Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Life Paris a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision explicite non datée par laquelle la région Ile-de-France a rejeté sa demande d'aide exceptionnelle au titre du deuxième volet du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de Covid-19, ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation/retrait, et d'enjoindre au conseil régional d'Ile-de-France de lui verser l'aide exceptionnelle sollicitée ou de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 250 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2111273 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de la région Ile-de-France rejetant la demande d'aide exceptionnelle présentée par la société Life Paris au titre du deuxième volet du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de Covid-19, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation/retrait et enjoint à la région Ile-de-France de réexaminer la demande de la SAS Life Paris dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juin 2023 et 3 avril 2024, la région Ile-de-France, représentée par Me Sagalovitsch, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2111273 du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la SAS Life Paris en annulant sa décision rejetant la demande d'aide exceptionnelle présentée par la société au titre du deuxième volet du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de Covid-19, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation/retrait ;
2°) de mettre dans la cause l'Etat représenté par la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarité (DRIEETS) ;
3°) de rejeter la demande présentée par la société devant le tribunal administratif ;
4°) de mettre à la charge de la société Life Paris une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La région Ile-de-France soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que la DRIEETS, représentant l'Etat, n'a pas été mise en cause alors que la décision d'octroi ou de refus de l'aide Covid " volet 2 " est notifiée conjointement par l'Etat et la Région ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit, de dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions attaquées ne sont entachées ni d'erreur de droit, ni de dénaturation des faits ou d'erreur manifeste d'appréciation ;
- à supposer que la SAS Life Paris puisse être regardée comme exploitant un établissement relevant du public de type P, l'activité de " clubbing " ne constitue pas l'activité principale de l'établissement mais correspond à une activité secondaire ;
- la circulaire n° I0CD1027192C du 22 octobre 2010 du ministère de l'intérieur à laquelle se réfère la SAS Life Paris n'ayant pas été publiée dans les conditions précisées aux articles
L. 312-3, R. 312-8 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, elle n'est pas opposable.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2024, la SAS Life Paris, représentée par Me Bouboutou, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'injonction de verser l'aide exceptionnelle au titre du deuxième volet du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de Covid-19 sous astreinte ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au conseil régional d'Ile-de-France et au représentant de l'Etat (DRIEETS IDF ou DRFIP IDF) de lui verser l'aide complémentaire au fonds de solidarité national prévue par le décret n° 2020-1049 du 14 août 2020 correspondant à la demande pour la période de septembre à novembre 2020, dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire de réexaminer la demande de la société dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge in solidum de la région Ile-de-France et de l'Etat la somme de 3 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés ;
- l'activité de " clubbing " de la société Life Paris est bien exercée au sein du seul et unique établissement qu'elle exploite ;
- l'établissement Life Paris accueille deux activités complémentaires : bar/restaurant (type N) et salle de danse (type P) ;
- l'établissement doit être qualifié de discothèque ;
- la circonstance que la société n'a pas modifié sa nomenclature auprès de l'INSEE est sans incidence sur les activités réelles au sein de l'établissement ;
- le chiffre d'affaires de location de salles et de clubbing est confondu, l'activité de location de salles étant intrinsèquement liée à l'activité de discothèque qui doit être regardée comme étant l'activité principale de la société ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- l'annulation des décisions attaquées implique nécessairement que le conseil régional d'Ile-de-France lui verse l'aide complémentaire au fonds de solidarité dit volet 2 institué par le décret n° 2020-1049 du 14 août 2020.
Par une ordonnance en date du 22 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2024, à 12 heures.
Un mémoire a été enregistré le 6 août 2024 pour la société Life Paris, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-1049 du 14 août 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- les observations de Me Sagalovitsch pour le conseil régional d'Ile-de-France ;
- et les observations de Me Leplat pour la SAS Life Paris.
Une note en délibéré a été enregistrée le 25 octobre 2024 pour la société Life Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Life Paris a présenté, le 10 décembre 2020, une demande d'attribution de l'aide exceptionnelle au titre du deuxième volet du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 auprès de la région Ile-de-France, pour l'activité de son établissement situé au 14 rue Saint-Fiacre (Paris, 2ème arrondissement). Par une décision explicite non datée, la région Ile-de-France a rejeté sa demande au motif, notamment, qu'elle n'est pas éligible à l'aide complémentaire " pour cause de secteur d'activité ". Par courriel du 10 février 2021, la SAS Life Paris a entendu former un recours gracieux contre cette décision. Par courriel du 17 février 2021, les services de la région Ile-de-France ont rejeté ce recours gracieux au motif que " si votre établissement accueille à certaines occasions des soirées comme le montre des photos sur Internet, il n'est pas en tant que tel une discothèque à part entière. Par ailleurs, à l'issue d'une vérification auprès de la Sacem, nous avons eu l'information que votre établissement n'a jamais été déclaré comme discothèque ni comme aucune autre activité de diffusion de musique. Or, l'aide de volet 2 ne s'adresse qu'aux discothèques ". Par courrier du 7 avril 2021, la SAS Life Paris, par la voix de son conseil, a sollicité l'abrogation/retrait de la décision de rejet de la région
Ile-de-France. Par un jugement n° 2111273 du 7 avril 2023 dont la région Ile-de-France interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de la région
Ile-de-France rejetant la demande d'aide exceptionnelle présentée par la SAS Life Paris au titre du deuxième volet du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de Covid-19, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation/retrait. La SAS Life Paris demande à la Cour, à titre incident d'annuler le jugement mentionné en tant que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce qu'il enjoint au conseil régional d'Ile-de-France de lui verser l'aide sollicitée.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 août 2020 adaptant pour les discothèques certaines dispositions du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif aux fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : " Pour les entreprises des secteurs mentionnés à l'annexe 1 du décret du 30 mars 2020 susvisé dont l'activité principale est exercée dans des établissements recevant du public relevant du type P défini par le règlement pris en application de l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation faisant l'objet d'une interdiction d'accueil du public, à compter de l'aide attribuée au titre du mois de juin 2020, le 7° de l'article 1er du décret du 30 mars 2020 susvisé ne s'applique pas et les articles 3-5, 3-6, 3-8, 3-9 et 4 du même décret sont remplacés par les dispositions des articles 2 à 4 du présent décret ".
3. Tout d'abord, la région Ile-de-France fait valoir qu'au regard des dispositions du décret n° 2020-1049 du 14 août 2020 adaptant pour les discothèques certaines dispositions du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, la SAS Life Paris ne pouvait percevoir la subvention, cette dernière n'étant pas une discothèque au motif qu'elle ne constitue pas un établissement recevant du public relevant du type P " salle de danse " comme en atteste la mention code A... 82.30 Z (organisation de foires, salons professionnels et congrès) portée sur le document Kbis dans la rubrique répertoire SIRENE (INSEE) au lieu du code 56.30 Z adapté aux salles de danse. Elle soutient que pour l'inscription des entreprises ou établissements au répertoire national des entreprises et établissements, le numéro de la nomenclature des activités économiques qui doit être retenu est celui de l'activité principale de l'établissement et relève qu'au regard de ce qui précède, l'activité de " clubbing " est accessoire à l'activité principale de l'établissement en litige.
4. Si la liste des secteurs d'activité éligibles énumérés aux annexes 1 et 2 du décret du 30 mars 2020 modifié recoupe partiellement certains intitulés de la nomenclature utilisée dans le système d'identification du répertoire des entreprises (SIREN) et du code dit A... (activité principale exercée) de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), et si le code A... constitue un élément dont l'administration des finances publiques peut tenir compte lorsqu'elle réalise, le cas échéant, un contrôle de cohérence entre les éléments déclarés par l'entreprise dans son formulaire de demande d'aide au titre du fonds de solidarité et les éléments dont elle dispose pour vérifier si l'activité principale déclarée relève ou non de ces secteurs, il ne résulte d'aucune des dispositions du décret n° 2020-1049 du 14 août 2020 précité, ni des annexes du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 précité, que le numéro SIREN ou le code A... attribué par l'INSEE lors de la création de l'entreprise ou modifié ultérieurement à l'initiative de l'entreprise soit le critère retenu pour apprécier l'éligibilité d'une demande d'aide au titre du fonds de solidarité, laquelle dépend, ainsi que cela résulte des dispositions précitées du décret du 14 août 2020 précité, de l'activité principale exercée par l'entreprise dans un établissement recevant du public. Le caractère principal de l'activité, au regard du type d'établissement en cause, doit être apprécié compte tenu des seules activités exercées dans un même établissement, constituant l'entreprise, peu importe les mentions figurant sur le Kbis ou le SIRENE. De même, les dispositions citées au point 2 du présent arrêt indiquent que l'activité principale doit être exercée dans un établissement recevant du public (ERP) relevant du type P, et non être une activité principale de type P.
5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies et factures produites, que la SAS Life Paris, dont le document Kbis indique notamment, entre autres activités principales, comme activité de " clubbing ", exploite au 14 rue Saint-Fiacre des locaux comportant une salle de danse, qu'elle a acquis notamment du matériel de mixage, un dispositif de billetterie, et qu'elle fait appel, pour certains évènements, aux services d'un DJ et d'un service de sécurité. En outre, le 7 septembre 2019, le commandant de police du groupe cabaret de la brigade de répression du proxénétisme l'a informée que sa déclaration en discothèque était enregistrée et, à cette occasion, lui a rappelé les règles sur l'heure de fermeture de l'établissement ainsi que l'heure limite de vente d'alcool puis lui a précisé qu'une visite de contrôle serait effectuée afin de vérifier le classement en type P de l'établissement. Suite à la visite des membres de la commission de sécurité, par un courrier du 8 juin 2020, le préfet de police de Paris a autorisé la poursuite de l'exploitation de l'établissement, en précisant qu'il s'agissait d'un " établissement recevant du public de type N avec activité de type P de 3ème catégorie " susceptible de recevoir un effectif de 429 personnes au titre du public et 29 personnes au titre du personnel. Eu égard aux conditions dans lesquelles l'activité de " clubbing " est exercée dans cet établissement et fait l'objet d'une communication auprès du public, il n'apparaît pas que l'activité de restauration et de location de salle également exercée dans l'établissement en cause revête un caractère principal. L'activité de " clubbing " doit dès lors être regardée comme étant le prolongement d'une activité de restauration et de location de salle dont elle constitue, à cet égard, un outil de promotion commerciale. La circonstance qu'aucun chiffre d'affaires n'ait été produit au titre de l'année d'ouverture de la discothèque est sans influence sur la qualification de l'activité de l'établissement.
6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement que la région Ile-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de la Région rejetant la demande d'aide exceptionnelle présentée par la SAS Life Paris au titre du deuxième volet du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et financières de la propagation de l'épidémie de Covid-19, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation/retrait.
Sur l'appel incident :
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par voie d'appel incident par la SAS Life Paris tendant à enjoindre que le conseil régional d'Ile-de-France lui verse l'aide exceptionnelle sollicitée sous astreinte de 250 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, réexamine sa situation doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS Life Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la région Ile-de-France d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Life Paris et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la région Ile-de-France est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'appel incident de la SAS Life Paris sont rejetées.
Article 3 : La région Ile-de-France versera à la SAS Life Paris la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France et à la société par actions simplifiée (SAS) Life Paris.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
S. BOIZOT
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02508 2