Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, toutes deux relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- l'arrêté n°2006-3313/GNC du 31 août 2006 ;
- l'arrêté n° 2024-13/GNC du 17 janvier 2024 ;
- la lettre-circulaire n° 2022-083 du 11 mars 2022 de la CAFAT ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des Infirmiers à Domicile (SIAD) a demandé par courrier du 28 avril 2022 à la Caisse de Compensation des prestations Familiales, des Accidents du Travail et de Prévoyance des Travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT) de " respecter précisément les dispositions de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP), en vigueur en Nouvelle-Calédonie, et de remettre en place le remboursement des indemnités kilométriques en la calculant pour chaque patient depuis le domicile professionnel jusqu'à celui du patient et retour déduction fait de 2 km aller et de 2 km retour", le syndicat estimant que la circulaire n° 2022-083 édictée par la CAFAT le 11 mars 2022 viole les dispositions en cause de la NGAP. Cette demande, qui a fait l'objet d'une décision de rejet du 18 mai 2022 de la CAFAT, a été renouvelée par un courrier du 31 mars 2023 du SIAD. Par une décision du
3 mai 2023, la CAFAT a rejeté cette nouvelle demande. Le SIAD relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions et à l'abrogation, par voie de conséquence, de la circulaire du 11 mars 2022 en tant qu'elle créé une règle de calcul des indemnités horokilométriques " en tournée ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le syndicat appelant soutient que c'est à tort que les premiers juges ont jugé sa demande irrecevable au motif que la lettre-circulaire contestée ne posait pas, selon eux, de règle nouvelle. Il ressort de cette circulaire, qui concerne l'ensemble des infirmiers libéraux de Nouvelle-Calédonie qu'elle est susceptible d'avoir des effets notables sur leur situation, notamment financière. Par suite, le recours formé à son encontre ou les décisions refusant de l'abroger, devait être accueilli par le tribunal. Il en résulte que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le SIAD devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Sur la demande présentée par le SIAD devant le tribunal administratif :
4. D'une part, la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) applicable en Nouvelle-Calédonie, dans sa version alors en vigueur, dispose en son article 13 que : " Lorsqu'un acte inscrit à la nomenclature doit être effectué au domicile du malade, les frais de déplacement du praticien sont remboursés, en sus de la valeur propre de l'acte ; ce remboursement est, selon le cas, forfaitaire ou calculé en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le praticien. ". " Lorsque la résidence du malade et le domicile professionnel du praticien ne sont pas situés dans la même agglomération et lorsque la distance qui les sépare est supérieure à 2 km en plaine ou 1 km en montagne, les frais de déplacement sont remboursés sur la base d'une indemnité horokilométrique dont la valeur unitaire est déterminée dans les mêmes conditions que celles des lettres clés prévues à l'article 2. [...] L'indemnité horokilométrique s'ajoute à la valeur propre de l'acte ; s'il s'agit d'une visite, cette indemnité s'ajoute au prix de la visite et non à celui de la consultation. Pour les actes en K, KC, Z, D, DC, SF, SFI, AMI, AMM, AMP et AMO, l'indemnité horokilométrique se cumule avec l'indemnité forfaitaire prévue aux paragraphe A. Elle est calculée et remboursée dans les conditions ci-après : 1° L'indemnité due au praticien est calculée pour chaque déplacement à partir de son domicile professionnel et en fonction de la distance parcourue sous déduction d'un nombre de kilomètres fixé à 2 sur le trajet tant aller que retour. Cet abattement est réduit à 1 km en montagne et en haute montagne. Il n'y a pas lieu à abattement pour les visites et les accouchements effectués par les sage-femmes. En cas d'acte global (intervention chirurgicale, par exemple), chaque déplacement du praticien occasionné soit par l'acte initial, soit par les soins consécutifs donne lieu à l'indemnité de déplacement forfaitaire et, le cas échéant, horokilométrique, calculée comme il est dit ci- dessus. ".
5. D'autre part, la lettre-circulaire de la CAFAT du 11 mars 2022 adressée aux infirmiers distingue, au II relatif aux modalités de calcul des indemnités horokilométriques, deux situations pour la facturation de ces indemnités : le trajet aller-retour du cabinet infirmier au domicile d'un patient (" en étoile ") et la tournée journalière de soins, en précisant qu'" une tournée est une organisation de soins pour laquelle vous ne repassez pas par votre cabinet entre chaque patient (...) ".
6. Il ressort de la lettre-circulaire de la CAFAT qu'elle distingue deux situations différentes, d'une part, celle dans laquelle l'infirmier effectue des trajets allers-retours entre son cabinet et le domicile de son patient, d'autre part, celle dans laquelle il effectue une tournée, en vue d'optimiser ses temps et distances de trajets, entre le domicile de plusieurs patients n'impliquant pas de retour à son cabinet entre chaque visite. En appliquant à ces situations de fait une facturation différente, la circulaire contestée ne fixe pas de règle nouvelle dès lors que la NGAP qu'elle applique, prévoit que le remboursement des indemnités horokilométriques, s'il n'est pas forfaitisé, est calculé en fonction de la distance parcourue. Si le syndicat appelant se prévaut d'un arrêt de la Cour d'appel de Nouméa du
29 juin 2005, cette décision, en tout état de cause antérieure tant aux décisions qu'à la circulaire contestées, valide l'application par la CAFAT d'un calcul indemnitaire par tournée en se bornant à lui reprocher de ne pas y intégrer le critère de la perte du temps et en sanctionnant une surfacturation fondée sur des allers-retours fictifs de l'infirmier à son cabinet.
7. Par suite, en premier lieu, dès lors que la circulaire litigieuse ne comporte pas de règle nouvelle, la CAFAT était compétente pour l'édicter.
8. En deuxième lieu, dès lors que la circulaire litigieuse ne comporte pas d'interprétation de la NGAP qui en méconnaîtrait le sens et la portée ou qui serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses dispositions, la CAFAT était fondée à rejeter les demandes du SIAD tendant à ce qu'elle renonce à son application.
9. Enfin, l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande tendant à ce que soit abrogé un document de portée générale réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à son abrogation. Il s'ensuit que le juge administratif doit apprécier la légalité des dispositions contestées au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
10. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 31 août 2006 portant création de la nomenclature en Nouvelle-Calédonie a été abrogé par l'arrêté susvisé du 17 janvier 2024, dont l'article 34 du Chapitre IV du Livre 1 prévoit que l'indemnité horokilométrique est désormais calculée, pour chaque déplacement, " à partir du domicile professionnel ou du domicile du patient de la visite précédente et en fonction de la distance parcourue sur le trajet aller et retour ". Par suite, et en tout état de cause, au regard des règles actuellement applicables, les conclusions du SIAD tendant à l'annulation des décisions de refus d'abrogation partielle de la circulaire litigieuse de la CAFAT du 11 mars 2022, et les conclusions tendant à l'abrogation partielle de cette circulaire, ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la CAFAT, que la demande du SIAD ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CAFAT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le SIAD au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme que demande la CAFAT au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300352 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le SIAD devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la CAFAT présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des Infirmiers à Domicile et à la Caisse de Compensation des prestations Familiales, des Accidents du Travail et de Prévoyance des Travailleurs de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Julliard, présidente,
Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA05258 2