Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... épouse A... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2309596/4 du 9 janvier 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2024, Mme C... épouse A... D... représentée par Me Benseba, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2024 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations du paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de son droit d'être entendue ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du même code ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés à l'appui de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laforêt,
- les observations de Me Benseba, représentant Mme B..., présente à l'audience et accompagnée de son époux.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A... D..., ressortissante congolaise née le 31 décembre 1978, est entrée sur le territoire français le 27 décembre 2013 selon ses déclarations. Le 20 mai 2021, elle a sollicité son admission au séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par un arrêté du 9 décembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai. Par un jugement du 29 août 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 9 décembre 2021 et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de l'intéressée. Par un arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 9 janvier 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... épouse A... D... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 juillet 2023 :
2. En premier lieu, si les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure telle qu'une mesure d'éloignement du territoire français dès lors que ces stipulations s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, celui-ci peut en revanche utilement se prévaloir du droit d'être entendu qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. A l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour.
3. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Mme B... n'aurait pu apporter, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, toutes les précisions qu'elle aurait jugé utiles, ni qu'elle aurait été empêchée de faire valoir toute observation complémentaire utile au cours de l'instruction de sa demande. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 423-1, L. 423-2, L. 423-23, L. 435-1, L. 611-1 et L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté mentionne de manière précise et circonstanciée les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme B..., ainsi que les éléments relatifs à sa situation personnelle, familiale et professionnelle. Si la requérante soutient que cet arrêté ne précise pas qu'elle réside en France depuis 2013, qu'elle a rencontré un ressortissant français avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité et avec lequel elle vivait avant leur mariage, qu'elle est parfaitement intégrée et apporte du soutien moral à son conjoint qui a récemment perdu ses deux enfants, cet arrêté indique cependant que l'intéressée est entrée en France selon ses déclarations le 27 décembre 2013, qu'elle s'est mariée le 6 mars 2021 avec un ressortissant français et que les pièces produites ne permettent pas d'établir sa résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans. Ainsi, l'arrêté du 7 juillet 2023 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 423-1 du même code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée à certaines conditions, parmi lesquelles celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui ne peut être refusé que dans les cas prévus à l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si les dispositions de cet article n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, il n'en demeure pas moins que l'autorité préfectorale n'est tenue d'accorder sur place le visa à un conjoint d'une ressortissante française, vivant en France avec cette dernière depuis plus de six mois, qu'à l'étranger entré régulièrement en France.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a épousé le 6 mars 2021 un ressortissant français à Villepinte. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français en application des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français. L'intéressée ne pouvant se prévaloir de l'article L. 423-2, le préfet pouvait également lui opposer, en application de l'article L. 423-1 du même code, l'absence de visa de long séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".
10. Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis l'année 2013, qu'au cours de l'année 2016 elle a rencontré M. A... D..., ressortissant français, avec lequel elle partage une vie commune depuis l'année 2017 et a conclu un pacte civil de solidarité le 2 octobre 2018 et qu'ils se sont mariés le 6 mars 2021. S'il ressort des pièces du dossier que la requérante établit l'ancienneté de son séjour en France depuis l'année 2014 et l'existence d'une communauté de vie avec M. A... D... depuis le mois d'octobre 2017, elle ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'elle rejoigne la République démocratique du Congo pour y solliciter un visa de long séjour en qualité de conjoint de français. Si elle fait valoir à ce titre que son époux a perdu deux de ses enfants, décédés en 2020 et 2023, et qu'elle lui apporte un soutien moral, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui réside en France depuis au moins l'année 1985, se trouverait isolé sans la présence de son épouse. Il ressort par ailleurs des mentions de l'arrêté litigieux, non contestées par la requérante, que celle-ci est mère de deux enfants, l'un majeur l'autre mineur, issus d'une précédente union, qui résident en République démocratique du Congo, pays dans lequel elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 36 ans et où résident encore ses parents ainsi que sa fratrie. Mme B..., qui a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en 2016, ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Si elle produit un contrat de travail à durée déterminée, celui-ci est postérieur à l'arrêté du 7 juillet 2023. La production de deux bulletins de paie en qualité d'aide à domicile pour les mois de juin et juillet 2023 n'est pas suffisante pour établir l'existence d'une situation professionnelle stable sur le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'arrêté litigieux, des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Les conclusions présentées par la requérante à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse A... D..., et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Laforêt, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
E. LAFORETLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00637