à des situations différentes. Il suit de là que le législateur, en introduisant les dispositions en litige, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts poursuivis par la loi. En tout état de cause, la SA Groupe Adeo, qui, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, ne justifie pas de son droit à déduction de la perte en cause sur le fondement des principes régissant ce droit sur le fondement de l'article 39 du code général des impôts, ne justifie pas non plus que sa filiale, dont la liquidation amiable a été décidée par l'assemblée générale des actionnaires en raison des difficultés financières auxquelles elle était confrontée, aurait été dans une situation comparable à l'une de celles visées par le deuxième alinéa du 13 de l'article 39 du code général de impôts et aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire au seul motif que ses difficultés économiques n'auraient pas été constatées dans le cadre de l'une des procédures prévues par ces dispositions.

8. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions du paragraphe 64 de l'instruction référencée BOI-BIC-BASE-50-20-10 auraient ajouté à la loi en paraissant circonscrire le bénéfice de la règle de déductibilité des aides visées par le deuxième alinéa du 13 de l'article 39 du code général des impôts, à la localisation de la filiale bénéficiaire au sein de l'Union européenne, doit être écarté par adoption des motifs énoncés au point 11 du jugement contesté.

Sur la moins-value à court terme :

9. Aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / (...) / 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : / a. aux

moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans ; / b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. Le cas échéant, ces moins-values sont diminuées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B ". Aux termes du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du même code, issu du I de l'article 18 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 : " La moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d'un apport réalisé et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d'inscription en comptabilité n'est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d'inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission ".

10. Il résulte de l'instruction que la SA Groupe Adeo avait constaté à la clôture de l'exercice 2015, une moins-value d'un montant total de 48 396 856 euros correspondant à une moins-value à long terme de 8 843 706 euros et à une moins-value à court terme de 39 553 150 euros. L'administration a remis en cause la déduction d'une partie de la moins-value à court terme constatée lors de la liquidation de la société Adeo Maya à hauteur de 33 384 404 euros, par application des dispositions du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts.

11. En premier lieu, pour l'application des dispositions précitées du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, les opérations de fusion ou de liquidation de sociétés sont assimilables à des opérations de cession dès lors qu'elles se traduisent par un transfert de l'actif social de la société absorbée ou liquidée. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient inapplicables en l'espèce doit être écarté, alors au demeurant que la société Groupe Adeo en comptabilisant une moins-value à court terme sur le fondement des dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts, a elle-même entendu se placer sur le terrain d'une cession d'un élément de l'actif immobilisé.

12. Aux termes du a ter du I de l'article 219 du code général des impôts : " Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (...). Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. (...) Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable ".

13. Sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence. Les titres émis ultérieurement par la même société ne peuvent recevoir une qualification comptable différente dès lors qu'à la date de leur souscription l'acquéreur entend conserver le contrôle de la société jusqu'à sa disparition, par absorption ou par liquidation, ou jusqu'à la cession du contrôle à un tiers. En l'espèce, si la SA Groupe Adeo soutient que les titres reçus en contrepartie de l'augmentation de capital de la société Adeo Maya n'ont pas la nature de titres de participation mais de titres de placement, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la recapitalisation de sa filiale, la SA Groupe Adeo était détentrice de 90 % des titres de la société Adeo Maya qu'elle avait comptabilisés comme titres de participation. Cette qualification n'est pas contredite par la seule circonstance que la société aurait eu pour seul objectif de satisfaire à des contraintes juridiques locales dans le cadre de cette augmentation de capital. En outre, à la date d'émission de ces titres, la SA Groupe Adeo entendait conserver le contrôle de sa filiale et maintenir son activité. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts seraient inapplicables en l'espèce dès lors que les titres concernés ne pouvaient être qualifiés de titre de participation, doit être écarté.

14. En second lieu, le coût d'acquisition, qui, aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, constitue, pour les immobilisations acquises à titre onéreux, la valeur d'origine pour laquelle celles-ci doivent, pour l'application de la loi fiscale, être inscrites au bilan, s'entend du prix de revient total de ces immobilisations, éventuellement augmenté, dans le cas de titres de participations, par les suppléments d'apport correspondant aux abandons de créance à caractère financier non déductibles postérieurs à leur acquisition. En l'espèce, faute de démontrer que les avances consenties par la société requérante à sa filiale, réintégrées par l'administration, auraient eu pour effet de rendre sa situation nette positive, la SA Groupe Adeo ne justifie pas que la valeur de ses participations aurait augmenté du fait de son abandon de créance.

Sur la provision pour dépréciation de créance à hauteur de 10 200 000 euros :

15. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, une provision ne peut être constituée en application du 5° du 1 de l'article 39 du même code qu'en vue de faire face à une perte ou à une charge elle-même déductible.

16. L'administration fiscale a relevé que la SA Groupe Adeo avait consenti le 26 juin 2014 une avance en compte courant à sa filiale turque qu'elle contrôle à 90 % à hauteur de 10 200 000 euros et remis en cause la provision pour dépréciation de créances ainsi détenue à raison de cette avance. Il résulte de l'instruction que la dissolution amiable de la société Adeo Maya a été proposée par le conseil d'administration le 10 décembre 2013 et décidée par l'assemblée générale des actionnaires le 8 janvier 2014. A la même date, la SA Groupe Adeo a signé un protocole aux termes duquel elle renonçait volontairement au recouvrement de toute créance, ainsi qu'il a été dit précédemment. Dans ces conditions, la société requérante, actionnaire principale de la société Adeo Maya dont la liquidation était en cours, avait nécessairement connaissance de ce que cette avance consentie à sa filiale constituait une aide financière à fonds perdus ou sans contrepartie directe et que la somme provisionnée n'était ainsi pas constituée pour faire face à un risque de non recouvrement d'une créance elle-même destinée à faire face à une charge déductible. Dans ces conditions la SA Groupe Adeo, qui au surplus ne justifie pas que des événements en cours à la clôture de l'exercice 2014 rendaient seulement probable le non recouvrement des créances qu'elle détenait sur sa filiale, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause la déductibilité de cette provision.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Groupe Adeo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Par ailleurs, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par la SA Groupe Adeo ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société anonyme (SA) Groupe Adeo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Groupe Adeo et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 11 octobre 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04107
Date de la décision : 11/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-11;22pa04107 ?
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