Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'arrêté du même jour par lequel le préfet a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2321186 du 24 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 1er septembre 2023 du préfet de police.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a annulé les deux arrêtés en litige pour incompétence de leur signataire et insuffisance de leur motivation alors que ces arrêtés, signés par une autorité qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, sont suffisamment motivés ;
- ces arrêtés sont exempts d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
La requête du préfet de police a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 23 août 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 26 septembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien, né le 1er octobre 1962, a fait l'objet d'un arrêté du 1er septembre 2023 du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et d'un arrêté du même jour du préfet prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Le préfet fait appel du jugement du 24 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés.
Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :
2. Pour annuler les deux arrêtés en litige, la première juge a estimé qu'en l'absence de production des décisions attaquées par l'administration en application des dispositions de l'article R. 776-18 du code de justice administrative, les moyens soulevés à l'encontre de ces décisions par M. D... et tirés de l'incompétence de leur signataire et d'une insuffisance de leur motivation devaient être regardés comme fondés.
3. Cependant, il ressort des pièces produites en appel par le préfet que les deux arrêtés attaqués du 1er septembre 2023 ont été signés par M. A... B..., attaché d'administration de l'Etat, directement placé sous l'autorité de la cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté n° 2023-00971 du 23 août 2023 du préfet de police, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture. Par ailleurs, ces deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent ces quatre décisions, et sont ainsi suffisamment motivés. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 1er septembre 2023 aux motifs de l'incompétence de leur signataire et d'une insuffisance de leur motivation.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. D... devant le tribunal administratif.
Sur l'autre moyen soulevé par M. D... :
5. Si M. D... soutient que les décisions attaquées portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation par l'autorité préfectorale de leurs conséquences sur sa situation personnelle, il ne fournit, à l'appui de ce moyen, aucune précision permettant d'en apprécier la portée ou le bien-fondé. Au surplus, si l'intéressé a déclaré séjourner en France depuis 1978, il ne justifie pas de l'ancienneté et de la continuité de ce séjour depuis cette date et, en particulier, ne produit aucun document attestant de sa présence sur le territoire pour les années 2000 à 2017. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. D..., connu sous différentes identités, s'est rendu coupable, entre 1984 et 1999 et entre 2018 et 2023, de nombreux faits délictueux qui lui ont valu treize condamnations par les juridictions répressives à des peines atteignant un quantum total de sept ans et huit mois d'emprisonnement, dont huit mois avec sursis probatoire pendant deux ans, notamment pour des faits de violences volontaires à l'aide ou sous la menace d'une arme suivies d'une incapacité supérieure à huit jours, de violences volontaires avec préméditation ou guet-apens suivies d'une incapacité supérieure à huit jours, de vol, vol avec violence, vol aggravé par deux circonstances ou vol avec destruction ou dégradation, de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, de prise du nom d'un tiers entraînant une inscription à son casier judiciaire, de cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'annulation judiciaire du permis de conduire. Par ailleurs, alors que M. D... s'est inscrit sur de longues périodes dans un parcours de délinquance, qui lui a valu de nombreuses condamnations pénales, et qu'il a également fait l'objet de plusieurs mesures d'obligation de quitter le territoire français les 5 juin 2018, 30 septembre 2021 et 5 juin 2023, assorties, à chaque fois, d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, l'intéressé, divorcé et qui ne démontre pas entretenir des liens effectifs avec ses deux filles qui sont majeures, ne fait état d'aucun gage sérieux et avéré de distanciation ou de remise en question par rapport aux faits commis ainsi que de non réitération et de réinsertion, ni ne justifie d'ailleurs d'aucune insertion professionnelle sur le territoire. Enfin, l'intéressé n'allègue aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, en Algérie où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache. Par suite, le moyen doit, en état de cause, être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses deux arrêtés du 1er septembre 2023.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2321186 du 24 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Pagès, premier conseiller,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
D. PAGESLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04860