Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 avril 2024 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de l'association Paris et Compagnie.
Par un jugement n° 2414733/3-2 du 29 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 septembre 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 12 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Donetti, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration s'est méprise sur la validité des catégories professionnelles prévues dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde, dès lors que le poste de responsable de plateforme e-sport et celui de responsable de partenariat dans le secteur du sport, qui correspondent à des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, auraient dû être classés dans une même catégorie professionnelle, tout comme les postes réellement occupés par M. C... et par lui-même ;
- l'administration a opéré son contrôle au vu d'une fiche de poste obsolète, qui ne correspondait pas aux fonctions qu'il occupait réellement depuis le mois d'octobre 2023 ;
-l'administration s'est méprise sur la validité des catégories professionnelles prévues dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde, dès lors que ces catégories professionnelles ont été construites afin de le cibler.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2024, l'association Paris et Compagnie, représentée par Me Fabié-Verdier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Menasseyre,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Donetti pour M. A... et de Me Fabié Verdier pour l'association Paris et Compagnie.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Paris et Compagnie se présente comme l'agence de développement économique et d'innovation de la Ville de Paris et de la métropole du Grand Paris. Elle se donne pour mission de favoriser la diffusion de l'innovation à travers l'incubation de start-ups, l'expérimentation de solutions innovantes et l'organisation d'évènements ou la mise à disposition de locaux. La Ville de Paris est son membre fondateur et son principal financeur. L'association s'est développée en créant notamment des plateformes d'innovation sectorielle dans des secteurs tels que le tourisme, le sport, l'immobilier, ou la finance. En 2018, elle a notamment créé un " programme d'innovation technologique et social " dédié à l'e-sport, ayant pour objectif de faire émerger des projets innovants, informer et développer l'e-sport amateur et professionnel et d'animer une Maison de l'e-sport, l'e-sport se présentant comme la pratique compétitive de jeux vidéos. Ce programme a pris la forme d'une plateforme dénommée Level 256, incluant, à partir de 2020, la création et la gestion de la Maison de l'e-sport, laquelle offrait des espaces de pratiques entièrement équipés pour les associations et les équipes ainsi qu'une Arena de 70 places dotée d'un triple écran de très haute qualité pour l'accueil d'évènements, une salle de " réalité augmentée ", des studios de production, un hôtel d'entreprises et un " incubateur ". L'association a recruté, en 2017, M. A... en qualité de " responsable de plateforme e-sport ". Par décision du 8 avril 2024, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile de France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'association, lequel prévoyait la suppression de onze postes, répartis dans huit catégories professionnelles, dont la catégorie " responsable de la plateforme e-sport ", qui ne comportait qu'un seul poste. Par un jugement du 29 juillet 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête introduite par M. A..., dont le contrat de travail a été rompu par acceptation du contrat de sécurisation professionnelle proposée dans le cadre du plan, contre cette décision d'homologation. L'intéressé relève régulièrement appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social économique (...) ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; (...) ". L'article 1233-57-3 du même code prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ".
3. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe tout ou partie des éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail, en raison de l'absence d'accord collectif de travail portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ces éléments aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. En particulier, s'agissant des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement, mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, il appartient à l'administration de vérifier qu'elles regroupent, chacune, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée. Une corrélation entre la définition d'une catégorie professionnelle et l'affectation des salariés, y compris leur affectation au service faisant l'objet de la restructuration, ne saurait donc, en principe être admise. Il en va toutefois différemment dans l'hypothèse où cette affectation traduit, en réalité, l'exercice de fonctions qui, compte tenu de la formation spécifique y conduisant, ne peuvent être regardées comme exercées également par les salariés d'autres services.
4. Il ressort des pièces du dossier que le comité social économique (CSE), qui s'est réuni les 16 janvier, 15 et 16 février 2024 ainsi que les 29 février, 6 mars, 18 mars et 29 mars 2024, a relevé, dans son avis du 18 mars 2024, que les négociations avaient notamment porté sur les catégories professionnelles, qu'elles avaient permis d'améliorer le PSE dans la limite des moyens de l'association et que les propositions de regroupement émanant du CSE avaient été en partie retenues. Il ressort de l'exposé de la méthode retenue afin de définir les catégories professionnelles contrôlées par l'administration, tel qu'il figure dans le document unilatéral, que les auteurs du document ont considéré que des intitulés similaires de postes, correspondant au degré d'autonomie et de responsabilité du salarié, (directeur, responsable, chef de projet, chargé de) pouvaient recouvrir des fonctions de nature différente et que, en dehors des fonctions support, il convenait de prendre en compte les expertises et spécificités propres à certains secteurs d'activités, ainsi que les principaux métiers composant l'association. Les secteurs d'activité dans lesquels l'association a développé une expertise correspondaient à la Fintech, aux ressources humaines, au sport, à la santé, à l'alimentation durable, aux industries culturelles et créatives, à l'e-sport, au tourisme, à l'économie circulaire, à l'immobilier, à l'économie sociale et solidaire, et à la ville durable et ont été regroupés dans quatre métiers, lesquels relevaient de l'" entreprenariat et incubation ", des " projets à impacts territoriaux ", de la " prospective et innovation " et de la " prospection et vente ". Il ressort des pièces du dossier que les catégories déterminées au terme des négociations sont au nombre de vingt-cinq pour un total de soixante salariés, douze d'entre elles étant unipersonnelles. Huit catégories sont concernées par les onze suppressions de poste envisagées. Sur ces huit catégories, deux sont unipersonnelles.
5. En premier lieu, si M. A... a entendu critiquer son propre classement au sein de la catégorie professionnelle " responsable de plateforme e-sport " tel qu'elle a été retenue dans le document unilatéral, cette critique, qui relève de la mise en œuvre du plan homologué, est sans incidence sur la légalité de la définition des catégories professionnelles. Elle ne saurait être utilement invoquée à l'appui de sa contestation de la décision d'homologation.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les fonctions de responsable plateforme e-sport comportaient une dimension stratégique et managériale qui n'était nullement attendue du salarié exerçant les fonctions de chef de projet e-sport. Sept années d'expérience dans " la vente de prestation de conseil, la gestion de partenariat " étaient requises, ainsi que des compétences dans l'attribution des subventions et dans la connaissance des institutions publiques alors que trois années " d'expérience en conseil, dans la gestion de projet innovants et/ou la création d'entreprise " étaient attendues du salarié occupant les fonctions de chef de projet e-sport. La circonstance que le salarié occupant les fonctions de chef de projet a assuré, durant les périodes d'absence du responsable de la plateforme, son interim, ne saurait à l'évidence suffire à permettre de considérer que ces deux salariés devraient de ce fait être regardés comme exerçant au sein de l'association des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Si M. A... se prévaut des nouveaux objectifs qui ont respectivement été assignés, à compter du mois d'octobre 2023, en raison de la fermeture de la maison de l'e-sport et de la réorganisation inhérente à " clôture du Level 256 ", au chef de projet et au responsable de la plateforme, il n'en demeure pas moins, en toute hypothèse, que les dimensions stratégiques et managériales ont continué à être présentes dans les missions du premier et absentes de celles du second. Il en résulte que la nature des fonctions, en particulier le niveau de responsabilité et la dimension d'encadrement, ainsi que l'expérience professionnelle requise justifient que l'emploi de responsable de la plateforme e-sport ne soit pas dans la même catégorie que celui de chef de projet de cette plateforme.
7. En troisième lieu, le regroupement, par catégories, de l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune peut se traduire, ne saurait faire obstacle, lorsque la réalité des tâches exercées dans l'entreprise et l'organisation correspondant à cette réalité l'impose, à des découpages fins, pouvant conduire à retenir des catégories unipersonnelles. Ainsi qu'il a été indiqué au point 4, les catégories ont été déterminées en tenant compte du fait que des intitulés similaires de postes, correspondant au degré d'autonomie et de responsabilité du salarié, pouvaient recouvrir des fonctions de nature différente. Les emplois de " responsable partenariat et nouvelles offres startup ", de " responsable partenariat tourisme ", et de " responsable partenariat sectoriel " ont ainsi été respectivement rattachés, eu égard aux fonctions occupées, à la catégorie professionnelle " marketing et relation avec les partenaires ", à la catégorie " responsable delivery " et à la catégorie professionnelle " responsable partenariat ". Il ressort de l'examen des fiches de poste versées au dossiers qu'en dépit de similitudes dans les principales missions des responsable partenariat et du responsable de la plateforme e-sport, et du niveau de formation requis, certaines missions étaient propres au responsable de la plateforme e-sport, dont l'emploi comportait en outre une dimension managériale, fût-elle marginale, et dont les prérequis comportaient une expérience professionnelle plus importante, une connaissance des institutions et une maîtrise des processus liés à l'obtention de subventions. Contrairement à ce que soutient M. A..., il n'apparaît pas, dans ces conditions, et alors même que le sport et l'e-sport reposent tous deux sur l'organisation de compétitions, que les contenus de l'emploi exercé par le responsable partenariat chargé du secteur du sport et celui du responsable de la plateforme e-sport seraient permutables entre eux et relèveraient en réalité de la même catégorie professionnelle.
8. Il ne ressort pas des éléments ainsi invoqués par M. A..., pas plus que du fait que l'intéressé a, au début de l'année 2024, saisi le conseil des prud'hommes en vue de voir faire constater la résiliation de son contrat de travail, que la distinction de la catégorie " responsable de plateforme e-sport " aurait été effectuée dans le but de désigner le salarié occupant ce poste. Dans ces conditions, il ne ressort des pièces du dossier ni que la définition des catégories professionnelles n'aurait pas répondu à une logique de regroupement en fonction des compétences professionnelles ni que l'employeur aurait ciblé, lors de l'élaboration de cette définition, M. A... en vue de permettre son licenciement.
9. Il résulte de ce qui précède que les catégories professionnelles en cause ont été déterminée en tenant compte de la spécificité des fonctions exercées supposant une formation professionnelle commune et sans intention de viser spécifiquement les salariés appartenant aux activités affectées par le projet de réorganisation. Par suite, l'administration n'a pas, dans le cadre de son contrôle, fait une inexacte application des articles L. 1233-24-2 et L. 1233-57-3 du code du travail en homologuant la définition des catégories professionnelles prévues par le document unilatéral établissant le plan de sauvegarde de l'emploi.
10. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions relatives aux frais d'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'association Paris et Compagnie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'association Paris et Compagnie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail et de l'emploi et à l'association Paris et Compagnie.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente-rapporteure,
- Mme Vrignon-Villalba, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024
La présidente-rapporteure,
A. Menasseyre L'assesseure la plus ancienne,
C. Vrignon-Villalaba
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA04131 2