Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2327927/8 du 7 février 2024, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Béchieau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 17 octobre 2023 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, le cas échéant, la mention " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 422-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire ainsi que le pays de destination :
- la requérante indique reprendre l'ensemble des moyens présentés à l'appui de sa demande de première instance.
Par une ordonnance du 18 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 août 2024 à 12 heures.
Un mémoire présenté par le préfet de police a été enregistré le 10 décembre 2024 à 9 heures 31, postérieurement à la clôture de l'instruction et avant l'audience du même jour qui a débuté à 10 heures, et n'a pas été communiqué.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 26 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires (ensemble trois annexes et une déclaration), signé à Dakar le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord (ensemble deux annexes), signé à Dakar le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Paya, substituant Me Béchieau, avocate de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née en 1992, a sollicité le 15 juin 2023 le " renouvellement " de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", qui venait à expiration le 22 décembre 2021, ou, à défaut, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 17 octobre 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme A... fait appel du jugement du 7 février 2024 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions manuscrites figurant sur la feuille de salle produite en première instance par le préfet de police, que Mme A... a demandé, le 15 juin 2023, la délivrance d'un titre de séjour " carte étudiante / vie privée familiale ". Ce faisant, la requérante doit être regardée comme ayant demandé, outre la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celle d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au regard notamment des dispositions de l'article L. 423-23 du même code. Or, les motifs de l'arrêté attaqué font apparaître que le préfet de police s'est borné à examiner la demande de la requérante au regard des seules dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que le préfet de police a entaché l'arrêté attaqué d'un défaut d'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Il résulte de ce qui précède, et alors qu'aucun autre moyen de la requête n'est susceptible d'entraîner une annulation de l'arrêté attaqué, que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement que, d'une part, le préfet de police ou tout autre préfet devenu territorialement compétent procède au réexamen de la situation de Mme A... et prenne une nouvelle décision expresse dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et que, d'autre part, il lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme A....
Sur les frais liés au litige :
7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Béchieau, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Béchieau de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2327927/8 du Tribunal administratif de Paris du 7 février 2024 et l'arrêté du préfet de police du 17 octobre 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou à tout autre préfet devenu territorialement compétent de réexaminer la situation de Mme A..., de prendre une nouvelle décision expresse dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Béchieau une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Béchieau, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01984