Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'école normale supérieure (ENS) à l'indemniser au titre de divers préjudices et d'enjoindre au directeur de cet établissement de mettre en œuvre a posteriori la protection fonctionnelle à son égard.
Par un jugement n° 2004717 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris, après avoir condamné l'ENS à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi du fait d'une situation de harcèlement résultant des conditions d'exercice de ses fonctions de responsable des archives institutionnelles, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés sous le n° 23PA01258, les 27 mars 2023, 23 mai 2023 et 27 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Weiss, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris du 27 janvier 2023 et de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 3 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'ENS ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'ENS la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient dans le dernier état de ses écritures que :
- le jugement contesté est insuffisamment motivé ;
- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'erreurs de droit, d'appréciation et de fait ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle était irrecevable ; il n'était pas tenu de réitérer sa demande d'octroi de la protection fonctionnelle déposée au mois de mars 2018 dans la mesure où la nécessité de cette protection n'a jamais cessé compte tenu de la situation de harcèlement moral qui a perduré ;
- ses fonctions de responsable du pôle hébergement devaient lui ouvrir droit à l'attribution d'un logement de fonction par nécessité absolue de service et à l'astreinte correspondante ;
- son évaluation établie dans le cadre de sa candidature au tour extérieur dans le corps des administrateurs civils au titre de l'année 2019 a eu pour effet de réduire ses chances de réussite ;
- la situation de harcèlement moral qu'il a subie consécutivement à son affectation sur le poste de responsable des archives institutionnelles doit être indemnisée à hauteur de 40 000 euros en application du principe de réparation intégrale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, l'école normale supérieure, représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2023.
Un mémoire, présenté pour M. B... par Me Weiss, a été enregistré le 26 novembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
II- Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires enregistrés sous le n° 23PA01278, les 27 mars 2023, 24 mai 2023, 31 août 2023 et 4 avril 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'école normale supérieure, représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'ENS à verser à M. B... la somme de 3 000 euros ;
2°) de rejeter la requête de première instance de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté méconnaît les prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- sa seule affectation sur le poste de responsable du service des archives institutionnelles ne saurait caractériser l'existence d'agissements répétés constitutifs de harcèlement ;
- ce changement d'affectation a été décidé dans l'intérêt du service pour mettre fin aux difficultés relationnelles durablement installées entre l'intéressé et les responsables successifs du service logistique, en particulier le dernier d'entre eux ;
- c'est à tort que les juges de première instance ont retenu que les conditions dans lesquelles M. B... a été conduit à assurer ses fonctions à compter du mois de juillet 2019 caractérisaient une situation de harcèlement ;
- en l'absence de faute de nature à engager la responsabilité de l'ENS, c'est également à tort que les premiers juges ont alloué à M. B... la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de cette situation ; en tout état de cause, le préjudice moral allégué n'est pas établi et la somme de 3 000 est surévaluée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, M. B..., représenté par Me Weiss, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'ENS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'ENS ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2024.
Un mémoire, présenté pour M. B... par Me Weiss, a été enregistré le 26 novembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 99-945 du 16 novembre 1999 ;
- le décret n° 2012-752 du 9 mai 2012 ;
- l'arrêté du 10 novembre 2010 fixant les modalités de l'examen des titres professionnels et de l'établissement de la liste d'aptitude d'accès au corps des administrateurs civils ;
- les arrêtés du 5 juin 2015 et du 23 décembre 2015 fixant les listes de fonctions des établissements d'enseignement supérieur du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prévues aux articles R. 2124-65 et R. 2124-68 du code général de la propriété des personnes publiques pouvant ouvrir droit à l'attribution d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou d'une convention d'occupation précaire avec astreinte ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Weiss, représentant M. B... et de Me Coudray, représentant l'ENS.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., attaché principal d'administration de l'Etat en poste au sein de l'école normale supérieure (ENS) depuis 2006, a été affecté à compter de 2015 au sein du service logistique et a occupé à partir de 2017 le poste d'adjoint au chef de service et de responsable du pôle hébergement entre 2018 et 2019. Le 22 juillet 2019, il a été nommé responsable des archives institutionnelles. Par une demande préalable indemnitaire du 24 novembre 2019, il a sollicité la réparation de préjudices résultant d'une perte de chance de réussite au concours des administrateurs civils de 2019 par la voie du tour extérieur, du harcèlement moral qu'il estime avoir subi depuis 2017 et de la privation du bénéfice d'un logement de fonction entre 2015 et 2019. Par la requête enregistrée sous le n° 23PA01258, M. B... relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 27 janvier 2023 en tant qu'il a limité à 3 000 euros la somme qui lui a été allouée au titre du préjudice moral consécutif à une situation de harcèlement subie dans le cadre de ses fonctions de responsable des archives institutionnelles de l'ENS et a rejeté le surplus de ses demandes. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 23PA01278, l'ENS sollicite la réformation de ce même jugement en tant qu'il a fait droit partiellement à la demande de M. B....
2. Les requêtes nos 23PA01258 et 23PA01278, qui présentent à juger les mêmes questions, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 23PA01278 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Il ressort de l'examen de la copie de la minute du jugement attaqué transmise à la Cour que le jugement contesté a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui dispose que " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
4. Pour caractériser la situation de harcèlement subie par l'intéressé dans le cadre de ses fonctions de responsable du service des archives institutionnelles de l'ENS, le tribunal a retenu au point 12 du jugement, d'une part, que si cette fonction relève de celles pouvant être confiées à un attaché d'administration principal, la fiche de poste contenait toutefois des activités de collecte et de tri des archives, de réalisation de leur inventaire, de travail de recherches documentaires et de communication des documents réservées à des agents que celui-ci a vocation à encadrer tels qu'un chargé ou assistant d'archives, un technicien d'information documentaire et de collections permanentes et un aide d'information documentaire et de collections patrimoniales. D'autre part, les juges de première instance ont relevé qu'en l'absence de toute fonction ou tout moyen d'encadrement, M. B... devait, de fait, prendre en charge l'ensemble des missions relevant de ce service et enfin, que lors de sa prise de poste, les archives étaient constituées de cartons entreposés dans une cave et sans équipement pour travailler, l'ensemble de ces éléments démontrant, dans les circonstances de l'espèce, des conditions de travail caractérisant une situation de harcèlement.
5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la date de la décision attaquée, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...) ".
6. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements en cause doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
7. Il résulte de l'instruction que M. B... a été nommé responsable des archives institutionnelles (archives de nature non scientifique) de l'ENS au mois de juillet 2019 après avoir occupé plusieurs postes au sein du service logistique, en dernier lieu celui de responsable du pôle hébergement et d'adjoint au chef de service. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les juges de première instance, si le poste de responsable des archives institutionnelles de l'ENS peut être attribué à un attaché principal d'administration qui, comme M. B..., a une formation du niveau d'ingénieur de recherche, certaines attributions confiées à l'intéressé figurant sur la fiche de poste transmise le 20 juin 2019 relèvent toutefois de catégories d'emplois inférieures. Les activités de collecte et de tri des archives, de réalisation de leur inventaire, de travail de recherches documentaires et de communication des documents, ne relèvent pas de celles d'un responsable des archives mais d'agents que celui-ci a vocation à encadrer. Il est par ailleurs constant que le service des archives nouvellement crée au mois de juillet 2019 n'était composé d'aucun autre agent que M. B..., ce dernier ayant par voie de conséquence vocation à accomplir l'ensemble des tâches visées par cette fiche de poste, y compris celles ne relevant pas de sa catégorie. De même, en l'absence de toute fonction ou tout moyen d'encadrement, les missions de coordination, d'organisation et de contrôle des opérations réalisées au sein du service se trouvaient vidées de toute portée réelle. M. B..., qui a précisé avoir dû débuter la mise en place de ce service et le traitement des archives par le " déblaiement " d'une cave non entretenue dans laquelle étaient entreposés des cartons de documents non classés, n'est d'ailleurs pas contesté utilement par l'ENS qui se borne à soutenir avoir mis à sa disposition des outils adéquats pour exercer ses missions et un équipement minimal. La seule circonstance qu'il ait disposé d'un bureau est à ce titre sans influence sur la nature de l'activité qu'il a dû assurer. Si l'ENS soutient que ce poste nécessite des compétences particulières, un niveau de qualification élevé, implique une mise en relation avec les archives nationales et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) et que le niveau d'emploi ne dépend pas uniquement du nombre d'agents encadrés, l'intitulé du poste comme la circonstance qu'il soit mis en relation pour l'exercice de cette fonction avec des partenaires institutionnels prestigieux comme soutenu par l'ENS, ne permettent pas de remettre en cause la circonstance qu'en l'absence de personnel placé sous son autorité, plusieurs des tâches qu'il a dû accomplir ne relevaient pas par nature de sa catégorie d'emploi ou que certaines autres sont demeurées, de fait et pour le même motif, sans véritable contenu. Il ne ressort d'ailleurs pas de cette fiche de poste que M. B..., nonobstant son positionnement directement sous l'autorité du directeur général des services de l'ENS, aurait disposé d'un pouvoir décisionnel ou même de responsabilités propres à défaut de toute fonction d'encadrement. Enfin, si l'ENS soutient qu'aucun caractère répété des mesures dont aurait fait l'objet M. B... n'est établi, la rétrogradation de fait dont il a fait l'objet s'est poursuivie durant toute son affectation sur le poste de responsable des archives institutionnelles à partir de juillet 2019. Par suite, l'ENS ne démontre pas plus en appel qu'en première instance que les attributions dévolues de manière permanente à M. B... relevaient exclusivement de celles confiées à un responsable d'archives. M. B... fait également valoir sans être sérieusement contesté que cette affectation a eu pour conséquence de l'isoler géographiquement et professionnellement de la direction générale des services à laquelle il était hiérarchiquement rattachée, en l'absence, d'une part, d'invitation à participer aux réunions organisées par cette direction à l'exception de deux d'entre elles qui ont eu lieu aux mois d'août 2019 et mars 2024, et, d'autre part, de son retrait de la liste de diffusion des messages adressés à cette direction et de celle destinée aux cadres de l'ENS. Enfin, l'intéressé fait valoir pour la première fois en appel sans être contredit que l'ENS a publié et attribué au cours de l'année 2023, un poste de chef de projet archivage incluant non seulement les archives dites " administratives " dont il était en charge, mais également les archives dites " scientifiques ", lesquelles étaient exclues de son champ d'intervention, que cette offre d'emploi ne faisait aucunement référence au poste qu'il occupait et qu'il n'a pas été informé par sa hiérarchie de cette ouverture de poste. Par suite, il ressort de l'ensemble de ces éléments pris dans leur ensemble que cette affectation en qualité de responsable des archives institutionnelles et les conditions d'exercice de ses fonctions depuis sa nomination au mois de juillet 2019, qui ont conduit à une diminution de responsabilités, une suppression des missions d'encadrement exercées auparavant et à un isolement professionnel, doivent être regardés comme une dégradation des conditions de travail de M. B... constitutives d'une situation de harcèlement de nature à engager la responsabilité de l'ENS, en l'absence de démonstration de ce qu'elles seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. A ce titre, la circonstance que cette affectation aurait été décidée dans l'intérêt du service dans le but de mettre un terme aux difficultés relationnelles de l'intéressé principalement avec son supérieur hiérarchique responsable du service logistique, ne permet pas de remettre en cause la qualification de cette situation de harcèlement subie par l'intéressé, laquelle n'est pas caractérisée par sa seule nomination au poste de responsable des archives institutionnelles mais par les éléments relatifs aux missions et conditions d'exercice de ses nouvelles fonctions qui viennent d'être énoncés.
8. En second lieu, cette situation est à l'origine d'un préjudice moral constitué par un sentiment d'exclusion et de dévalorisation et l'ENS ne démontre pas le caractère excessif de l'indemnisation accordée par les juges de première instance à hauteur de 3 000 euros.
Sur la requête n° 23PA01258 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
10. Au vu de l'argumentation dont ils étaient saisis, les premiers juges se sont prononcés de manière suffisamment précise et circonstanciée sur les raisons pour lesquelles ils ont estimé, d'une part, au point 12 de leur jugement, que les conditions de travail de M. B... en qualité de responsable des archives institutionnelles caractérisaient une situation de harcèlement moral pour en conclure au point suivant que le préjudice moral pouvait, par une juste appréciation, être évalué à 3 000 euros, et d'autre part, aux points 17 et 18 de leur jugement, qu'eu égard à la nature et aux caractéristiques de ses fonctions, et compte tenu du nombre d'agents susceptibles de bénéficier de la mise à disposition d'un logement de fonctions par nécessité de service en application des arrêtés ministériels fixant les listes des fonctions ouvrant droit à une telle mise à disposition pour l'ENS, c'est sans commettre de faute que l'école a rejeté sa demande de mise à disposition d'un logement de fonctions. Dans ces conditions, et alors que le bien-fondé des réponses apportées est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
11. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreurs de droit, d'appréciation et de fait qui remettent en cause le bien-fondé du jugement, constituent des moyens relevant du contrôle de cassation et sont inopérants en cause de régularité du jugement.
12. En troisième lieu, les juges de première instance ont rejeté les conclusions présentées par M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'ENS de mettre en œuvre a posteriori la protection fonctionnelle, en retenant que sa requête ne contenait aucune demande d'annulation d'une décision lui refusant le bénéfice d'une telle protection et qu'il n'appartenait pas au juge de prononcer une injonction à titre principal. Contrairement à ce qu'il soutient, M. B... ne démontre par aucune pièce justificative avoir sollicité explicitement le bénéfice de la protection fonctionnelle. En particulier, ses remarques sur ses conditions de travail consignées le 8 mars 2018 dans le registre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne sauraient être assimilées à une demande d'octroi de cette protection. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté sa demande d'injonction comme étant irrecevable.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de l'absence de mise à disposition d'un logement de fonction :
13. Aux termes de l'article R. 2124-64 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue du décret du 9 mai 2012 portant réforme du régime des concessions de logement : " Dans les immeubles dépendant de son domaine public, l'Etat peut accorder à ses agents civils ou militaires une concession de logement par nécessité absolue de service ou une convention d'occupation précaire avec astreinte, dans les conditions prévues au présent paragraphe ". Aux termes de l'article R. 2124-65 du même code : " Une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate. / Des arrêtés conjoints du ministre chargé du domaine et des ministres intéressés fixent la liste des fonctions qui peuvent ouvrir droit à l'attribution d'une concession de logement par nécessité absolue de service ". Aux termes de l'article R. 2124-68 dudit code : " Lorsqu'un agent est tenu d'accomplir un service d'astreinte mais qu'il ne remplit pas les conditions ouvrant droit à la concession d'un logement par nécessité absolue de service, une convention d'occupation précaire avec astreinte peut lui être accordée. Elle est accordée par priorité dans des immeubles appartenant à l'Etat. / Une redevance est mise à la charge du bénéficiaire de cette convention. Elle est égale à 50 % de la valeur locative réelle des locaux occupés. / Des arrêtés conjoints du ministre chargé du domaine et des ministres intéressés fixent la liste des fonctions comportant un service d'astreinte qui peuvent ouvrir droit à l'attribution d'une convention d'occupation précaire ". Aux termes de l'article R. 2124-76 de ce code : " Les dispositions des articles R. 2124-64 à D. 2124-75-1 sont applicables aux personnels civils ou militaires de l'Etat et aux personnels des établissements publics de l'Etat qui occupent un logement dans un immeuble dépendant du domaine public de l'un de ces établissements, sous réserve des modalités fixées par le présent paragraphe. / (...) / Les concessions de logement et les conventions d'occupation précaire avec astreinte sont accordées, par l'organe compétent de l'établissement et en conformité avec les dispositions statutaires propres à ce dernier, aux agents qui occupent les fonctions définies par les arrêtés prévus au dernier alinéa de l'article R. 2124-65 et au dernier alinéa de l'article R. 212468. (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret du 9 mai 2012 : " En l'absence de changement dans la situation ayant justifié leur attribution, les agents civils ou militaires auxquels il a été accordé une concession de logement antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret en conservent le bénéfice jusqu'à l'entrée en vigueur des arrêtés prévus aux articles R. 2124-65 et R. 2124-68 et au plus tard le 1er septembre 2013. Ces concessions demeurent régies par les dispositions du code du domaine de l'Etat et du code général de la propriété des personnes publiques, dans leur rédaction antérieure à la date d'entrée en vigueur du présent décret ".
14. En ce qui concerne les établissements d'enseignement supérieur du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, les fonctions susceptibles d'ouvrir doit à l'attribution d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou d'une convention d'occupation précaire avec astreinte ont été fixées par deux arrêtés successifs des 5 juin 2015 et 23 décembre 2015, applicables respectivement jusqu'au 31 décembre 2015 et 31 décembre 2020. Il ressort de ces dispositions que l'ENS a été autorisée à concéder un logement par nécessité absolue de service à neuf agents assurant une astreinte concernant la sécurité des biens, des personnes, des animaux et des expérimentations scientifiques et à douze agents assurant une fonction de gardiennage jusqu'au 31 décembre 2015, liste réduite à huit agents assurant une astreinte et à neuf agents assurant une fonction de gardiennage répartis sur les sites de Paris et Montrouge jusqu'au 31 décembre 2020. Par ailleurs, une convention d'occupation précaire avec astreinte était attribuée au directeur de l'ENS ou à un responsable en charge de la sécurité et de la continuité de l'activité du site, liste élargie à deux responsables par l'arrêté du 23 décembre 2015.
15. Il est constant que M. B... n'assurait aucune astreinte concernant la sécurité des biens ou des personnes et n'avait aucune fonction de gardiennage en qualité de responsable du pôle hébergement. Il ne résulte d'aucune pièce que ses fonctions auraient impliqué qu'il soit logé par nécessité absolue de service. En particulier, il ne justifie pas, par les très nombreux courriels qu'il produit, que son poste aurait nécessité qu'il soit tenu d'intervenir sur site en dehors de ses heures de service ou à l'occasion de périodes de congés, pour répondre à des besoins spécifiques, accueillir de nouveaux arrivants durant les week-ends, résoudre des incidents ordinaires ou faire face à des évènements particuliers. Par ailleurs, la circonstance que l'un de ses collègues aurait disposé d'un logement et ne serait pas intervenu à l'occasion d'un incident au cours d'une de ses astreintes, n'a aucune incidence sur le droit à disposer d'un logement que M. B... ne peut légalement revendiquer. Par suite, l'absence de mise à disposition d'un logement de fonction n'étant constitutive d'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'ENS, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.
S'agissant de la perte de chance de nomination au tour extérieur dans le corps des administrateurs civils au titre de l'année 2019 :
16. Aux termes de l'article 5 du décret du 16 novembre 1999 portant statut particulier des administrateurs civils, alors en vigueur : " Les administrateurs civils sont recrutés parmi les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration ; ils sont nommés et titularisés en cette qualité à compter du lendemain du dernier jour de leur scolarité à l'école. / En outre, peuvent être nommés au choix dans le corps des administrateurs civils des fonctionnaires titulaires d'un corps de catégorie A ou assimilé de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Les nominations prévues au deuxième alinéa de l'article précédent sont prononcées après inscription sur une liste d'aptitude établie par ordre alphabétique par le ministre chargé de la fonction publique sur avis d'un comité de sélection interministériel rendu après examen des titres professionnels des intéressés. (...) / L'examen des titres prévu à l'alinéa précédent comprend : / 1° Un examen par le comité de sélection du dossier de chaque candidat ; / 2° Une audition par le comité de sélection de ceux des candidats dont les mérites sont jugés satisfaisants à l'issue de cet examen. / (...) Un arrêté du ministre chargé de la fonction publique fixe, d'une part, les modalités de l'examen des titres professionnels et de l'établissement de la liste d'aptitude prévue ci-dessus, d'autre part, l'organisation et le fonctionnement du comité de sélection interministériel qui comprend des membres ayant voix délibérative et des membres ayant voix consultative ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2010 susvisé, alors en vigueur : " Pour chaque candidat, les administrations intéressées constituent un dossier, le cas échéant, en liaison avec les administrations auprès desquelles l'agent est détaché ou dont il relève pour l'exercice de ses fonctions, si ce dernier n'est pas présenté directement par
celles-ci. Elles produisent les évaluations qu'il a obtenues au titre des cinq dernières années, une appréciation motivée et circonstanciée sur sa manière de servir, sur les emplois qu'il a occupés, sur ses aptitudes à exercer les fonctions d'administrateur civil et sur le type de mission qu'il semble le mieux à même d'assumer. Elles y joignent les éléments rédigés par le candidat, à savoir : / 1° Un curriculum vitae ; / 2° Une lettre de motivation ; / 3° Un rapport présentant une réalisation professionnelle de son choix ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Le comité de sélection examine les dossiers mentionnés à l'article 2 du présent arrêté en appréciant, pour chaque candidat, son parcours professionnel antérieur, sa motivation et son aptitude à exercer les missions dévolues aux membres du corps des administrateurs civils, telles que définies à l'article 1er du décret du 16 novembre 1999 susvisé. Il tient compte, notamment, des fonctions d'encadrement ou d'expertise déjà exercées par les candidats ".
17. Il est constant que M. B..., attaché d'administration principal, remplissait les conditions statutaires pour présenter sa candidature au tour extérieur des administrateurs civils au titre de l'année 2019. Il résulte toutefois des dispositions précitées que les nominations à ce grade se font exclusivement au choix à la suite d'un processus de sélection et ne confèrent en conséquence aucun droit à une nomination. Si l'appréciation portée par son supérieur hiérarchique sur sa manière de servir jointe à son dossier de candidature, retient qu'en dépit de ses qualités rédactionnelles et d'expression orale, il présente une " difficulté à prendre des décisions ", des " absences d'initiatives et une certaine réticence au changement et à la conduite des projets ", qu'il montre peu d'aisance dans le travail collaboratif et doit " améliorer sa communication avec d'autres services ", son dossier de candidature comportait également les évaluations professionnelles des cinq dernières années, son curriculum vitae, une lettre de motivation et un rapport présentant une réalisation professionnelle de son choix, l'ensemble de ces éléments étant pris en considération par le comité de sélection. Par suite, M. B... n'établit pas que l'appréciation de son supérieur hiérarchique aurait été déterminante dans la sélection opérée par le comité qui a écarté sa candidature pour ne retenir que 64 candidats auditionnés sur 236 qui se sont présentés et que cette appréciation aurait eu pour conséquence de le priver d'une chance sérieuse de réussite au concours d'administrateur civil au tour extérieur au titre de l'année 2019 à l'issue duquel seuls 32 nominations ont été prononcées. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. B... présentées à ce titre doivent être rejetées.
S'agissant du préjudice résultant du harcèlement moral :
18. Si M. B... soutient que la situation de harcèlement moral qu'il a subie depuis son affectation sur le poste de responsable des archives institutionnelles doit être indemnisée à hauteur de 40 000 euros en application du principe de réparation intégrale, il n'apporte à l'appui de ses écritures aucun élément de fait ou de droit nouveau, dont la charge lui incombe, de nature à établir qu'en indemnisant le préjudice moral résultant des conditions d'exercice de cette fonction à hauteur de 3 000 euros, les premiers juges n'auraient pas fait une juste appréciation de ce préjudice.
19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'ENS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a retenu sa responsabilité et l'a condamnée, en conséquence, à verser à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et, d'autre part, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par ce même jugement, l'indemnisation qui lui a été accordée a été limitée à cette somme et que le surplus de ses conclusions a été rejeté.
Sur les frais liés aux instances :
20. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par M. B... à l'appui de l'instance n° 23PA01258 ou de l'ENS à l'appui de l'instance n° 23PA01278 doivent être rejetées. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge M. B... ou de l'ENS, à l'appui respectivement des instances n° 23PA01278 et n° 23PA01258, les sommes demandées au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 23PA01258 et n° 23PA01278 présentées par M. B... et par l'ENS sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'ENS à l'appui de l'instance n° 23PA01258 et par M. B... à l'appui de l'instance n° 23PA01278 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'école normale supérieure.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01258-23PA01278