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07/11/2024 | FRANCE | N°23PA02648

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 novembre 2024, 23PA02648


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français.



Par une ordonnance n° 2202710 du 4 avril 2022, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis au tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande de M. C....



Par un j

ugement n° 2208486 du 15 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français.

Par une ordonnance n° 2202710 du 4 avril 2022, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis au tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande de M. C....

Par un jugement n° 2208486 du 15 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés les 15 juin 2023, 7 septembre 2023 et 24 avril 2024, M. C..., représenté par Me Clerc, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer sa carte de résident ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'autorité administrative n'a pas saisi pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement n'est pas lié à des activités à caractère terroriste, ni ne constitue des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ;

- il méconnaît les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 16 septembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Cassandre, substituant Me Clerc, avocat de M. C..., et celles de M. B..., représentant l'association SHM, mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 3 mai 1957 à Marseille, fait appel du jugement du 15 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2021 du ministre de l'intérieur prononçant son expulsion du territoire français.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision d'expulsion contestée, qui vise, notamment, l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne en particulier, outre l'identité et la nationalité de M. C..., l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, dont un certain nombre lui ont valu des condamnations pénales ou des sanctions disciplinaires en milieu carcéral, son comportement violent et agressif et les menaces graves qu'il a proférées à de nombreuses reprises, notamment à l'égard de son ex-épouse ou de personnes dépositaires de l'autorité publique, ainsi que les troubles psychiatriques qu'il présente. Elle précise également la durée de sa présence en France ainsi que sa situation familiale. Ainsi, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée au regard des exigences résultant des dispositions précitées, alors même qu'elle ne mentionne pas le fait qu'il a été placé par le juge des tutelles le 22 juin 2021, à raison de son état de santé mentale, sous le régime de la sauvegarde de justice ou qu'il a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône, les 15 juin et 8 septembre 2021, la saisine pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le ministre de l'intérieur aurait omis de procéder à un examen particulier de l'ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de M. C... avant de prononcer son expulsion du territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef cette décision doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ". Aux termes de l'article L. 631-3 de ce code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / 5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

6. Pour prononcer l'expulsion du territoire français de M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l'intérieur a estimé que son comportement était lié à des activités à caractère terroriste.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé, que M. C... s'est inscrit depuis de nombreuses années dans un parcours de délinquance, marqué par un comportement de plus en plus violent et par des faits délictueux d'une gravité croissante. Il a ainsi, notamment, été condamné le 27 juin 1996 par le tribunal correctionnel de Niort à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, qui a été révoqué par la suite de plein droit, pour des faits, commis du 17 au 18 mars 1996, de rébellion et de violence sur personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, le 7 novembre 1997 par le tribunal correctionnel de Nantes à une peine d'un mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 4 septembre 1997, de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, de refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique et de délit de fuite après un accident et le 2 décembre 2005 par le même tribunal à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, qui a été révoqué par la suite de plein droit, pour des faits, commis le 22 juillet 2005, de conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et de conduite d'un véhicule malgré l'annulation judiciaire du permis de conduire. Il a également été condamné le 15 janvier 2008 à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 15 mars 2007, de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, le 22 août 2014 à une peine de huit mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, ce sursis avec mise à l'épreuve ayant été révoqué le 5 février 2015, pour des faits, commis le 20 juin 2014, de menace de mort réitérée par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (récidive) et de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, en l'occurrence à l'égard de son ex-épouse qu'il a menacée de mort en lui répétant à plusieurs reprises : " je vais l'égorger, mon père me parle la nuit et me demande de l'égorger " et en dégradant son véhicule à l'aide d'un couteau, le juge pénal ayant relevé, sans retenir l'abolition ou l'altération de son discernement, que l'intéressé présente " des traits de personnalité du registre dyssocial marqués par une impulsivité, une intolérance aux frustrations et une transgression des droits d'autrui ". Il a, enfin, été condamné le 17 avril 2015 à une peine de trois mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 22 mars 2015 en récidive, de menace réitérée de dégradation ou détérioration dangereuse pour les personnes et de menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, en l'espèce pour avoir menacé le responsable de l'urbanisme d'une commune " de se faire sauter avec une ceinture d'explosifs en mairie " et la maire de cette commune de " la faire danser " et de " lui donner le baiser de la mort ".

8. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de la note des services de renseignement qui a été versée au débat contradictoire et dont les éléments ne sont pas sérieusement contestés, que M. C... a fait l'objet d'un certain nombre de signalements à compter de l'année 2019 à raison de son comportement et, en particulier, de la réitération d'attitudes et propos menaçants, marqués par la rhétorique islamiste ou djihadiste. En particulier, le 16 août 2019, muni d'un tapis de prière et d'un bidon d'essence, il a menacé de s'immoler devant la mairie annexe du Clion-sur-Mer (Loire-Atlantique) au motif que la mairie de Pornic avait refusé son raccordement au réseau électrique. Interpellé, il a alors tenu des propos menaçants à l'encontre de lieux représentatifs de l'Etat et du maire de Pornic, évoquant à plusieurs reprises les Syriens et Allah et faisant valoir ses capacités pour fabriquer une bombe ou se procurer facilement les éléments afin de réaliser un engin explosif en déclarant : " il suffit d'aller voir les salafistes à Marseille et de leur dire qu'on veut se faire péter ". Le 5 octobre 2019, il a appelé la brigade de gendarmerie de Pornic et menacé de " se faire sauter " avec des bouteilles de gaz sur sa propriété. Le 4 décembre 2019, lors d'un examen au centre médico-psychologique de Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire), il a tenu des propos inquiétants en déclarant vouloir faire exploser une administration française, sans toucher de civils autres que lui-même, en expliquant pouvoir se procurer du TATP, explosif employé par les djihadistes, et du Captagon, drogue à base d'amphétamines, en précisant que la famille de sa mère était en Syrie et qu'il serait bien parti là-bas, mais qu'il était trop vieux et en ajoutant que, là-bas, il pourrait combattre " les mécréants comme eux ", faisant référence aux gendarmes. Le 9 janvier 2020, au cours d'un entretien à la maison départementale des solidarités de Beaupréau-en-Mauges, il a évoqué l'idée de se faire exploser avec son sac à dos. Le 30 janvier 2020, lors d'un entretien à son domicile par un service de gendarmerie, il a évoqué longuement son amertume envers la France, a évoqué la Syrie, s'est déclaré " salafiste modéré " et a envisagé comme cible le casino de Pornic, dont, selon lui, le groupe propriétaire financerait l'armée israélienne. Le 19 octobre 2020, il s'est présenté à deux reprises à la maison départementale de la solidarité (MDS) de la Viste à Marseille (15ème) et a tenu à l'agent qui le recevait les propos suivants : " le professeur décapité c'est normal, il ne faut pas enseigner les caricatures, on ne se moque pas du prophète " et " si on me donne de l'explosif, je me fais sauter. Les salafistes sont les justes. J'ai des relations avec un groupe armé au Mali, je vais aller combattre avec eux. Le communautarisme gagnera ". Ces faits lui ont valu d'être condamné, par un jugement du 22 avril 2021 du tribunal correctionnel de Marseille, à une peine de douze mois d'emprisonnement, dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans, pour apologie publique d'un acte de terrorisme, le juge pénal n'ayant pas retenu l'abolition ou l'altération du discernement de l'intéressé ou du contrôle de ses actes. Enfin, le 20 novembre 2020, il a appelé, sous couvert de l'anonymat, des agents municipaux de la ville de Brains (Loire-Atlantique) et a menacé de se " donner la mort par explosif et de faire exploser par la même occasion la mairie " tout en se revendiquant salafiste. Pour ces faits, l'intéressé a été condamné, par un jugement du 4 février 2021 du tribunal correctionnel de Marseille, à une peine de douze mois d'emprisonnement, dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans, pour menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public.

9. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que, lors de sa dernière incarcération, M. C... s'est montré, au cours des mois de mars et avril 2021, particulièrement menaçant et très agressif à l'égard du personnel pénitentiaire, en tenant notamment des propos tels que " si seulement j'avais une bonbonne de gaz, je ferais tout exploser ici. Je mettrais le feu. Tout finira en cendres ", " un bon djihadiste est un djihadiste qui crève par les flammes " ou " de toute façon, je vais mettre le feu. Je vais poser une bombe comme ça vous crèverez aussi ", faits qui lui ont valu plusieurs sanctions disciplinaires.

10. Enfin, alors que le ministre de l'intérieur pouvait légalement prendre en compte son état de santé mentale comme un élément de nature à caractériser sa dangerosité, il ressort des pièces du dossier que M. C... présente de graves troubles psychiatriques, pour lesquels il a fait l'objet de plusieurs mesures de soins psychiatriques et, en dernier lieu, à compter du 17 mai 2021, d'une mesure de soins psychiatriques au sein d'une unité hospitalière spécialement aménagée, qui a été renouvelée et était toujours en vigueur à la date de la décision attaquée.

11. Il suit de là, alors même que M. C... n'a pas été condamné ou poursuivi pour des actes de terrorisme et que le juge pénal, dans son jugement du 22 avril 2021 susmentionné, a relevé " le défaut, dans les pièces de l'enquête, de la preuve d'adhésion à une idéologie politique ou un courant religieux, de nature extrémiste ", que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du parcours de délinquance de l'intéressé depuis 1995, de son comportement de plus en plus violent et agressif, de la multiplication des signalements dont il a fait l'objet depuis 2019, de la réitération de ses comportements et propos menaçants, régulièrement empreints de la rhétorique islamiste ou djihadiste, notamment à l'égard de personnes dépositaires de l'autorité publique, et de la gravité de son état de santé mentale, laissant craindre un risque sérieux de passage à l'acte violent, et eu égard au contexte de menace terroriste particulièrement élevée prévalant à la date de la décision contestée, le ministre de l'intérieur, en estimant, par son arrêté du 30 novembre 2021, que son comportement était lié à des activités à caractère terroriste et, en conséquence, en prononçant son expulsion du territoire français, n'a commis aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En quatrième lieu, le ministre de l'intérieur ayant prononcé l'expulsion de M. C... du territoire français sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article L. 631-2 précité du même code ne peut qu'être écarté comme inopérant.

13. En cinquième lieu, il est constant que M. C... relevait déjà des catégories des étrangers protégés visées par les dispositions des 1° et 2° de l'article L. 631-3 précité, à raison, d'une part, de sa résidence habituelle en France depuis qu'il avait atteint au plus l'âge de treize ans et, d'autre part, de sa résidence régulière en France depuis plus de vingt ans. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 11 que le ministre de l'intérieur pouvait légalement prononcer son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de cet article L. 631-3, qui permettent une telle mesure d'éloignement, notamment en cas de comportements liés à des activités à caractère terroriste, alors même que le ressortissant étranger relève de l'une des catégories des étrangers protégés visées par ces dispositions, y compris ceux dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, ne pourraient pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de l'absence de saisine préalable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit également être écarté comme inopérant.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. M. C... fait valoir qu'il a l'ensemble de ses attaches privées et familiales en France où il a toujours vécu et où résident son frère et ses trois sœurs ainsi que ses trois enfants, qui sont de nationalité française, et qu'il est dépourvu de toute attache en Algérie dont il ne parle pas la langue. Toutefois, le droit à mener une vie familiale normale se trouve déjà garantie par la protection particulière dont M. C... bénéficie au titre des dispositions précitées de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment à raison de la durée de son séjour en France, qui n'autorisent son expulsion qu'en raison de son comportement dont la particulière gravité justifie, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 11, son éloignement durable du territoire français alors même que ses attaches y sont fortes. En tout état de cause, l'intéressé, âgé de soixante-quatre ans à la date de la décision attaquée et qui est divorcé depuis l'année 2009, ne justifie pas des liens effectifs qu'il entretiendrait avec ses deux enfants majeurs, ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille mineure à la date de la décision attaquée, ni même avoir conservé des liens avec elle. Enfin, le requérant n'établit aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, en Algérie, où il ne démontre pas être dépourvu de toute attache et où il s'est rendu à plusieurs reprises. En particulier, à la date de la décision attaquée, soit le 30 novembre 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé aurait fait obstacle à une expulsion vers son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la gravité du comportement qui est reproché à l'intéressé, la décision prononçant son expulsion du territoire français ne peut être regardée, à la date à laquelle elle a été prise, comme ayant porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

16. En dernier lieu, les circonstances, postérieures à la décision d'expulsion contestée, selon lesquelles M. C..., qui a été victime, au mois d'octobre 2022, d'un accident vasculaire cérébral, nécessitant une hospitalisation et des soins et lui occasionnant, notamment, un état aphasique et une perte d'autonomie, a été placé sous tutelle et admis dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, sont sans incidence sur la légalité de cette décision, qui s'apprécie à la date de son édiction.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

D. PAGESLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02648
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;23pa02648 ?
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