Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Rosa a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la mise en demeure de payer et la saisie administrative à tiers détenteur respectivement émises les 18 et 8 février 2022 pour le recouvrement d'une somme de 28 393,26 euros au titre d'une amende fiscale, d'un rehaussement d'impôt sur les sociétés, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les voitures particulières de société et la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 2217435 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande en la déchargeant de l'obligation de payer la somme de 28 393,26 euros et a mis à la charge de l'Etat le somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête et un mémoire qui n'a pas été communiqué, enregistrés sous le n° 23PA04664 les 13 novembre 2023 et 13 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 septembre 2023 ;
2°) de rétablir la SAS Rosa dans son obligation de payer la créance fiscale en litige et de remettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.
Il soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit ;
- c'est à tort que les juges de première instance ont retenu que les actes de poursuites adressés sous plis simples à l'adresse habituelle de la société n'avaient pas été régulièrement notifiés ;
- aucune disposition du livre des procédures fiscales ou du code de procédure civile n'impose une notification sous pli recommandé des actes de poursuites ;
- aucune des sommes dont le recouvrement est recherché n'est prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2024, la SAS Rosa, représentée par Me Labé et Me Noël, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'administration fiscale ne sont pas fondés.
II- Par une requête et un mémoire qui n'a pas été communiqué, enregistrés sous le n° 23PA04665 les 13 novembre 2023 et 13 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2217435 du 26 septembre 2023.
Il soutient que les moyens de sa requête d'appel sont de nature à justifier le sursis à exécution du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande de première instance présentée par la SAS Rosa.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2024, la SAS Rosa, représentée par Me Labé et Me Noël, avocats, conclut au rejet de la demande de sursis à exécution et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'en l'absence de moyens de nature à remettre en cause le jugement de première instance, les conditions ne sont pas réunies pour faire droit à la demande de sursis à exécution de l'administration.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une saisie administrative à tiers détenteur du 8 février 2022 et une mise en demeure de payer du 18 février 2022, l'administration a poursuivi le recouvrement d'une amende fiscale, d'un rehaussement d'impôt sur les sociétés, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les voitures particulières de société restant dus par la SAS Rosa au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, pour un montant total de 28 393,26 euros, mis en recouvrement les 15 janvier 2014 et 10 juin 2014. L'opposition à poursuites formée le 5 avril 2022 par la société, a été rejetée par l'administration par une décision du 3 juin 2022, après correction d'erreurs dans l'affectation des sommes dues et reconnaissance du paiement intégral de l'amende fiscale. Par la présente requête, le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique relève régulièrement appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la SAS Rosa tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme dont le recouvrement est recherché par le comptable des finances publiques et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.
Sur la requête n° 23PA04664 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité, le bien-fondé des impositions en litige et leur exigibilité. Par suite, si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit, un tel moyen, qui ne critique pas la régularité du jugement, est inopérant.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". Aux termes de l'article L. 262 du même livre : " Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser, aux lieu et place des redevables, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables ". Un avis à tiers détenteur ne peut interrompre la prescription que ces dispositions prévoient qu'à la condition d'avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu'au redevable concerné.
4. Pour faire droit à la demande de décharge de l'obligation de payer la somme totale de 28 393,26 euros présentée par la SAS Rosa, les juges de première instance ont relevé que le délai de prescription des rappels de taxe sur les voitures particulières des sociétés commençait à courir au lendemain de la notification à la société, le 15 janvier 2014, de leur mise en recouvrement, soit le 16 janvier 2014. S'agissant des rehaussements d'impôt sur les sociétés et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement le 10 juin 2014, ce délai débutait le 11 juin 2014 au lendemain de la notification des avis de mise en recouvrement du 22 mai 2014 à la SAS Rosa. Ils ont retenu que l'administration fiscale ne démontrait pas que les actes de poursuites émis ultérieurement avaient pu interrompre le délai de prescription, par la seule circonstance qu'ils étaient présumés avoir été effectivement reçus pour avoir été adressés par courriers simples à l'adresse connue de la SAS Rosa et par suite que le paiement des sommes dues par la société n'était plus exigible à la date de l'émission de la saisie administrative à tiers détenteur du 8 février 2022 et de la mise en demeure de payer établie 18 février suivant.
5. Si aucune disposition législative ou règlementaire n'impose l'envoi sous pli recommandé des actes de poursuites susceptibles d'interrompre le délai de prescription, il n'en demeure pas moins que l'administration est tenue de justifier de la notification au contribuable des avis à tiers détenteurs auprès desquels elle recherche le paiement des sommes dont il resterait redevable. Il résulte de l'instruction que pour obtenir le recouvrement des rappels de taxe sur les voitures particulières des sociétés, l'administration a adressé à la SAS Rosa trois notifications d'avis à tiers détenteurs les 1er août 2014, 21 avril 2017 et 2 mars 2018. Elle a également adressé deux actes de même nature les 2 mars 2018 et 12 février 2019 pour recouvrer les sommes dues au titre des redressements d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, l'administration ne démontre par aucune pièce justificative que ces actes ont été notifiés à la société qui conteste les avoir réceptionnés. A ce titre, la circonstance que la SAS Rosa disposerait d'une adresse unique qui n'aurait jamais été modifiée et qu'elle serait par suite présumée avoir reçu ces courriers adressés sous plis simples, ne permet pas de démontrer leur réception effective. Par suite, quelles que soient les modalités d'envoi de ces actes, faute de toute pièce justificative démontrant la réception ou la notification régulière à la société d'un acte de poursuites dans un délai de quatre ans suivant les dates des 16 janvier 2014 et 11 juin 2014 mentionnées au point précédent, l'action en recouvrement était prescrite lorsque la comptable des finances publiques a recherché par une saisie administrative à tiers détenteur du 8 février 2022 le recouvrement des sommes restant dues, puis en l'absence d'avoirs saisissables, a mis en demeure la SAS Rosa de payer ces sommes par un courrier du 18 février 2022.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande présentée par la SAS Rosa tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 28 393,26 euros et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance. Sa requête doit par suite être rejetée.
Sur la requête n° 23PA04665 :
7. Dès lors qu'il est statué sur le recours n° 23PA04664 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, son recours n° 23PA04665 tendant au sursis à exécution du jugement entrepris est privé d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SAS Rosa sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu à statuer sur la requête n° 23PA04665 présentée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Article 2 : La requête n° 23PA04664 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société par actions simplifiée (SAS) Rosa au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS Rosa est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Rosa.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Pôle gestion fiscale).
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le17 janvier 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04664-23PA04665