Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Par un jugement n°2300670 du 17 novembre 2023 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2024 et des pièces complémentaires enregistrées le 31 mai 2024 M. A..., représenté par Me Leboul, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de cet arrêt, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 900 euros à verser à son avocat,
Me Leboul, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que ne prend pas en compte la dégradation de son état de santé survenue après l'avis de l'OFII mais avant l'intervention de la décision ;
- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est à tort cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII et par l'avis de la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'absence d'accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions des articles L. 421-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 611-3.9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
19 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Labetoulle a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, né en 1982, entré en France le 26 janvier 2018, selon ses déclarations, a été titulaire de plusieurs titres de séjour pour raisons médicales depuis 2019, dont le dernier l'autorisait à séjourner en France du 9 novembre 2020 au 8 novembre 2021. Le 14 octobre 2021 et le 10 octobre 2022, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut, un changement de statut pour une carte de séjour temporaire mention " salarié ". Par un arrêté du 12 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office lorsque le délai serait expiré. M. A... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 17 novembre 2023 dont M. A... relève appel.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
3.Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et, en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII dans son avis du
8 décembre 2021 a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait un suivi médical dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le Mali. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... souffre de pathologies ophtalmologiques dont un glaucome et est suivi au centre du glaucome de l'hôpital des Quinze Vingt depuis 2018. Pour établir l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine il invoque notamment l'aggravation de ses problèmes ophtalmologiques et justifie, par les pièces produites et notamment une convocation de l'hôpital en date du 24 août 2022 ainsi que l'attestation d'un praticien de l'hôpital des Quinze Vingt du 26 mai 2023, donc postérieure à l'intervention de la décision attaquée, mais qui peut éclairer sur son état antérieur, qu'il a dû, dans le cadre de sa pathologie glaucomateuse, subir une nouvelle intervention chirurgicale au sein de cet hôpital le 2 septembre 2022 soit après que le collège des médecins de l'OFII a émis son avis le 8 décembre 2021 mais avant le refus de titre opposé le 12 décembre 2022. M. A... soutient également que le traitement médical qui lui est prescrit dans les ordonnances des 25 janvier, 6 et 28 avril 2023, certes postérieures à la décision attaquée mais qui renseignent sur son traitement à cette date, composé notamment de gouttes de Ganfort et de Cosopt, n'est pas disponible au Mali, en produisant une liste datant de 2006 des médicaments essentiels qui y sont disponibles, sur laquelle ne figurent pas ces deux médicaments. Il produit également devant la Cour, une nouvelle liste plus récente des médicaments essentiels disponibles dans son pays d'origine, annexée à un arrêté du 26 août 2019, et sur laquelle ne figure aucun des collyres en cause, ni le Bimatoprost, substance active du Gonfort. En conséquence, et alors par ailleurs que l'administration n'a pas produit d'écritures en appel et que le préfet ne démontrait pas, dans ses écritures de première instance que le requérant pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Mali, M. A... doit être regardé comme apportant des éléments suffisamment probants pour contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII et établir qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il est par suite fondé à soutenir que le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnait les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il est par suite fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a notamment refusé le renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A... l'un des titres de séjour sollicités. En revanche, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leboul avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leboul de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 12 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Leboul, avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leboul renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Labetoulle, première conseillère,
- Mme Palis de Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLE La présidente,
M. JULLIARD
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01415