Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français et l'arrêté du 3 novembre 2020 par lequel le ministre a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2018130 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 19 décembre 2022, le 27 janvier 2023 et le 19 juin 2024, M. A..., représenté par Me Rodrigues, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux arrêtés ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de huit jours à compter de cette notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision d'expulsion est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dès lors que son expulsion ne constitue pas une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dès lors que son expulsion en urgence absolue n'est pas justifiée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision d'expulsion.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 17 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 20 août 1992, fait appel du jugement du 20 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2020 du ministre de l'intérieur prononçant son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, et en urgence absolue ainsi que l'arrêté ministériel du 3 novembre 2020 fixant l'Algérie comme pays de destination.
2. En premier lieu, la décision d'expulsion contestée, qui vise, notamment les articles L. 521-2 et L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne, en particulier, outre l'identité et la nationalité de M. A..., l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, son comportement depuis son entrée sur le territoire, les troubles psychiatriques qu'il présente et le contexte de menace terroriste élevée prévalant en France ainsi que la durée et les conditions de son séjour sur le territoire et sa situation familiale. Cette décision, qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent cette mesure d'expulsion pour nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et en urgence absolue, est, par suite, suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le ministre de l'intérieur aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. A... avant de prononcer son expulsion du territoire français. En particulier, la seule circonstance que la décision attaquée n'indique pas " le nombre exact d'enfants " de M. A... ne saurait suffire à caractériser un tel défaut d'examen. De plus, le ministre n'avait pas à mentionner dans sa décision une motivation spécifique quant à l'appréciation, qu'il lui incombait de faire au regard des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, des conséquences éventuelles de cette décision sur la situation personnelle des enfants de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-2 de ce code, alors applicable et devenu l'article L. 631-2 : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France au mois de septembre 2015, a été éloigné à destination de l'Algérie, le 8 avril 2016, en exécution d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français prise le 14 mars 2016 par le préfet de la Haute-Garonne. L'intéressé, qui est revenu sur le territoire national de façon irrégulière au mois de janvier 2017, s'est inscrit depuis lors dans un parcours de délinquance marquée, en particulier, par un comportement violent, qui lui a valu plusieurs condamnations pénales. Il s'est, notamment, rendu coupable de faits, commis du 1er mai au 28 mai 2018, d'usage illicite de stupéfiants et de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, qui lui ont valu d'être condamné, par un jugement du 5 avril 2019 du tribunal correctionnel de Privas, à une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis, de faits, commis le 2 juin 2018, de dégradations sur un véhicule, pour lesquels il a été condamné, le 22 mars 2019, à une peine de 500 euros d'amende, de faits, commis le 5 juin 2018, de recel de bien provenant d'un vol, qui lui ont valu une condamnation, par un jugement du 26 octobre 2018 du même tribunal, à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis ainsi que de faits, commis le 26 juin 2018, de violence sur un mineur de 15 ans sans incapacité, de dégradation ou détérioration de bien destiné à l'utilité ou la décoration publique et de rébellion, pour lesquels il a été condamné, par un jugement du 16 novembre 2018 du même tribunal, à une peine de 3 mois d'emprisonnement. Il s'est également rendu coupable de faits, commis le 23 février 2019, de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (récidive), en l'espèce son ancienne compagne à laquelle il a donné des coups de poing et de pied et qu'il a menacée avec un couteau, faits qui lui ont valu une condamnation, par un jugement du 30 août 2019 du même tribunal, à une peine de 6 mois d'emprisonnement et de faits, commis aux mois de janvier, avril et mai 2019, de transport sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, en l'occurrence une matraque, de refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et de conduite d'un véhicule à moteur malgré une suspension administrative ou judiciaire du permis de conduire, pour lesquels il a été condamné, par un jugement du 22 novembre 2019 du même tribunal, à une peine de 4 mois d'emprisonnement. Sur ces derniers faits, la note des services de renseignement, versée au débat contradictoire, indique, sans être contestée, qu'au mois de mai 2019, après avoir été contrôlé une première fois par les forces de l'ordre et soumis à un dépistage de produits stupéfiants, qui s'est révélé positif à la cocaïne et au cannabis, infraction entraînant la suspension immédiate de son permis de conduire, M. A... s'est présenté, quelques jours plus tard, à une convocation de la gendarmerie au volant de son véhicule et sous l'emprise de produits stupéfiants et, une semaine plus tard environ, a de nouveau fait l'objet d'un contrôle, alors qu'il conduisait son véhicule, et a refusé d'obtempérer aux forces de l'ordre en accélérant volontairement pour prendre la fuite.
6. Il ressort également des pièces du dossier et, notamment, de la note des services de renseignement susmentionnée que, le 10 juillet 2018, M. A... a été interpellé et placé en garde à vue pour avoir, alors que les habitants d'Annonay fêtaient ce jour-là la qualification de l'équipe de France de football en finale de la Coupe du monde, brandi au milieu de la foule un drapeau algérien, menacé des supporters en criant : " je vais vous tuer, vive l'Algérie ! ça suffit les Français ! Allahu akbar ! ", sorti un couteau et blessé superficiellement, mais délibérément une personne au niveau du crâne. Une dizaine d'individus ont alors cherché à le maîtriser et l'intéressé les a repoussés à coups de couteau de bas en haut avant de prendre la fuite et d'être finalement rattrapé et interpellé. Pour ces faits, M. A... a fait l'objet d'un rappel à la loi, le médecin psychiatre l'ayant examiné dans le cadre de cette affaire ayant conclu que l'intéressé était atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ayant aboli ou altéré son discernement ou le contrôle de ses actes. Par ailleurs, la circonstance que ces faits, d'une gravité certaine, n'ont pas donné lieu à poursuite ou condamnation pénales est, contrairement à ce que soutient M. A..., sans incidence sur l'exercice, par l'autorité administrative compétente, de son pouvoir d'apprécier si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public.
7. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... présente d'importants troubles psychiatriques, ainsi que l'a relevé l'expertise psychiatrique réalisée au mois de juillet 2018, à savoir un trouble de la personnalité ou " état limite impulsif agressif, avec automutilation, " ainsi qu'un trouble bipolaire, troubles qui sont à l'origine ou susceptibles d'expliquer les faits commis le 10 juillet 2018. Par ailleurs, alors que l'autorité compétente pour prononcer une mesure d'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-2 précité du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public qui pourraient résulter du maintien d'un étranger sur le territoire français, doit caractériser l'existence d'une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique au vu du comportement de l'intéressé et des risques objectifs que celui-ci fait peser sur l'ordre public et que cette autorité peut légalement prendre en compte l'état de santé mental de l'intéressé comme un élément de nature à caractériser l'existence d'une telle nécessité, le requérant, qui reconnaît d'ailleurs les troubles qu'il présente, n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait effectivement fait l'objet, notamment depuis le mois de juillet 2018, d'une prise en charge médicale effective afin de traiter ces troubles, stabiliser son état ou soigner son addiction à la drogue. A cet égard, l'intéressé se borne à évoquer sa vie familiale et une activité professionnelle depuis lors et à se référer à un certificat médical établi le 12 novembre 2020, soit, au demeurant, postérieurement à la décision en litige, par un praticien hospitalier de l'hôpital Lyon Sud mentionnant, sans autres précisions, que l'intéressé " aux antécédents de suivi psychiatrique est stable sur le plan psychologique depuis le début de sa rétention administrative ". Ce faisant, il ne fournit aucun autre document d'ordre médical susceptible de démontrer une telle prise en charge médicale sur une longue période, ni, en tout état de cause, une stabilisation de son état de santé mentale à la date de la mesure d'expulsion en litige.
8. Enfin, alors que M. A... s'est inscrit sur une période relativement brève, depuis sa dernière entrée sur le territoire au mois de janvier 2017, dans un parcours de délinquance marqué par un comportement agressif et violent, qui lui a valu, notamment, six condamnations par les juridictions répressives à des peines atteignant un quantum total d'un an et quatre mois d'emprisonnement, dont trois mois avec sursis, l'intéressé persiste à minimiser les faits qui lui sont reprochés, en se bornant à évoquer principalement sa condamnation du 16 novembre 2018 à une peine de 3 mois d'emprisonnement et en alléguant, sans convaincre, que les infractions qu'il a commises sont " essentiellement des violences intra-familiales ", " alors que son ex-compagne était toxicomane ". Ce faisant, il ne présente aucun gage sérieux et avéré de distanciation ou de remise en question par rapport aux faits qui lui sont reprochés et de non réitération. En particulier, ni la circonstance qu'il n'a commis aucun fait délictueux depuis le mois de juillet 2019, date de sa libération, ni le fait qu'il s'est marié le 14 septembre 2019 avec une ressortissante française, avec laquelle il a eu deux enfants nés respectivement le 11 juin 2019 et le 19 juin 2020, ni ses quelques périodes de travail en intérim comme " manutentionnaire " entre les mois de janvier à avril 2019, puis comme " agent de tri " entre les mois de décembre 2019 et avril 2020 et les mois de juin et juillet 2020, l'intéressé ne justifiant pas d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire, ni les quelques attestations établies par son épouse, ses beaux-parents, une voisine et un proche, en des termes très peu circonstanciés, ainsi que les quelques photographies produites ne sauraient être considérés comme des garanties sérieuses et suffisantes de distanciation, de non réitération et de réinsertion à la date de la décision attaquée, soit le 28 octobre 2020.
9. Il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de de la répétition et de la gravité des faits délictueux commis par M. A..., marqués par une propension à la violence, de la nature et de la gravité des faits qu'il a commis le 10 juillet 2018, des troubles psychiatriques qu'il présente et de l'absence de justification d'une prise en charge médicale effective, laissant légitimement craindre un risque sérieux de passage à l'acte violent, au demeurant dans un contexte de menace terroriste élevée, et en l'absence de gages sérieux et avérés de distanciation, de non réitération et de réinsertion, le ministre de l'intérieur, en estimant, par son arrêté du 28 octobre 2020, que son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et, en conséquence, en prononçant son expulsion du territoire français, n'a commis aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 632-1 du même code : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : / a) Du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; / b) D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département ; / c) D'un conseiller de tribunal administratif ".
11. M. A... ne saurait sérieusement faire valoir que la décision d'expulsion en litige n'a été édictée que quinze mois après sa sortie de prison, après avoir purgé l'une de ses peines d'emprisonnement, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'après ses nouvelles condamnations en date des 30 août 2019 et 22 novembre 2019, l'administration a tenté de l'expulser, par un arrêté du préfet de l'Ardèche en date du 20 février 2020, en le plaçant en rétention, puis en l'assignant à résidence, mesure que l'intéressé n'a pas respectée à plusieurs reprises, avant que cet arrêté d'expulsion du 20 février 2020 ne soit annulé par un jugement n° 2002966 du 26 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon. De surcroît, en défense, le ministre de l'intérieur se prévaut valablement, sans être d'ailleurs contesté sur ce point, du contexte de menace terroriste particulièrement élevée prévalant à la date de la décision contestée, soit le 28 octobre 2022, caractérisé, en particulier, par les attentats terroristes perpétrés à proximité des anciens locaux de Charlie Hebdo à Paris le 25 septembre 2020 et à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020. Il fait également état utilement, sans être davantage sérieusement contesté, des motifs énoncés aux points 5 à 9, notamment la nature, la gravité et la répétition des faits commis par M. A... depuis son arrivée récente en France, manifestant une forte propension à l'agressivité et à la violence tant dans la sphère privée que publique, l'importance de ses troubles psychiatriques qu'il présente, la nature et la gravité des faits commis le 10 juillet 2018, l'absence de toute justification d'une prise en charge médicale effective et d'une stabilisation de son état de santé mentale depuis lors et, en conséquence, le risque sérieux d'un passage à l'acte violent à tout moment. Enfin, ni le contexte sanitaire lié à la pandémie de la Covid-19, ni le fait que l'arrêté fixant le pays de destination a été pris et notifié à M. A... le 3 novembre 2020 ne faisaient davantage obstacle au prononcé d'une mesure d'expulsion en urgence absolue. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en estimant qu'il y avait urgence absolue à expulser l'intéressé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé des garanties de procédure prévues à l'article L. 522-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de septembre 2015 et fait valoir qu'il y vit avec une ressortissante française, rencontrée au printemps 2018 et avec laquelle il s'est marié le 14 septembre 2019 et a eu trois enfants nées respectivement le 11 juin 2019, le 19 juin 2020 et le 27 décembre 2022. Il fait valoir également qu'il est le père d'un autre enfant de nationalité française, né d'une précédente union le 28 juillet 2018, que son épouse est également la mère d'une fille née le 18 février 2012, qu'il pourvoit à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, qu'il a travaillé régulièrement en intérim depuis l'année 2019 et que résident sur le territoire son frère et sa sœur. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A..., entré en France au mois de septembre 2015, a été éloigné à destination de l'Algérie, le 8 avril 2016, en exécution d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français prise le 14 mars 2016 par le préfet de la Haute-Garonne, et est revenu sur le territoire national de façon irrégulière au mois de janvier 2017. De même, à la date de la décision d'expulsion attaquée, soit le 28 octobre 2020, il ne peut se prévaloir que d'une durée de séjour relativement brève, soit un peu moins de trois ans et dix mois, de surcroît dans des conditions irrégulières. De plus, par la seule production de trois mandats de transfert d'argent, le requérant n'établit, ni n'allègue sérieusement contribuer habituellement à l'entretien et à l'éducation de son premier enfant, né le 28 juillet 2018 et qui vit avec sa mère, ni entretenir des liens effectifs avec lui. Sur ce point, le requérant ne saurait se prévaloir utilement de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 1905862 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019 du préfet de l'Ardèche portant refus de titre de séjour ainsi qu'au jugement n° 2002966 du 26 octobre 2020 du même tribunal annulant l'arrêté du 20 février 2020 du préfet de l'Ardèche, qui avaient, en toute état de cause, un objet différent de celui du présent litige. En outre, le droit à mener une vie familiale normale se trouve déjà garanti par la protection particulière dont M. A... bénéficie au titre des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant que père d'enfant français mineur résidant en France, qui n'autorisent son expulsion qu'en raison de son comportement dont la particulière gravité justifie, ainsi qu'il a été dit aux points 5 à 9, son éloignement durable du territoire français alors même que ses attaches y sont fortes. Par ailleurs, en ayant travaillé en intérim comme " manutentionnaire " entre les mois de janvier à avril 2019, puis comme " agent de tri " entre les mois de décembre 2019 et avril 2020 et les mois de juin et juillet 2020, l'intéressé ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Enfin, le requérant n'établit, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance de nature à faire obstacle à ce que son épouse et leurs enfants lui rendent visite ou le rejoignent le cas échéant en Algérie, où résident ses propres parents et une grande partie de sa fratrie et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du comportement de M. A... ainsi que de la nature et de la gravité des faits qui lui sont reprochés, la décision prononçant son expulsion du territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit également, en tout état de cause, être écarté.
14. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, la situation familiale de M. A..., qui n'établit, ni n'allègue sérieusement que son épouse et leurs enfants ne pourraient pas lui rendre visite ou le rejoindre le cas échéant en Algérie, n'est pas de nature à faire obstacle à son expulsion du territoire français en application des dispositions de l'article L. 521-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
16. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté fixant le pays de destination doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'expulsion en litige, ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05377