Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2011434 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. A... de la pénalité de 10 % qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts au titre de l'année 2015, à hauteur de 1 485 euros et rejeté le surplus de la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 3 mai 2023, 8 avril et 1er juin 2024, M. A..., représenté par Me Vecchione, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2011434 du 8 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a seulement fait droit à sa demande de décharge de la pénalité de 10 % qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts au titre de l'année 2015, à hauteur de 1 485 euros et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des majorations correspondantes ;
2°) de le décharger des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration ne peut pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments qu'elle a recueillis auprès de tiers, dans le cadre de son droit de communication, que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise, aux activités ou à la situation de ce contribuable ;
- ils ont omis de se prononcer sur la charge de la preuve ;
- le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et d'appréciation, de dénaturation, d'erreurs dans son raisonnement et ses motifs, et d'une contradiction de motifs ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne l'application de la majoration en base de 25 % ;
- il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sans bénéficier des garanties de procédure qui lui sont associées ;
- la procédure d'imposition n'est pas conforme aux doctrines référencées BOI-CF-DG-40-20 n° 40 et BOI-CF-COM-10-10-10 n° 110 ;
- l'administration a méconnu l'obligation de l'informer sur l'origine véritable des éléments recueillis des tiers en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration n'a pas corroboré les éléments obtenus de la société L'Anneau avec des constatations propres à son entreprise ;
- c'est à tort que l'administration a refusé de le faire bénéficier du régime des
micro-entreprises ;
- il aurait dû être mis en mesure d'opter pour le régime prévu à l'article 151-0 du code général des impôts pour l'année 2015 ;
- il a fait l'objet d'une double imposition dès lors que le service a réintégré des montants incluant la taxe sur la valeur ajoutée à ses revenus imposables ;
- son revenu imposable doit être minoré de 40 % pour prendre en compte ses charges professionnelles, au titre du réalisme économique ; l'abattement forfaitaire de 50 % prévu à l'article 50-0 du code général des impôts, appliqué aux revenus de l'année 2016, et dont il résulte une prise de position opposable de l'administration, aurait dû être appliqué également pour l'année 2015 ;
- l'administration a méconnu la règle du " non bis in idem " en majorant les suppléments notifiés de 10 % pour " retard ou défaut de souscription de déclarations " et de 10 % pour " défaut de production dans les délais prescrits " ;
- la multiplication par un coefficient de 1,25 du chiffre d'affaires de M. A... pour l'année 2015 est illégale ;
- l'application d'un coefficient de majoration de 1,25 aux revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme l'a reconnu a décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, incompatible avec le droit de propriété tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A-I du code général des impôts et l'intérêt de retard sont infondés.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet 2023, 22 avril et 6 juin 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exerce depuis le 13 mars 2008 une activité professionnelle dans le secteur de la vente à distance sous le régime de l'auto-entrepreneur, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Des rappels de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu lui ont été notifiés par une proposition de rectification du 23 juillet 2018. Par un jugement n° 2011434 du 8 mars 2023 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande de décharge de la pénalité de 10 % qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts au titre de l'année 2015, à hauteur de 1 485 euros et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des majorations correspondantes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le requérant soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration ne peut pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments qu'elle a recueillis auprès de tiers, dans le cadre de son droit de communication, que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise, aux activités ou à la situation de ce contribuable. Toutefois, comme, l'ont relevé les premiers juges au point 5 du jugement, " si le requérant soutient que l'administration, en se fondant sur des documents recueillis auprès de la société à qui il a facturé des prestations, a mené une vérification de comptabilité alors que le service intervenait dans le cadre d'un contrôle sur pièces qui aurait dû se limiter à l'examen critique des déclarations reçues à partir des renseignements figurant à son dossier fiscal, il résulte de l'instruction que ces pièces comptables, qui ont permis de déterminer l'absence de déclaration de revenus perçus par l'intéressé, ont été obtenues dans le cadre d'un avis de passage exercé le 10 juillet 2018 au siège de la société tierce. Dès lors, alors que l'administration n'était pas dans l'obligation de demander des renseignements complémentaires à l'intéressé ni de l'informer de l'avis de passage adressé à la société tierce, ces pièces, qui n'ont pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise de M. A..., peuvent être regardées comme des documents en possession du service lui permettant de rectifier les erreurs, insuffisances, inexactitudes, omissions ou dissimulations dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt de M. A..., dans le cadre d'un contrôle sur pièces ". Au regard de ce qui précède, les premiers juges, qui ont analysé le moyen précité dans les visas du jugement, l'ont implicitement écarté comme inopérant l'administration fiscale n'ayant pas procédé à un examen critique des pièces comptables du requérant et, ce faisant, n'ont entaché leur décision d'aucune irrégularité.
3. En deuxième lieu, si le requérant soutient que les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de droit, d'appréciations, erreurs dans leur raisonnement et les motifs de leur jugement, et entaché leur jugement de dénaturation, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les moyens soulevés ne peuvent dès lors être utilement soulevés au soutien d'une demande d'annulation du jugement attaqué.
4. En dernier lieu, en l'absence d'obligation pour le juge de l'impôt de se prononcer sur la charge de la preuve lorsque ce point n'est pas débattu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur la charge de la preuve applicable au litige soumis, qui n'était pas discutée devant eux, ne peut qu'être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Si l'application du coefficient de 1,25 prévue par le 7 de l'article 158 du code général des impôts, qui ne constitue pas une sanction mais résulte nécessairement de ces dispositions d'assiette, n'implique pas, dans la proposition de rectification notifiée à un contribuable, l'obligation particulière de motivation qu'appelle la perspective du prononcé d'une sanction, elle doit toutefois apparaître dans la motivation de cette proposition conformément aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales précité.
6. Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de redressement. Lorsqu'un chef de redressement est fondé sur plusieurs éléments qui ont fait l'objet d'une justification, d'une évaluation et d'une prise en compte distinctes dans la notification adressée au contribuable, le caractère suffisant de la motivation de ce chef de redressement peut s'apprécier séparément pour chacun de ces éléments. En pareille hypothèse, l'insuffisance de motivation de l'un des éléments du redressement n'affecte pas nécessairement la régularité de la notification du chef de redressement dans son ensemble. L'application du coefficient de 1,25 prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts ne constitue pas un chef de redressement autonome. L'insuffisance de motivation de la proposition de rectification qui ne mentionne pas l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts, affecte donc la régularité de la notification du chef de redressement dans son ensemble, privant ainsi le contribuable de la faculté de retracer le calcul de l'assiette afin de formuler utilement ses observations ou de faire connaître, de manière éclairée, son acceptation de la rectification proposée.
7. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 23 juillet 2018 comporte les motifs sur lesquels le service s'est fondé pour procéder aux rappels de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016. Elle indique les textes applicables alors que la citation d'aucune mention particulière du code général des impôts ou livre des procédures fiscales ne s'imposait à l'administration, décrit le contenu des rectifications et indique les raisons permettant de considérer que M. A... a omis de déclarer des revenus perçus dans le cadre de son activité de vente à distance. Dans ces conditions, alors que la majoration en base de 25 % appliquée par le service a été expressément motivée, nonobstant l'absence de mention de l'article 7 de l'article 158 du code général des impôts, par l'absence de recours aux services d'un professionnel de l'expertise comptable agréé dit " viseur ", le requérant était en mesure de présenter utilement ses observations sur les différents chefs de rectification. Ainsi, la proposition de rectification adressée est suffisamment motivée et ce moyen doit être écarté.
8. En deuxième lieu, M. A... soutient que l'administration, en se fondant sur des documents recueillis auprès de la société par actions simplifiée (SAS) L'Anneau à laquelle il a facturé des prestations, a procédé non à un contrôle sur pièces qui aurait dû se limiter à l'examen critique des déclarations reçues à partir des renseignements figurant à son dossier fiscal, mais à une vérification de comptabilité sans bénéficier des garanties afférentes à une telle procédure.
9. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. / À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) " L'article L. 81 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. (...) ". Enfin, article L. 85 de ce livre dispose que : " Les contribuables doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que le droit de communication exercé auprès des entreprises industrielles ou commerciales a seulement pour objet de permettre à l'administration fiscale, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Les documents dont la communication peut être demandée par l'administration fiscale comprennent non seulement les documents comptables et financiers, mais aussi les documents de toute nature pouvant justifier le montant des recettes et dépenses. Sa mise en œuvre intervient, sauf disposition spéciale, sans formalité particulière et, lorsqu'il est exercé auprès d'un tiers, aucune obligation d'information du contribuable n'incombe au service.
11. En l'espèce, contrairement à ce que M. A... soutient, l'administration n'a pas procédé à une vérification de comptabilité de son activité individuelle, mais à un simple contrôle sur pièces de sa situation fiscale, au vu d'éléments obtenus par droit de communication auprès de la SAS L'Anneau. Il ne ressort pas des termes de la proposition de rectification en date du 23 juillet 2018, que, pour fonder les rappels de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2016, l'administration aurait procédé à un examen critique des écritures comptables de M. A... en les rapprochant des éléments ou pièces, certes de nature comptable, recueillis auprès de la SAS L'Anneau en méconnaissance des dispositions des articles L. 13 et R. 13-1 du livre des procédures fiscales.
12. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent, alors que les rectifications en litige ne procédaient pas de la vérification des écritures comptables de l'entreprise de M. A..., que les opérations conduites par l'administration à l'égard du requérant se rattachent aux pouvoirs de contrôle qu'elle tient des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, alors même que le service a procédé à un avis de passage auprès de la SAS L'Anneau. En outre, l'administration était fondée à tirer les conséquences d'une vérification de comptabilité, réalisée au surplus auprès d'un contribuable tiers, pour diligenter un contrôle sur pièces à partir des éléments qu'elle avait obtenus ainsi en sa possession. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait soumis le requérant à une procédure de vérification de comptabilité irrégulière, en ce qu'il n'a pas bénéficié des garanties mentionnées à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, doit être écarté. En outre, en écartant ce moyen, les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune contradiction de motifs en relevant que les documents obtenus auprès de la SAS L'Anneau revêtaient le caractère de pièce comptable.
13. De même, l'intéressé ne peut valablement se prévaloir des doctrines référencées BOFIP-BOI-CF-DG-40-20 et BOI-CF-COM-10-10-10 qui traitent de la procédure d'imposition, pas plus que du fascicule Francis Lefebvre consacré à la présentation générale des outils de contrôle de l'administration, qui ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale pouvant être invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
15. Il résulte des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.
16. En l'espèce, il résulte de l'instruction et plus particulièrement de la proposition de rectification en date du 23 juillet 2018 qu'un avis de passage prévu par les dispositions combinées des articles L. 81, L. 85 et L. 102 B du livre des procédures fiscales a été exercé le 10 juillet 2018 auprès de la SAS L'Anneau, société cliente de l'entreprise individuelle de M. A..., et que cet avis de passage a permis d'obtenir les copies du contrat signé le 17 janvier 2012 qui présentait M. A... comme apporteur d'affaires dont la mission non exclusive était de mettre en relation la société L'Anneau avec des sociétés susceptibles d'être intéressées par les services proposés, en vue de contracter auprès de celles-ci un contrat de prestations de services dans le domaine de la surveillance, du gardiennage, de la sécurité et de toute prestation assimilée, des factures émises par l'entreprise du requérant au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des factures établies par ce dernier au titre des prestations de service réalisées et leur date de règlement. M. A... a été informé, à l'occasion de la proposition de rectification du 23 juillet 2018, de la procédure suivie, de la teneur et de l'origine des documents obtenus auprès d'un tiers auquel il avait été demandé de communiquer les factures et contrats des sous-traitants, la circonstance que la SAS L'Anneau a communiqué des contrats d'apporteurs d'affaires et non un contrat de sous-traitance étant sans incidence. En outre, M. A... n'a fait aucune demande de communication de ces documents, qui étaient précisément identifiés et dont il avait eu nécessairement connaissance, après avoir été informé que l'administration les avait obtenus. Pour ce motif, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.
17. En dernier lieu, M. A... soutient que si l'administration fiscale peut utiliser les informations recueillies auprès d'un tiers en usant de son droit de communication, elle ne peut les opposer utilement que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise. Or, comme il a été indiqué aux points 10 et 11 du présent arrêt, l'administration fiscale, qui a régulièrement procédé à un contrôle sur pièces sans procéder dans ce cadre à une appréciation de la sincérité de la comptabilité au regard des déclarations souscrites par le contribuable, a pu rapprocher les éléments dont elle disposait, après avoir exercé son droit de communication, des déclarations de revenus souscrites par M. A... au titre de 2015 et 2016 et ainsi déterminer des redressements au vu des données propres de l'entreprise qui ressortaient de ces déclarations. Le moyen soulevé ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
18. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".
19. Il résulte de l'instruction que la lettre par laquelle M. A... a répondu à la proposition de rectification du 23 juillet 2018 relative au revenu global des années 2015 et 2016, a été envoyée tardivement le 26 septembre 2018, soit après l'expiration le 24 septembre 2018 du délai de réponse prorogé. M. A... n'a ainsi pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification du 23 juillet 2018 dans les délais. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige incombe au requérant.
En ce qui concerne le bénéfice du régime de micro-entreprise :
20. Aux termes de l'article 50-0 du code général des impôts : " 1. Sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année de référence, respecte les limites mentionnées au 1° du I de l'article 293 B, s'il s'agit d'entreprises relevant de la première catégorie définie au dernier alinéa du présent 1, ou les limites mentionnées au 2° du même I, s'il s'agit d'entreprises relevant de la deuxième catégorie (...) ". Aux termes de l'article 151-0 du code précité : " I. les contribuables peuvent sur option effectuer un versement libératoire de l'impôt sur le revenu assis sur le chiffre d'affaires ou les recettes de leur activité professionnelle lorsque les conditions suivantes sont satisfaites : 1° Ils sont soumis aux régimes définis aux articles 50-0 ou 102 ter du CGI ; 2° Le montant des revenus du foyer fiscal de l'avant-dernière année, tel que défini au IV de l'article 1417 du CGI, est inférieur ou égal, pour une part de quotient familial, à la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle au titre de laquelle l'option est exercée. Cette limite est majorée respectivement de 50 % ou 25 % par demi-part ou quart de part supplémentaire ; 3° Ils sont soumis au régime prévu à l'article
L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. (...) ".
21. En premier lieu, si M. A... soutient que c'est à tort que l'administration ne l'a pas fait bénéficier, pour 2015, du régime des micro-entreprises défini à l'article 50-0 du code général des impôts, il résulte de l'instruction que son chiffre d'affaires, déterminé par l'administration sur la base du chiffre d'affaires hors taxes de 38 423 euros résultant des éléments recueillis auprès de la SAS L'Anneau, excédait les seuils de 32 900 ou 34 900 euros au-delà desquels le régime des
micro-entreprises cesse d'être applicable. Le moyen doit donc être écarté.
22. En vertu des dispositions de l'article 151-0 du code général des impôts citées au point 20, le contribuable, qui a opté pour l'application du régime du versement libératoire qu'elles prévoient, se libère de l'impôt sur le revenu auquel il est soumis en acquittant des versements, établis par l'application d'un taux unique, assis non sur le bénéfice annuel mais sur le chiffre d'affaires ou les recettes qu'il réalise mensuellement ou trimestriellement. Toutefois, le versement libératoire de l'impôt sur le revenu est réservé aux contribuables dont, notamment, le revenu fiscal de référence n'excède pas, au titre de l'impôt sur le revenu, les limites fixées par ces dispositions par référence aux limites retenues à l'article 293 B du code général des impôts, reprises aux dispositions de l'article 50-0 visé ci-dessus. Lorsque l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'option pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu ne peut s'appliquer.
23. S'agissant de l'année 2015, il résulte de l'instruction que M. A... a réalisé et encaissé un chiffre d'affaires hors taxes de 38 423 euros. Le régime des micro-entreprises n'était donc pas applicable en raison du montant du chiffre d'affaires supérieur à la limite légale de 32 900 euros prévue à l'article 102 ter du code général des impôts. Au titre de l'année 2016, l'administration fiscale fait valoir que le revenu fiscal de référence de M. A..., dont le foyer fiscal bénéficie d'une part, s'est établi, en 2014, à 29 914 euros. Ces montants excèdent les limites supérieures de la troisième tranche d'imposition fixées à l'article 197 du code général des impôts, soit 26 631 euros. Si le requérant conteste ce montant, il ne produit aucune pièce au soutien de ses dires. Par suite, par référence au revenu fiscal de référence de l'année 2014, en application du 2° de l'article 151-0 du même code, les revenus de l'activité libérale de M. A... perçus en 2016 ne pouvaient également bénéficier du régime micro social et devaient être soumis au barème de l'impôt sur le revenu dans la catégorie micro BNC. En outre, le requérant ne fournit aucun justificatif attestant de l'option prévu par les dispositions de l'article 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'application du mécanisme de la cascade :
24. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu (...), le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu (...), des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification. (...) ".
25. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification mentionne, au titre de l'année 2015, un chiffre d'affaires hors taxes de 38 423 euros sur un montant total de prestations facturées s'élevant à 46 107 euros, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée ayant été calculé " en dedans ", et que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été calculées sur ce montant hors taxes. Par ailleurs, le requérant n'a été assujetti à aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée en 2016. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le service n'aurait pas opéré une déduction en cascade égale au montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée rappelée.
En ce qui concerne les charges :
26. Si M. A... fait valoir que les charges représentent en moyenne 40 % du chiffre d'affaires dans son secteur d'activité, il n'apporte toutefois aucun élément probant, dont la charge lui incombe, au soutien de ses dires. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration n'a pas retenu un taux de charge de 40 % au titre de l'année 2015. De même, si l'administration a admis de le faire bénéficier au titre de l'année 2016 d'un abattement de 50 %, elle n'est pas tenue de l'en faire bénéficier pour l'année 2015, aucune prise de position à cette occasion n'étant opposable, s'agissant d'une autre année d'imposition, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales. En ce qui concerne l'année 2016, sa demande est sans objet, l'administration ayant retenu que le requérant relevait de plein droit du régime des micro-entreprises.
En ce qui concerne la majoration de 1,25 :
27. Aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes des dispositions de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition : / a) Qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l'exclusion des membres d'un groupement ou d'une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à l'un de ces organismes (...) ".
28. Dans le dernier état de ses écritures, M. A... soutient que l'application de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts lui impose une charge excessive et se prévaut, à ce titre, de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, qui s'est prononcée sur la conventionnalité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.
29. Si la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans l'arrêt précité, d'une part, que la méthode choisie par le législateur pour atteindre le but qu'il s'était fixé, consistant à assurer le paiement de l'impôt au moyen d'une majoration de l'assiette de l'impôt dû par les non-adhérents à une association agréée, à laquelle l'adhésion n'était pourtant pas obligatoire, et par les contribuables concernés ne faisant pas appel à un autre professionnel agréé, alors qu'une telle faculté leur était pourtant accordée par la loi, ne reposait pas suffisamment sur une " base raisonnable " car contraire à la philosophie générale du système basé sur des déclarations du contribuable présumées faites de bonne foi et correctes et, d'autre part, que le taux de la majoration automatiquement applicable, à hauteur de 25 %, entraînait une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable et si elle en a déduit que la méthode retenue par le législateur au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, avait rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la Cour, notamment aux points 55 et 56 de cet arrêt, n'a pas retiré la possibilité aux Etats d'appliquer la majoration d'assiette prévue au 1° de l'article 158-7 du code général des impôts, lorsque la mauvaise foi des contribuables, dans le cadre du contrôle d'un système fondé sur les déclarations présumées de bonne foi des contribuables, est établie. Or, il résulte de l'instruction que le service a constaté un défaut de déclaration de chiffre d'affaires correspondant à des prestations de services d'apporteur d'affaires rendues par une entreprise individuelle, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. A... a exercé de manière occulte une activité de nature industrielle et commerciale, il ne peut faire valoir d'ingérence excessive dans le respect des biens constitués par les revenus tirés de cette activité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, résultant de l'application, à la base d'imposition constituée par ces revenus, du coefficient de 1,25 prévu par les dispositions mentionnées du code général des impôts. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur les pénalités :
S'agissant de la majoration prévue à l'article 1728 1 du code général des impôts :
30. M. A... soutient que l'administration a méconnu la règle " non bis in idem " au motif que la proposition de rectification du 23 juillet 2018 lui applique une majoration de 10 % pour retard ou défaut de souscription de déclaration en application de l'article 1727 1 du code général des impôts mais également la majoration de 10 % pour défaut de production dans les délais prescrits en application des dispositions de l'article 1758 A I du code général des impôts.
31. Il résulte de l'instruction que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a déchargé de la pénalité de 10 % qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions du a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts au titre de l'année 2015, à hauteur de 1 485 euros au motif que l'administration fiscale n'a pas fait application immédiate de la loi pénale plus douce et des dispositions du III de l'article 1758 A du code général des impôts, modifiées par la loi
n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'ayant pas formé d'appel incident, le moyen est inopérant.
S'agissant de la majoration prévue à l'article 1758 A-I du code général des impôts :
32. Aux termes du I de l'article 1758 A du code général des impôts : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue ". Au cas présent, dès lors que le service a relevé que des bénéfices industriels et commerciaux en litige n'ont pas été portés dans la déclaration de revenus complémentaire n° 2042 C PRO des années 2015 et 2016, c'est à juste titre que la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A-I du code général des impôts a été appliquée à M. A....
33. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01843 2