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20/12/2024 | FRANCE | N°23PA02787

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 20 décembre 2024, 23PA02787


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 décembre 2021 par lequel le préfet de police a mis fin à son stage de gardien de la paix et d'enjoindre au préfet de police de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à une reconstitution de sa carrière. Par un jugement n° 2215374 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 jui...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 décembre 2021 par lequel le préfet de police a mis fin à son stage de gardien de la paix et d'enjoindre au préfet de police de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à une reconstitution de sa carrière. Par un jugement n° 2215374 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté l'ensemble de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juin 2023 et 16 octobre 2024, M. E..., représenté par Me Duclos, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2215374 du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 décembre 2021 du préfet de police mettant fin à son stage de gardien de la paix ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder une reconstitution de sa carrière, notamment en termes de traitement et de droit à la retraite ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas le second mémoire en défense produit par l'administration alors que des éléments y figurant ont été utilisés ; - ils ont insuffisamment répondu aux moyens soulevés dans son mémoire en réplique ; - les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et de l'erreur de droit dans l'appréciation de la régularité de la procédure disciplinaire ; - le jugement est entaché d'une dénaturation des termes de la requête ainsi que d'une contradiction entre les visas et les motifs du jugement ; - sa requête n'est pas tardive ; - le mémoire en défense de première instance n'est pas recevable, l'administration ne justifiant pas que son auteur disposait d'une délégation de signature ou de compétence de la part du préfet de police ; - le mémoire en défense produit en appel est irrecevable, l'administration ne justifiant pas que son auteur disposait d'une délégation de signature ou de compétence de la part du préfet de police ; - il a fait l'objet d'une décision de licenciement en cours de stage ; - cette décision est entachée de plusieurs vices de procédure (insuffisance de motivation, défaut de communication du dossier personnel, méconnaissance des droits de la défense) ; - elle constitue une sanction disciplinaire déguisée ; - cette sanction disciplinaire est entachée de plusieurs vices de procédure (insuffisance de motivation, défaut de communication du dossier personnel, méconnaissance des droits de la défense et absence de réunion du conseil de discipline) ; - cette sanction disciplinaire est entachée d'une erreur de droit tenant à la rétroactivité de la décision du 24 décembre 2021, d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur tenant à l'inexactitude matérielle des faits ; - la décision du 24 décembre 2021 est entachée d'erreur de fait et de détournement de procédure. Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2024 le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête de M. E... est tardive et qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ; - le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a été nommé le 8 juin 2020 gardien de la paix stagiaire, affecté à la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris. Par une première décision, en date du 24 décembre 2021, le préfet de police a mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle. Par une seconde décision, en date du 30 juin 2022 le préfet de police a confirmé au requérant qu'il était redevable d'une somme de 6 606,87 euros au titre de la rémunération indue du 3 mars au 31 mai 2021. Par un jugement n° 2215374 du 13 avril 2023 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés précités. Sur la recevabilité du mémoire en défense de première instance : 2. Par un arrêté n° 2022-01259 du 21 octobre 2022, régulièrement publié au bulletin officiel de la Ville de Paris, M. I... D..., attaché principal d'administration de l'Etat, chef du bureau du contentieux judiciaire et de l'excès de pouvoir, a reçu délégation pour signer notamment les mémoires en défense au nom du préfet de police en application des dispositions de l'article 1er de l'arrêté préfectoral n° 2022-00311 du 4 avril 2022 relatif aux missions et à l'organisation du service des affaires juridiques et du contentieux, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 5 avril 2022, qui mentionne notamment la défense des intérêts de l'Etat devant l'ensemble des autorités administratives et juridictions. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le mémoire en défense présenté par le préfet de police devant le tribunal administratif de Paris était irrecevable. Sur la recevabilité du mémoire en défense en appel : 3. Par un arrêté n° 2024-00173 accordant délégation de la signature préfectorale au sein du service des affaires juridiques et du contentieux en date du 12 février 2024, publié au recueil des actes administratifs du 13 février 2014, Mme A... F..., attachée principale d'administration de l'Etat, adjointe au chef de bureau, est habilitée à signer, en cas d'absence ou d'empêchement de MM G... et H..., tous actes, arrêtés, décisions, réponses aux demandes d'accès aux données et documents administratifs mémoires et recours entrant dans le champ des missions fixées par l'article 1er de l'arrêté préfectoral n° 2022-00311 du 4 avril 2022 relatif aux missions et à l'organisation du service des affaires juridiques et du contentieux, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 5 avril 2022, qui comprend notamment la défense des intérêts de l'Etat devant l'ensemble des autorités administratives et juridictions. Par suite, le moyen doit être écarté. Sur la régularité du jugement : Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ; 4. En premier lieu, selon l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressées au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". 5. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité. 6. M E... soutient que le jugement est entaché d'irrégularité au motif que le tribunal n'aurait pas communiqué à son conseil le mémoire produit par le préfet de police le 27 mars 2023, en méconnaissance du principe du contradictoire. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'administration a produit ledit mémoire devant le tribunal administratif postérieurement à la clôture de l'instruction qui avait eu lieu trois jours francs avant l'audience du 30 mars 2023 qui comprenait notamment le recueil des actes administratifs spécial publié le 24 octobre 2022 concernant la délégation de signature du signataire du mémoire en défense du 24 février 2023 en question accessible sur le site de la préfecture. Ainsi, les premiers juges, qui n'étaient ainsi pas tenus de le communiquer, en l'absence d'éléments nouveau, n'ont pas méconnu le principe du contradictoire et n'ont donc pas entaché le jugement d'irrégularité. 7. En deuxième lieu, le requérant soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'inexactitude matérielle soulevé dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2023. Toutefois, en indiquant au point 11 du jugement, qu'" En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de son stage, le requérant s'est rendu coupable de très nombreux manquements aux devoirs d'exemplarité, de réserve ou de neutralité qui incombent aux fonctionnaires de police. Le requérant a ainsi sciemment omis de faire mention à ses supérieurs hiérarchiques d'une sanction disciplinaire infligée au cours de sa scolarité. Comme indiqué précédemment, il s'est également placé délibérément en absence irrégulière à compter du 14 janvier 2021, sans répondre aux sollicitations, au demeurant nombreuses, de son administration. Il ressort enfin de nombreux témoignages que le requérant a fait part publiquement de critiques à l'égard de la politique étrangère de la France ou encore a tenu des propos insultants à l'égard de la communauté kurde dont il devait encadrer une manifestation sur la voie publique. Ces manquements, dont le requérant ne conteste d'ailleurs pas la matérialité dans la présente requête, sont de nature à caractériser tant une insuffisance professionnelle, que des fautes disciplinaires ", les premiers juges doivent être regardés comme s'étant prononcé sur la matérialité des faits reprochés à l'intéressé nonobstant la circonstance qu'il ne soit pas mentionné dans les visas et la mention inexacte qu'il ne contesterait pas que leur matérialité. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'omission à statuer sur ce point. 8. En troisième lieu, si M. E... soutient que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens qu'il avait soulevés dans son mémoire en réplique, ce mémoire ne comportait pas de moyens nouveaux par rapport à ceux qui avaient été soulevés dans la requête introductive et les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés. 9. En quatrième lieu, si M. E... soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit commise dans le respect de la procédure disciplinaire, un tel moyen, qui avait été visé, n'impliquait pas qu'une réponse lui fût apportée, dès lors que ce moyen était inopérant, aucune sanction disciplinaire n'ayant été retenue à l'encontre du requérant. Par suite, les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre. 10. En dernier lieu, le moyen tiré de la dénaturation des écritures de première instance par le tribunal critique non la régularité mais le bien-fondé du jugement. Il ne peut qu'être écarté comme inopérant eu égard à l'office du juge d'appel. Sur le bien-fondé du jugement : 11. En premier lieu, M. E... soutient dans ses écritures qu'il a fait l'objet d'une décision de licenciement en cours de stage et que l'administration n'a pas respecté les garanties afférentes à une telle procédure notamment les droits de la défense, l'intéressé n'ayant pas été mis à même de présenter des observations.

12. D'une part, aux termes de l'article 7 du décret du 23 décembre 2004 susvisé portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " La formation statutaire des gardiens de la paix s'organise en deux périodes dans les conditions prévues aux articles 7-1 et 8. Le programme et les modalités de cette formation et de son évaluation sont fixés par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la fonction publique. (...) ". Aux termes de l'article 7-1 du même décret : " Les candidats reçus sont nommés en qualité d'élève et suivent une première période de formation de huit mois au sein d'une structure de formation de la police nationale. Ceux d'entre eux qui, à l'issue de cette période, ont réussi les épreuves d'évaluation sont nommés gardiens de la paix stagiaires ". Aux termes de l'article 8 du décret susvisé dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " La durée du stage est d'un an ; elle peut être prolongée pour une durée de trois mois à un an. A l'issue du stage, les gardiens de la paix reconnus aptes sont titularisés et placés au 1er échelon de leur grade. Les autres stagiaires sont soit licenciés, soit, le cas échéant, reversés dans leur corps d'origine ". Enfin, aux termes de l'article 27 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Quand, du fait des congés successifs de toute nature, autres que le congé annuel, le stage a été interrompu pendant au moins trois ans, l'intéressé doit, à l'issue du dernier congé, recommencer la totalité du stage qui est prévu par le statut particulier en vigueur. Si l'interruption a duré moins de trois ans, l'intéressé ne peut être titularisé avant d'avoir accompli la période complémentaire de stage qui est nécessaire pour atteindre la durée normale du stage prévu par le statut particulier en vigueur ". 13. D'autre part, aux termes de l'article 21 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée : " Les fonctionnaires ont droit à : (...) des congés de maladie ". Aux termes de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire adresse à l'administration dont il relève, dans un délai de quarante-huit heures suivant son établissement, un avis d'interruption de travail. Cet avis indique, d'après les prescriptions d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme, la durée probable de l'incapacité de travail. / L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite ". 14. Si le placement en congé de maladie est de droit dès qu'une demande, justifiée par un certificat médical déposé dans un délai de deux jours ouvrés, a été présentée en ce sens par un agent, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une contre-visite médicale soit organisée par l'administration afin de s'assurer du bien-fondé du congé de maladie et l'agent placé en congé maladie en vertu d'un certificat médical d'arrêt de travail doit mettre l'administration à même de procéder à une contre-visite aux fins de vérifier l'effectivité de sa maladie. En cas de refus de l'agent de se soumettre à la contre-visite médicale sans motif légitime, l'administration est en droit de considérer que l'agent se trouve en position irrégulière et de suspendre le versement de son traitement à compter du jour où cette contre-visite médicale aurait dû être effectuée jusqu'à ce qu'il se retrouve en position régulière. 15. Par ailleurs, si la nomination dans un corps ou un cadre d'emploi en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui donne aucun droit à être titularisé. En l'absence d'une décision expresse de titularisation, de réintégration ou de licenciement au cours ou à l'issue de cette période, l'agent, qui se trouve dans une situation probatoire et provisoire, conserve la qualité de stagiaire après cette date et l'administration peut mettre fin à tout moment pour des motifs tirés de l'inaptitude à l'emploi. 16. Ainsi qu'il a été dit au point 15, la nomination de M. E... dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale en tant que gardien de la paix stagiaire pour une durée d'un an à compter du 8 juin 2020, par un arrêté du 17 juin 2020 du ministre de l'intérieur, ne lui conférait aucun droit à être titularisé à l'issue de son stage qui devait en principe s'achever le 8 juin 2021. Il a toutefois été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 5 au 13 novembre 2020 puis du 19 décembre au 6 décembre 2020 et enfin du 4 décembre 2020 au 17 janvier 2021. Suite à une visite médicale en date du 14 janvier 2021, le médecin-chef de la préfecture de police a estimé que M. E... était apte à une reprise immédiate de son service et l'a déclaré apte immédiatement à exercer en poste aménagé en catégorie D2 (MO) pour une durée de 3 mois au motif que l'arrêt n'est pas justifié par un motif médical mais social. Si le requérant se prévaut pour justifier de son absence à compter du 15 janvier 2021 de nouveaux arrêts de travail de prolongation, l'intéressé ne s'étant pas présenté aux différentes contre-visites organisées par son administration pour lesquelles il a été convoqué par des courriers, messages téléphoniques et courriels en date des 5, 11 et 26 février 2021, l'administration n'a pu que constater que M. E... se trouvait en situation d'absence irrégulière. La circonstance qu'aucune décision explicite de prolongation de stage n'ait été notifiée à M. E... afin de lui permettre d'accomplir la période complémentaire de stage qui est nécessaire pour atteindre la durée normale de stage prévu par le statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale afin de tenir compte de ses périodes de congé maladie justifiées n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 24 décembre 2021 par lequel le préfet de police, au terme d'un délai excédant le délai d'un an de stage majoré de l'incidence de ses jours de congés justifiés, a mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle. La circonstance qu'un rapport en date du 24 juin 2021, en tout état de cause plus d'un après le début de son stage, proposait qu'il soit mis fin à son stage ne permet pas de regarder la décision attaquée comme constituant une décision de licenciement intervenue en cours de stage. Enfin, comme il a été indiqué précédemment, en l'absence d'une décision expresse de titularisation à l'expiration de son stage d'un an, M. E... a conservé la qualité de stagiaire à laquelle il pouvait être mis fin à tout moment alors même que le délai de stage d'un an avait expiré à la date de la décision attaquée. Au regard de ce qui précède, M. E... n'a pas fait l'objet d'un licenciement en cours de stage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties - insuffisance de motivation, défaut de communication du dossier personnel, méconnaissance des droits de la défense - s'attachant à une décision de licenciement en cours de stage est inopérant. 17. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'en l'absence de titularisation à l'expiration de la dernière prolongation de son stage, M. E... a conservé sa qualité de stagiaire et le préfet de police pouvait ainsi mettre fin, à tout moment, à ses fonctions pour des motifs tirés de son inaptitude à son emploi. Par suite, l'arrêté contesté du 24 décembre 2021 doit être regardé comme un refus de titularisation en fin de stage. 18. Or, comme indiqué précédemment un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation pourvu que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations. 19. Pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations. 20. Il ressort des pièces du dossier que la décision de non-titularisation de M. E... repose sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais également des faits susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires. Si M. E... fait valoir qu'il n'a pas eu l'opportunité de présenter des observations avant l'édiction de la décision de refus de titularisation, et si, en application des principes mentionnés au point 19, cette décision de non-titularisation ne pouvait intervenir sans que l'intéressé ait été préalablement mise à même de présenter ses observations, il ressort également du rapport d'enquête administrative établi le 20 janvier 2021 que l'intéressé a été informé le 9 décembre 2020 de l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre pour plusieurs insuffisances professionnelles et de son droit d'être assisté dans ce cadre par la personne de son choix, que l'intéressé a, à cette occasion, indiqué qu'il souhaitait être accompagné lors de son audition du 16 décembre 2020 par un délégué syndical, au cours de laquelle, accompagné par ce délégué, il a pu présenter des observations sur les différents manquements professionnels qui lui étaient reprochés. De même, il a pu présenter des observations lors de réunion de la commission administrative paritaire interdépartementale compétente à l'égard des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, siégeant en conseil de discipline, lors de sa séance du 23 juin 2021. Eu égard à la teneur des éléments précités, l'intéressé doit être regardé comme ayant été invité à présenter sa défense et mis à même de présenter ses observations avant l'intervention de la décision de l'administration. 21. De même, M. E... conteste la matérialité des faits relevés dans les différents rapports sur sa manière de servir établis par ses supérieurs hiérarchiques. Il lui est notamment reproché au vu d'un rapport dressé le 13 novembre 2020 d'avoir omis, lors de son arrivée dans son affectation, d'informer sa hiérarchie du blâme pour inexécution d'un ordre en temps de service et des deux redoublements dont il avait fait l'objet au cours de sa scolarité dans différentes écoles de police, d'avoir lors d'une discussion avec ses collègues le 21 août 2020, fait part de sa fierté de la découverte par la Turquie de gisement de gaz en mer méditerranée et d'avoir vanté la politique menée par le président Erdogan et critiqué la position de la France à ce sujet. M. E... aurait également omis de rendre compte d'un accrochage avec le car qu'il conduisait pour emmener ses collègues sur les lieux d'une manifestation de représentant de la communauté kurde et a tenté de le dissimuler. Le même jour, au cours de cette opération de maintien de l'ordre, il aurait dévisagé à plusieurs reprises de manière dédaigneuses et hostile, les manifestants et déclaré " c'est dingue qu'ils puissent sortir ce drapeau, ce sont des terroristes ". De même, il lui est reproché d'avoir eu, le 12 octobre 2020, une altercation avec un gardien de la paix au cours de laquelle il l'a menacé en lui disant " méfie-toi parce que les deux dernières personnes qui m'ont dit ça ont fini révoqués ". Enfin, le 27 octobre 2020, lors d'une discussion avec un gardien de la paix stagiaire relatives aux verbalisations effectuées dans le contexte de crise sanitaire. M. E... a déclaré " il faut verbaliser gros moi je ne verbalise que les Français ". Dans le rapport précité, le supérieur hiérarchique de M. E... met en avant les graves difficultés relationnelles de la part de l'intéressé avec ses pairs qui sont dues à un manque de discernement et de souplesse. Il lui également relevé son incapacité à supporter le travail en équipe et en particulier avec des éléments féminins. 22. Toutefois, si le requérant conteste la matérialité des faits allégués au point 21 précédent, ou leur véritable portée dans le contexte dans lequel ils sont intervenus, et met en cause l'intrusion de l'administration dans sa vie privée et celle de son épouse, il n'apporte pas ce faisant d'éléments suffisamment probants pour remettre en cause la réalité des manquements à ses obligations d'impartialité, de neutralité ou de réserve, que l'état de santé de son épouse ne saurait mettre en doute. En outre, il n'apporte pas d'éléments à même d'infirmer d'autres constatations de ses supérieurs ou collègues de travail quant à son incapacité à se mettre en situation d'assurer un service de manière autonome, en raison de son incapacité à travailler en équipe et à suivre les conseils prodigués par les gradés et " anciens " ou toute consigne ou ordre donné par sa hiérarchie, en raison de sa distraction ou de son manque de concentration sur le travail qui lui est demandé. Enfin, il a dissimulé à ses supérieurs hiérarchiques l'existence d'un blâme infligé au cours de sa scolarité comme élève policier, et, comme indiqué précédemment, n'a pas justifié de la prolongation de son arrêt pour maladie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit être écarté. 23. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que, dès lors que l'inaptitude de M. E... à exercer normalement les fonctions correspondant au grade de gardien de la paix est établie, et qu'au surplus une procédure disciplinaire a été engagée, les moyens tirés de ce que le refus de titularisation constituerait une sanction disciplinaire déguisée nécessitant la communication du dossier individuel, le respect des droits de la défense, la réunion d'un conseil de discipline avant l'édiction de la décision attaquée, ou encore de l'existence d'un défaut de motivation ou d'une erreur de droit à raison d'une prétendue rétroactivité de la décision attaquée, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. 24. Enfin, au regard de ce qui a été dit supra, et alors qu'aucun autre élément versé au dossier n'est de nature à l'accréditer, le moyen tiré du détournement de procédure ne peut qu'être écarté. Au surplus, l'administration a engagé une procédure disciplinaire, sans toutefois la conduire à son terme. 25. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E :Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.Copie en sera adressée au préfet de police.Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme B..., premier conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA02787 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02787
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL LELONG DUCLOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;23pa02787 ?
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