Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de police a refusé de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont il souffre et d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de reconnaître imputable au service cette pathologie ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande. Par un jugement n° 2115737 du 6 janvier 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, M. C..., représenté par Me Perriez, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 25 mai 2021 refusant de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont il souffre ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois ; 4°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur de droit en procédant d'office à une substitution de fondement à la décision attaquée ; - la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas établi que le comité médical aurait été saisi et rendu un avis ; - la composition de la commission de réforme était irrégulière en l'absence d'un médecin spécialiste en médecine environnementale ; - la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation des faits au motif qu'il est manifeste que l'état des connaissances scientifiques ne permet pas d'exclure tout lien entre la maladie dont il souffre et ses conditions de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé. La requête a été communiquée à la ville de Paris qui n'a produit aucune observation. Par une décision en date du 17 avril 2023 du tribunal judiciaire de Paris, l'aide juridictionnelle partielle à 55 % a été accordée à M. C.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif aux congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; - le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D... C..., adjoint administratif territorial en fonction à la préfecture de police, affecté au moment des faits à un service d'archives, souffre notamment d'un diabète de type 2 et d'une hypersensibilité chimique multiple (MCS). Il ressort des pièces du dossier que le diagnostic de son diabète a été posé en 2007. Il a été admis, par arrêté du 12 avril 2016, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 26 avril 2016. Par une décision du 20 août 2015, le préfet de police, en qualité de chef de l'administration parisienne, a refusé de reconnaître ces pathologies comme imputables au service. Par un jugement n° 1517317 du 6 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision pour méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C.... Par décision du 6 avril 2017, le préfet de police a reconnu l'imputabilité au service de l'hypersensibilité multiple aux produits chimiques (MCS) dont est atteint M. C... mais a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son diabète de type 2. Par un jugement avant dire droit n° 1621906, 1709246 en date du 19 avril 2018, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur les causes de cette pathologie. Le médecin généraliste expert désigné a déposé son rapport au greffe du tribunal le 29 décembre 2018. Par un jugement au fond n° 1621906, 1709246 en date du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a, notamment, annulé la décision prise par le préfet de police le 6 avril 2017 en tant qu'elle ne reconnaissait pas imputable au service le diabète de type 2 dont était atteint M. C... pour défaut de motivation. Il a également enjoint au préfet de police de réexaminer une nouvelle fois sa situation. En exécution de ce jugement, le préfet de police a pris un nouvel arrêté le 25 mai 2021 par lequel il a refusé de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont souffre l'intéressé. Par un jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 dont M. C... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2021 précité.
2. Dans ses écritures, M. C... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation des faits au motif qu'aucun des différents rapports communiqués n'exclut la possibilité de l'existence d'un lien entre la maladie dont il souffre et ses conditions de travail nonobstant l'absence d'unanimité des connaissances scientifiques étaient de nature à révéler la probabilité d'un lien entre cette maladie et le service. Il fait valoir que si d'autres facteurs ont éventuellement pu intervenir, il est impossible d'exclure que les conditions dans lesquelles il a travaillé pendant plusieurs années n'ont pas été de nature à susciter le développement de sa pathologie. 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct mais non nécessairement exclusif avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 4. M. C..., qui demande la reconnaissance de l'imputabilité au service du diabète de type 2 qui lui a été diagnostiqué en 2007, soutient que cette maladie résulte de son exposition à des produits d'entretien organochlorés dans les locaux des archives de la police nationale à Créteil à compter du mois d'avril 2003. 5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports d'expertise établis par un professeur et un médecin en date des 9 octobre 2013 et 7 mai 2014 (respectivement Professeur E... et Docteur B...), que M. C... est atteint d'un diabète de type 2 diagnostiqué en 2007 et qu'il ne présente aucun antécédent familial ou médical. En outre, il a exercé les fonctions d'archiviste à compter du mois d'avril 2003 dans un local non ventilé au cours desquelles il a été en contact avec des produits organochlorés, à savoir le 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et le 2-methyl-2H isothiazol-3-one, ce que reconnaît expressément le préfet de police dans ses écritures en défense, et il est constant que l'exposition à ces produits a provoqué chez lui dès 2004 une hypersensibilité aux produits chimiques multiples que l'administration a reconnue imputable au service, génératrice de pertes d'équilibre et de troubles cognitifs. Ces substances ont fait l'objet d'une interdiction de mise sur le marché par une décision 2008/809/CE du 14 octobre 2008 de la commission européenne et il était prévu un délai de 12 mois, soit jusqu'au 25 octobre 2009 pour l'écoulement des stocks et le retrait du marché des produits contenant de telles molécules. Or, il ressort de la fiche de visite du 13 mars 2013 établie par le service de médecine du travail, mentionnée dans le rapport du 9 octobre 2013 précité, que le nettoyage des sols y compris dans le local où travaillait M. C... a continué à être effectué avec un produit d'entretien à type de détergent du nom de " système ultra " réservé aux professionnels qui contenait entre autres ingrédients du 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et du 2-methyl-2H isothiazol-3-one. Or, en l'état des connaissances scientifiques actuelles, il apparaît que, dans une majorité de cas, le diabète de type 2 est une affection induite par des produits chimiques tels que PCB, dioxines, HAP (etc...) et par conséquent que l'exposition prolongée à des produits organochlorés, tels que le 5-chloro-2-methyl-2h isathiazol-3-one et le 2-methyl-2H isothiazol-3-one, accroît le risque de développer un diabète de type 2. En outre, il ressort du rapport d'expertise du Docteur A... en date du 24 décembre 2018 que M. C... a été admis, en raison de son diabète, en congé de longue maladie entre 2007 et 2010 et qu'il a repris le service, d'abord dans le cadre d'un service à mi-temps thérapeutique puis à temps plein, entre 2010 et 2013, dans les mêmes conditions de travail et notamment d'exposition aux produits chimiques mentionnés, son diabète restant non stabilisé. Si le préfet insiste sur l'état de santé antérieur et relève notamment qu'à la date d'apparition des symptômes l'intéressé avait un important surpoids et de l'hypertension, il convient de relever que selon une étude de CHEM Trust intitulé " Panorama scientifique des liens entre exposition chimique et risque d'obésité et diabète " accessible tant au juge qu'aux partie à l'adresse internet suivante https://www.chemtrust.org/wp-content/uploads/French-DO-Summary-1.pdf, " de nouvelles données scientifiques suggèrent que l'exposition à certaines substances chimiques de synthèse présentes dans notre environnement peut jouer un rôle important dans le développement de l'obésité. Alors que l'obésité est un facteur de risque reconnu du diabète, les preuves de l'implication des substances chimiques dans l'épidémie de diabète s'accumulent. Les données épidémiologiques sont même plus probantes que pour le lien entre substances chimiques et obésité (...) Il est également admis qu'une exposition à de faibles doses de certaines substances chimiques entraîne une prise de poids ". Les auteurs insistent sur l'action délétère des perturbateurs endocriniens qui aux stades les plus vulnérables du développement peuvent programmer irréversiblement l'organisme humain au diabète. Ce constat a été également mis en avant dans le rapport ECOD publié par le Réseau Environnement Santé disponible à l'adresse internet suivante https://www.env-health.org/IMG/pdf/DP_ECOD_VF.pdf, ou dans l'article de M. Jaffiol, président honoraire de l'académie nationale de médecine intitulé " perturbateurs endocriniens et diabète : mythe et réalité " en date du 12 décembre 2022 disponible à l'adresse internet suivante https://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/JAFFIOL-2022.pdf, dans lequel il précise que " le National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) a conclu qu'il existe de nombreuses données suggérant le rôle de plusieurs perturbateurs endocriniens dans la progression actuelle de l'obésité et du diabète. L'analyse de la littérature apporte effectivement une série de données expérimentales et humaines en faveur de cette hypothèse. (...) ". Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... souffrait d'hypertension artérielle dès 1998, et de tachycardie, il ressort du rapport du Professeur E... en date du 9 octobre 2013, mentionné ci-dessus, que son état de santé était bon lors de son entrée dans le service en 2003. 6. Eu égard aux causes complexes et multifactorielles du diabète de type 2, l'ensemble des éléments précités font apparaître une probabilité suffisante d'un lien direct entre la pathologie de M. C... et le service, sans qu'y fassent obstacle ni l'absence de bilan approfondi du diabète non insulino dépendant de M. C..., ni le rapport d'expertise judiciaire en date du 24 décembre 2018 sur lequel le jugement s'est notamment fondé et qui conclut que " le diabète de type 2 de M. C... ne trouve pas, en l'état actuel de la science, son origine directement dans une exposition aux produits organochlorés " et à l'absence de lien direct, certain et unique. Ainsi le préfet de police a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette affection. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et des autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision en litige et du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". 9. Eu égard au motif qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement que la préfecture de police reconnaisse la pathologie de l'intéressé comme imputable au service. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfecture de police de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 55 %. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros hors taxe à Me Perriez dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2115737 en date du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 25 mai 2021 refusant de reconnaître imputable au service le diabète de type 2 dont souffre M. C... est annulé.Article 3 : Il est enjoint à la préfecture de police de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. C... à compter de l'année 2007 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.Article 4 : L'Etat versera à Me Perriez une somme de 1 500 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.Copie en sera adressée au préfet de police.Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02724 2