La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2025 | FRANCE | N°23PA04058

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA04058


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle à hauteur de la somme de 48 640 euros des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016, outre les intérêts et majorations dont ces cotisations ont été assorties.



Par un jugement n° 2106541 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
<

br>



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle à hauteur de la somme de 48 640 euros des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2016, outre les intérêts et majorations dont ces cotisations ont été assorties.

Par un jugement n° 2106541 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre 2023 et 7 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Pescayre, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juillet 2023 ;

2°) de prononcer la décharge à hauteur de 48 640 des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016 ainsi que des intérêts et majorations correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- aucun des critères fixés à l'article 4 B du code général des impôts, tels qu'interprétés aux paragraphes 100, 120 à 150 et 170 par la documentation administrative référencée

BOI-IR-CHAMP-10-20160728, ne permettait de retenir qu'elle était résidente fiscale en France depuis le 15 août 2016, date de son installation en Hongrie ;

- conformément aux dispositions des articles 150-0 A et 244 bis C du code général des impôts, seules les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées préalablement à son départ pour la Hongrie correspondant à la somme de 27 291 euros pouvaient être imposées en France au titre de l'impôt sur le revenu et par voie de conséquence être soumises aux contributions sociales afférentes à hauteur de 37 197 euros ;

- l'administration ne démontre pas le caractère délibéré du manquement constaté ;

- à titre subsidiaire, la substitution de base légale demandée par le ministre n'est pas fondée, faute pour l'administration de démontrer l'existence de plus-values latentes devant donner lieu à une déclaration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les plus-values réalisées par l'intéressée et réalisées en France devront être imposées en application de l'article 167 bis du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Pescayre, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., domiciliée en Hongrie depuis le 15 août 2016, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre suivant, à l'issue duquel des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, à raison de plus-values sur des cessions de valeurs mobilières, assortis des pénalités pour manquement délibéré, lui ont été notifiés au titre de cette année par une proposition de rectification du 1er juin 2018. Par la présente requête, Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie, ainsi que des intérêts et majorations dont ces cotisations ont été assorties.

En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code, dans sa version applicable au litige : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme B..., employée par la société MSX International, a été détachée à Budapest à compter du 1er septembre 2016 pour y occuper un poste de chef de projet pour une durée de deux ans. Si Mme B... a conservé un logement dont elle est demeurée propriétaire à Paris et a continué à s'acquitter de la taxe foncière afférente à cet appartement, il est toutefois constant qu'à compter du mois de septembre 2016, elle a résidé de manière permanente à Budapest avec son mari qui a cessé son activité professionnelle en France et avec ses enfants qui ont été scolarisés en Hongrie. En revanche, il résulte également de l'instruction et des propres écritures de l'intéressée, qu'à compter de cette période, les ressources financières de son foyer fiscal ont été constituées par son activité salariée. L'ensemble de ses rémunérations provenaient d'une société française dont le siège social est situé dans le département des Hauts-de-Seine et étaient par suite de source française, peu importe que l'activité à l'origine de ces rémunérations ait été exercée en Hongrie et que les salaires versés à compter du mois de septembre 2016 auraient été crédités sur un compte bancaire qui ne serait pas situé en France. Mme B... a par ailleurs disposé au cours de cette année 2016 d'un patrimoine financier notamment au travers de ses comptes-titres ouverts en France auprès des banques HSBC et BNP Paribas dont elle a perçu des plus-values de cession à hauteur de la somme globale de 94 300 euros. Si elle fait valoir qu'elle détient ces comptes-titres en qualité de nu-propriétaire, et que le produit des cessions est appréhendé par l'usufruitier, susceptible d'être redevable de l'impôt sur les plus-values de cessions selon les énonciations de la doctrine

BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60, paragraphe 180, il résulte de l'instruction qu'elle est titulaire et bénéficiaire des comptes-titres ouverts auprès des banques HSBC et BNP et qu'au demeurant elle ne justifie pas avoir fait application des conditions prévues par la doctrine mentionnée. Dans ces conditions, Mme B..., qui ne justifie pas par la seule production d'une attestation de son employeur établie le 4 décembre 2020 être résidente fiscale en Hongrie et qui n'entend pas se prévaloir des stipulations de la convention conclue entre la France et la Hongrie, doit être regardée comme ayant conservé le centre de ses intérêts économiques en France tout au long de cette année 2016 et, de ce seul fait, comme ayant son domicile fiscal en France au sens du c. du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.

4. En second lieu, à supposer que Mme B... ait entendu se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 100, 120 à 150 et 170 de la documentation administrative référencée

BOI-IR-CHAMP-10-20160728, ces commentaires ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente et ne peuvent par suite être valablement invoquées.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 244 bis C du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 244 bis B, les dispositions de l'article 150-0 A ne s'appliquent pas aux plus-values réalisées à l'occasion de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux effectuées par les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, ou dont le siège social est situé hors de France, ainsi qu'aux plus-values réalisées par ces mêmes personnes lors du rachat par une société émettrice de ses propres titres (...) ".

6. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 3 que Mme B... doit être regardée comme ayant conservé son domicile fiscal en France au cours de l'année 2016. Par voie de conséquence, elle ne peut utilement soutenir que seules les plus-values de cessions de valeurs mobilières réalisées en 2016 au travers de ses comptes-titres ouverts en France auprès des banques HSBC et BNP Paribas avant son départ en Hongrie étaient susceptibles d'être imposables en France et soumises à due concurrence aux prélèvements sociaux en application des dispositions précitées de l'article 244 bis C du code général des impôts. De même, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la requérante doit être regardée comme ayant conservé son domicile fiscal en France au sens des dispositions précitées du code général des impôts, les contributions sociales en litige étaient dues en France à raison de la totalité des plus-values de cessions de titre réalisées au cours de l'année 2016.

En ce qui concerne les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. Pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration a retenu à l'appui de la proposition de rectification adressée à Mme B... le 1er juin 2018, le montant des cessions de valeurs mobilières réalisées à hauteur de 449 173 euros et de 1 288 671 euros qui n'ont été ni déclarées, ni signalées à l'appui de la déclaration d'ensemble des revenus du foyer de l'année 2016, alors même qu'elle ne pouvait ignorer la nécessité de cette déclaration pour y avoir procédé spontanément au titre des années 2014 et 2015. Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer le caractère délibéré du manquement qui lui est reproché, alors même que Mme B... a pu légitimement estimer que, dès son départ de France, elle cessait d'y être fiscalement domiciliée ainsi qu'en avait attesté son employeur, qu'elle a procédé à la déclaration de ses revenus perçus en France antérieurement à son installation en Hongrie et a également signalé son changement d'adresse à l'administration fiscale. Dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe, du bien-fondé des pénalités de 40 % pour manquement délibéré prononcées à l'encontre de Mme B....

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de base légale demandée par l'administration fiscale, que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assorties les impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dès lors que Mme B... ne justifie pas avoir exposé des dépens dans la présente instance, ses conclusions tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Mme B... est déchargée des pénalités mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n° 2106541 du tribunal administratif de Paris en date du 20 juillet 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 janvier 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04058
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL ALERION

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa04058 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award