Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a classé sans suite sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2109412 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Khiat Cohen, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente de cette délivrance, un récépissé avec autorisation de travail dans le délai de quinze jours à compter de cette notification ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande comme dirigée à l'encontre d'une décision inexistante alors qu'il a fait l'objet, le 2 juin 2021, d'un classement sans suite de sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Par un courrier du 12 août 2024, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour.
Par un mémoire en production d'une pièce, enregistré le 5 septembre 2024, le préfet de Seine-et-Marne a répondu à cette mesure.
Par un courrier du 6 septembre 2024, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 23 novembre 1991, fait appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2001 du préfet de Seine-et-Marne portant classement sans suite de sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Les dispositions législatives et règlementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la procédure de dépôt, d'instruction et de délivrance des différents titres autorisant les étrangers à séjourner en France. Ainsi, selon l'article R. 431-10 de ce code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 431-2, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation de ces documents ". L'article R. 431-12 du même code dispose que : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ". Ainsi que le précise l'article L. 431-3 de ce code, la délivrance d'un tel récépissé ne préjuge pas de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. En outre, selon l'article R. 431-11 de ce code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ", cet arrêté dressant une liste de pièces pour chaque catégorie de titre de séjour.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui s'est marié le 4 août 2018 avec une ressortissante française, est entré en France, en dernier lieu, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint d'une Française, valable du 10 juin 2019 au 10 juin 2020 et qui a été prorogé. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et s'est vu délivrer en dernier lieu un récépissé de demande de carte de séjour valable du 1er avril 2021 au 30 juin 2021.
4. Pour rejeter comme irrecevable la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2021 du préfet de Seine-et-Marne portant classement sans suite de sa demande de titre de séjour, le tribunal administratif de Melun a estimé que, par les pièces qu'il produisait, l'intéressé ne justifiait pas de l'existence d'une telle décision.
5. Cependant, il ressort des pièces du dossier, notamment de celle produite en appel par le préfet de Seine-et-Marne à la suite d'une mesure d'instruction diligentée par la Cour, que, par un courrier du 2 juin 2021, le préfet a décidé de classer sans suite la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A..., son dossier étant " en attente de pièces complémentaires depuis le 6 novembre 2020 ". Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande de l'intéressé en estimant qu'elle était dirigée contre une décision inexistante. Son jugement en date du 13 juin 2023 doit, dès lors, être annulé.
6. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation la décision en date du 2 juin 2021.
En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :
7. En dépit d'une seconde mesure d'instruction diligentée par la Cour, le préfet de Seine-et-Marne n'a fourni aucune précision sur les motifs ayant justifié le classement sans suite, le 2 juin 2021, de la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A... en qualité de conjoint d'une ressortissante française. En particulier, il n'a livré aucune précision sur les " pièces complémentaires " que M. A... n'aurait pas produites à l'appui de sa demande. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en classant sans suite sa demande, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 2 juin 2021 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a classé sans suite sa demande de titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".
10. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 7, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que soit délivré à M. A... un titre de séjour. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2109412 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Melun et la décision du 2 juin 2021 du préfet de Seine-et-Marne classant sans suite la demande de titre de séjour de M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03009 2