La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2024 | FRANCE | N°24PA01136

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 20 décembre 2024, 24PA01136


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 5 janvier 2024, par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2401997 en date du 6 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :





Par une requête, enregistrée le 9 mars 2024, Mme A... B..., représentée par Me Sangue, demande à la Cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 5 janvier 2024, par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2401997 en date du 6 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2024, Mme A... B..., représentée par Me Sangue, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2401997 du 6 mars 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 5 janvier 2024 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative ;

4°) d'admettre la requérante au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à défaut d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la requérante de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle a le droit de se maintenir en France ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... B... a fait l'objet le 13 juin 2024 d'une décision constatant la caducité de sa demande d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 5 janvier 2024, le préfet de police a obligé Mme A... B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2401997 du 6 mars 2024 dont Mme A... B... interjette régulièrement appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Dans la mesure où le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a prononcé le 13 juin 2024 la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme A... B..., ses conclusions tendant à l'octroi de cette aide à titre provisoire sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. D'un part, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 ; d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 ; l'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 531-40 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; 2° Lorsque le demandeur :a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ; b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... est la mère d'une petite fille née en France le 13 septembre 2023 et que la requérante a, en sa qualité de représentante légale de Dania, présenté le 29 novembre 2023, une demande d'asile qui a été déclarée complète le 3 janvier 2024 et motivée par les risques d'excision auxquels elle serait exposée dans pays d'origine, antérieurement à la date de l'arrêté contesté. Il n'est pas contesté que la demande d'asile de l'enfant Dania, qui était titulaire d'une attestation de demande d'asile valable jusqu'au 28 septembre 2024, était toujours en cours d'examen à la date de l'arrêté attaqué. La fille de Mme A... B... disposait donc, à la date de la décision contestée, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours devait être formé, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), soit, s'il était statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Il n'est pas contesté que Mme A... B... représente sa fille dans le cadre de cette demande d'asile, circonstance qui avait été portée à la connaissance du préfet à la date de la décision attaquée puisqu'il a lui-même délivré le 29 novembre 2023 l'attestation de demande d'asile de l'enfant Dania, attestation qui mentionne que Mme A... B... est sa représentante légale. Dans ces conditions, en obligeant Mme A... B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, alors que l'exécution de cette mesure obligerait son enfant, mineure de moins d'un an, à demeurer sur le territoire français sans sa mère ou à quitter le territoire français avec elle sans que sa demande d'asile ait pu être examinée, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2024 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il incombe au préfet de police, en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir la requérante d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification du présent l'arrêt et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

8. Mme A... B... n'ayant pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de la présente procédure d'appel, son conseil ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... B... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle de Mme A... B....

Article 2 : Le jugement n° 2401997 du 6 mars 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : L'arrêté du préfet de police en date du 5 janvier 2024 est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.

Article 5 : L'Etat versera à Mme A... B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01136
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SANGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;24pa01136 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award