Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale en vue de confirmer l'aggravation de son état de santé du fait de sa vaccination contre la grippe A (H1N1) et d'évaluer ses préjudices.
Par un jugement n° 2001683 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2024 et deux mémoires enregistrés le
29 juillet 2024 et le 26 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Joseph-Oudin, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun en ce qu'il a rejeté sa demande d'expertise et d'indemnisation de ses préjudices ;
2°) d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale pour confirmer l'aggravation de son état de santé, dire s'il est consolidé depuis la précédente expertise et évaluer le cas échéant ses préjudices ;
3°) de condamner l'ONIAM à l'indemniser de son préjudice moral à hauteur de 4 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise, ou à défaut, de les réserver jusqu'à la fin de l'instance, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de l'ONIAM d'expertise médicale complémentaire est entaché d'un détournement de pouvoir ; aucun texte ne lui donne le pouvoir de se prononcer en matière médicale sur l'aggravation de l'état de santé d'une victime ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que son état de santé ne s'était pas aggravé dès lors qu'elle justifie de préjudices nouveaux depuis le 1er septembre 2015 et jusqu'en 2022, et que ses traitements ont dû être modifiés et augmentés pour prendre en compte cette aggravation ; la Cour devra en conséquence ordonner la réalisation d'une nouvelle expertise médicale pour confirmer l'aggravation de son état de santé et évaluer ses nouveaux préjudices.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juillet 2024 et le 28 août 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Birot, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le demande d'expertise est irrecevable, la cour administrative d'appel de Paris ayant déjà rejeté cette demande ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- les observations de Me Lafon et Me Joseph-Oudin, représentant Mme B...,
- et les observations de Me Renard, représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été vaccinée contre la grippe A le 14 décembre 2009, dans le cadre de la campagne de vaccination contre le virus H1N1 organisée par un arrêté du
4 novembre 2009 de la ministre de la santé et des sports. A compter du mois de janvier 2010, elle a présenté les symptômes d'une narcolepsie-cataplexie. Le 17 mai 2013, Mme B... a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. Après avoir diligenté une expertise, le directeur de l'ONIAM a, par une décision du 5 décembre 2014, reconnu l'existence d'un lien entre la vaccination contre le virus H1N1 et la narcolepsie-cataplexie dont souffre Mme B... et lui a adressé une proposition d'indemnisation qu'elle a estimée insuffisante. Par un jugement du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné l'ONIAM à verser une somme de 131 220,79 euros à l'intéressée en réparation de son préjudice. Le
13 août 2019, Mme B... a saisi à nouveau l'ONIAM d'une demande d'indemnisation au titre de l'aggravation de son état de santé et a sollicité la réalisation d'une nouvelle expertise médicale. Par une décision du 23 décembre 2019, le directeur de l'Office a rejeté sa demande. Par un arrêt du 9 juin 2020, la cour administrative d'appel de Paris a porté le montant de la somme mise à la charge de l'ONIAM à 138 412,30 euros et a rejeté la demande d'expertise. Mme B... relève appel du jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'expertise et d'indemnisation de ses préjudices.
Sur l'exception de chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 9 juin 2020 :
2. Il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir l'ONIAM, que par l'arrêt précité du 9 juin 2020 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les conclusions de la requête de Mme B... tendant à ce que la Cour ordonne une nouvelle expertise concernant les préjudices résultant de la narcolepsie-cataplexie qu'elle a contractée à la suite de sa vaccination, en l'absence d'éléments au dossier de nature à établir une aggravation de son état de santé postérieurement à l'expertise du 26 octobre 2017. En tant qu'elle concerne l'aggravation de son état de santé entre la date de cette expertise et la date de l'arrêt de la Cour, l'autorité de chose jugée qui s'attache à cet arrêt et qui résulte de la triple identité de parties, d'objet et de cause juridique, fait obstacle à la demande de Mme B... tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise.
Sur les conclusions de la requête tenant à la réalisation d'une nouvelle expertise en tant qu'elle concerne l'aggravation de son état de santé postérieurement au 9 juin 2020 :
3. Mme B... soutient que son état de santé s'est dégradé depuis l'expertise qui avait fixé sa date de consolidation au 1er septembre 2017, ce qui justifie que la Cour ordonne une nouvelle expertise médicale afin d'évaluer les préjudices résultant de cette dégradation, en particulier un déficit fonctionnel permanent aggravé, un besoin d'assistance par une tierce personne supplémentaire en raison d'une impossibilité de conduire, un préjudice sexuel lié aux traitements, un préjudice esthétique lié à la prise de poids, un préjudice scolaire et professionnel ainsi que des frais de transport. Toutefois, elle n'établit pas plus devant la Cour qu'en première instance l'aggravation alléguée de son état de santé. Comme l'a relevé le tribunal, dans son certificat médical du 31 décembre 2020, le professeur C... estimait que " l'évolution [de son état de santé] est très favorable. Elle va bien mieux qu'elle n'a été (...) Il n'y a pas de somnolence au travail, il n'y a plus de cataplexies ". Le compte-rendu d'hospitalisation du même médecin, établi le 18 janvier 2022 après enregistrement polysomnographique, précise " Elle va globalement très bien avec peu de cataplexie, un épisode par mois au niveau de la face sans handicap fonctionnel (...) Au total, évolution globalement favorable sur le plan clinique avec prise en charge thérapeutique actuelle puisqu'il n'y a plus de cataplexie, elle dort bien la nuit, mais malheureusement elle a encore une somnolence diurne excessive avec un surpoids. " Le médecin préconise un changement de traitement, une reprise d'activité physique et prévoit de revoir l'intéressée six mois plus tard. Lors de la consultation du 21 juin 2022, le médecin note : " Elle va actuellement mieux, le changement du Modiodal pour de la Ritaline semble efficace mais possiblement encore insuffisant. Elle fait une sieste quotidiennement quand les circonstances le permettent. Elle se dit mieux l'après-midi que le matin les cataplexies n'ont pas récidivé (...). Au total l'évolution est favorable, il n'y a plus d'énurésie, il n'y a pas de cataplexie. Le poids est en voie de diminution. Il persiste une somnolence peu sévère (...) Elle va globalement très bien. ". En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'adaptation du traitement médicamenteux dont Mme B... se prévaut résulterait de l'aggravation de son état de santé alors qu'elle vise à améliorer la prise en charge de symptômes préexistants. Par suite, en l'absence d'élément de nature à établir l'aggravation de l'état de santé de Mme B... postérieurement au 9 juin 2020, il n'y a pas lieu d'ordonner avant dire droit la réalisation d'une nouvelle expertise médicale.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
5. Par voie de conséquence, ses conclusions, au demeurant nouvelles en appel, tendant à l'indemnisation du préjudice moral résultant du rejet par l'ONIAM de sa demande d'indemnisation amiable de l'aggravation de son état de santé, et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience publique du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Julliard, présidente,
Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00548 2