Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Bpifrance a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'année 2017, en sa qualité de société mère du groupe BPI, pour un montant de 24 460 874 euros.
Par un jugement n° 2007722 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Bpifrance.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 mai 2022, 9 novembre 2022 et 29 mars 2023, la SA Bpifrance, représentée par Me Guerineau, avocat, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2007722 du tribunal administratif de Montreuil en date du 17 mars 2022 ;
2°) de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'année 2017, en sa qualité de société mère du groupe BPI, pour un montant de 24 460 874 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le chiffre d'affaires du groupe intégré auquel elle appartient, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1er de la loi du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, est inférieur au seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue par ces dispositions dès lors que les produits financiers et les produits exceptionnels, dont les plus-values de cession des immobilisations financières, en sont exclus par le plan comptable général.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 septembre 2022, 2 décembre 2022, 20 avril 2023 et 4 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SA Bpifrance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Bpifrance, dont le capital est détenu par la caisse des dépôts et consignations et, indirectement, par l'Etat, est la société mère du groupe fiscalement intégré Bpifrance, composé notamment de la société Bpifrance Participations, dont elle détient la totalité du capital. Au titre de l'exercice clos en 2017, la SA Bpifrance a acquitté, en sa qualité de société mère de ce groupe, la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, pour un montant de 24 460 874 euros. Elle relève régulièrement appel du jugement en date du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette somme.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 : " I. - Les redevables de l'impôt sur les sociétés prévu à l'article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...). / (...) / III. - 1. Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle et, le cas échéant, la contribution additionnelle sont dues par la société mère. (...) / 2. Le chiffre d'affaires mentionné aux I et II s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la société mère d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. / (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, le chiffre d'affaires s'entend du montant des recettes tirées de l'ensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante, y compris, le cas échéant, eu égard à son modèle économique, les produits financiers et les plus-values de cession d'immobilisations financières.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier de son rapport de gestion de l'année 2017, que la société Bpifrance Participations a pour activité l'acquisition et la cession de participations. Si elle finance le développement et la croissance de petites et moyennes entreprises et d'entreprises technologiques et industrielles et intervient pour créer un effet d'entraînement de l'investissement privé, elle réalise ses investissements " de façon sélective ", " en fonction du potentiel de création de valeur " des entreprises financées et elle opère " aux conditions de marché ", " selon les mêmes dispositions financières et juridiques que les
co-investisseurs ". Il résulte en outre du rapport de gestion qu'" elle accompagne sur le long terme les entreprises dans lesquelles elle investit, ce qui n'exclut pas une rotation du portefeuille d'actifs en synergie avec les co-investisseurs privés, dans un souci de bonne gestion des risques, de libération de marges de manœuvre pour financer de nouveaux investissements et de valorisation de son patrimoine ". Au titre de l'exercice clos en 2017, alors qu'elle détenait au moins 10 % du capital de soixante-deux sociétés, elle a ainsi cédé des participations et réalisé en conséquence des plus-values de cession d'immobilisations financières d'un montant total de 525 076 814 euros, ses produits exceptionnels sur opérations en capital s'étant élevés à 1 982 072 891 euros, soit 83,97 % du total de ses produits. A cet égard, il est constant qu'entre les exercices 2013 et 2017, ses produits exceptionnels sur opérations en capital s'élevaient à plus d'un milliard par exercice et représentaient plus de 65 % du total des produits. Les cessions de participations, qui permettent à la société Bpifrance Participations d'en acquérir de nouvelles, conformément à sa stratégie d'investissement, présentent ainsi un caractère habituel et correspondent à une part substantielle de ses produits. Dans ces conditions, elles doivent être regardées comme l'une des modalités courantes et normales de poursuite du profit, caractérisant son modèle économique. Les plus-values de cession d'immobilisations financières en résultant doivent dès lors être prises en compte pour la détermination du chiffre d'affaires du groupe fiscalement intégré dont elle est membre, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi susvisée du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction que la SA Bpifrance exerce une activité financière de détention de participations et a perçu, au titre de l'exercice clos en 2017, 376 293 779 euros de produits financiers et 435 128 euros de produits d'exploitation. Au titre du même exercice, la société Bpifrance Participations, qui exerce également une activité de détention de participations, ainsi qu'il a été dit au point 4, a perçu 373 556 216 euros de produits financiers et 67 815 euros de produits d'exploitation. La perception de produits financiers par les sociétés Bpifrance et Bpifrance Participations, qui résulte de la détention des participations, constitue l'une des modalités courantes et normales de poursuite du profit, caractérisant le modèle économique de ces sociétés. Les produits financiers qu'elles ont perçus au cours de l'exercice clos en 2017 doivent dès lors être pris en compte pour la détermination du chiffre d'affaires du groupe dont elles sont membres, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi susvisée du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'eu égard au montant des produits financiers perçus et des plus-values de cession d'immobilisations financières réalisées par les sociétés Bpifrance et Bpifrance Participations, la somme des chiffres d'affaires des sociétés membres du groupe fiscalement intégré Bpifrance de l'exercice clos en 2017 excède un milliard d'euros. La SA Bpifrance n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas assujettie à la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 1er de la loi susvisée du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 et, par suite, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme dont elle s'était acquittée à ce titre. Ses conclusions à fins d'annulation et de restitution doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SA Bpifrance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Bpifrance et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée pour information à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction des grandes entreprises.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 24 décembre 2024.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22PA02223