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17/01/2025 | FRANCE | N°23PA04961

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA04961


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Gan Assurances a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à lui verser la somme de 824 693,805 euros, sous réserve de certains postes de préjudice, en réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans la prise en charge de M. A..., dans les droits duquel elle est subrogée ainsi que dans ceux de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, et la somm

e de 12 150 euros au titre des frais d'instance versés en exécution des décisions re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gan Assurances a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à lui verser la somme de 824 693,805 euros, sous réserve de certains postes de préjudice, en réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans la prise en charge de M. A..., dans les droits duquel elle est subrogée ainsi que dans ceux de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, et la somme de 12 150 euros au titre des frais d'instance versés en exécution des décisions rendues par le juge judiciaire et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire.

Par un jugement n° 2005315 du 4 octobre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 27 septembre 2024, la SA Gan Assurances, représentée par Me de Laforcade, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre principal, de condamner le CHI Robert Ballanger à lui verser la somme de 916 326,45 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans la prise en charge de M. A..., dans les droits duquel elle est subrogée ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHI Robert Ballanger à lui verser la somme de 824 693,80 euros après application du taux de perte de chance de 90% ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner avant dire-droit une expertise complémentaire ;

5°) de condamner le CHI Robert Ballanger à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la faute technique initiale consistant en une mise en place d'un clou centromédullaire de taille trop importante, à l'origine d'une fracture iatrogène du tiers proximal du tibia et d'un saignement expliquant l'apparition du syndrome des loges dont M. A... a été victime ;

- le syndrome des loges développé par M. A... n'a pas été diagnostiqué à temps et un retard de prise en charge est imputable au CHI Robert Ballanger ; c'est à tort que le tribunal administratif a cru pouvoir écarter les conclusions expertales sans leur opposer d'élément médical circonstancié ;

- le CHI Robert Ballanger est responsable de l'intégralité des préjudices de

M. A... ; à titre subsidiaire, le taux de perte de chance doit être fixé à 90% et non à 50% comme l'a retenu l'expert dès lors qu'il a omis de se prononcer, comme il en avait pourtant la mission, sur la faute technique initiale ;

- en qualité de subrogée dans les droits de M. A... et de la CPAM, elle est fondée à demander le remboursement des sommes suivantes, après application du taux de 90% :

- au titre de la créance de la CPAM : 273 373,38 euros de dépenses de santé et 381,06 euros de frais de transport ;

- au titre des préjudices de la victime directe : 1 188 euros de frais divers, 29 581,20 euros d'assistance temporaire par une tierce personne, 3 591 euros de préjudice scolaire, universitaire et de formation, 41 250,069 euros de perte de gains professionnels actuels, 9 371,15 euros de créance de la caisse et 52 087,761 euros de dépenses de santé futures, 213 485,18 euros de frais futurs d'assistance par une tierce personne, 11 907 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 45 000 euros pour les souffrances endurées, 4 500 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 111 078 euros pour le déficit fonctionnel permanent, 9 000 euros pour le préjudice esthétique permanent, 9 000 euros pour le préjudice sexuel ;

- au titre des préjudices des victimes indirectes : 4 500 euros pour l'épouse de la victime directe et 2 700 euros pour chacun de ses parents ;

- au titre des frais irrépétibles et dépens prononcés par le juge judiciaire : 12 150 euros ;

- sont réservés les postes relatifs aux dépenses de santé futures concernant les prothèses de base, prothèse de ski et fauteuil roulant, les frais de logement adapté, l'incidence professionnelle ;

- à titre subsidiaire, une expertise doit être ordonnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 août 2024, le Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, représenté par Me le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Serrano, représentant la société Gan Assurances.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 octobre 2011, M. B... A..., alors âgé de 24 ans, a été victime d'un accident de moto sur un circuit, à l'occasion d'un cours de conduite dispensé par la société Zebra Moto Ecole. Le jour même, il a été conduit aux urgences du centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois où a été constatée une " fracture comminutive ouverte Cauchoix 2, de dedans en dehors, du quart inférieur de la jambe droite sans trouble vasculo-nerveux ". M. A... a subi dans le service d'orthopédie une intervention chirurgicale consistant en une ostéosynthèse par clou centromédullaire. Les suites ont été compliquées par la survenue d'une ischémie aiguë marquée par des troubles vasculo-nerveux et une hypoesthésie du gros orteil droit. Devant les suspicions de lésions vasculaires, il a été transféré le 21 octobre 2011 à l'hôpital Pitié-Salpêtrière et, après avoir subi dix opérations en deux ans, il a été, le 5 avril 2013, au cours d'une onzième opération, amputé de la partie trans-tibiale de sa jambe droite.

2. Par jugement du 30 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la société Zebra Moto Ecole entièrement responsable de l'accident survenu à

M. A..., a condamné solidairement cette société et son assureur, la société Gan Assurances, à réparer l'entier préjudice de M. A..., les a condamnés solidairement à payer, à titre de provision, 30 000 euros à la victime et 293 948, 26 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion, et a ordonné une expertise réalisée par le docteur C..., chirurgien orthopédique et traumatique. Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné solidairement la société Zebra Moto Ecole et la société Gan Assurances à verser la somme totale de 563 537,90 euros, provisions non déduites, à M. A..., la somme de 11 000 euros aux victimes indirectes et la somme totale de 314 160,59 euros à la CPAM de Paris ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion. La cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 30 mars 2023, confirmé ce jugement, sauf en ce qui concerne l'évaluation de certains postes de préjudice.

3. La société Gan Assurances a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à la suite du rejet de sa demande préalable le 25 mai 2020, de condamner le CHI Robert Ballanger à la rembourser des sommes versées à M. A..., ses proches et à la CPAM de Paris. Par un jugement avant dire-droit du 15 février 2022, le tribunal a notamment ordonné une expertise médicale afin d'évaluer si la prise en charge de M. A... par le CHI Robert Ballanger était conforme aux règles de l'art. Par ordonnance du 3 mai 2022, le tribunal a désigné le docteur C... en qualité d'expert. Son rapport d'expertise a été déposé le 9 novembre 2022. Par un jugement du 4 octobre 2023, dont la société Gan Assurances relève appel, le tribunal a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation du CHI Robert Ballanger à lui verser la somme de 824 693,805 euros, sous réserve de certains postes de préjudice, en réparation des conséquences dommageables des fautes commises dans la prise en charge de M. A....

Sur la responsabilité du CHI Robert Ballanger :

4. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

Sur la faute technique :

5. La société GAN soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la faute technique initiale commise par les équipes médicales du CHI Robert Ballanger consistant, lors de l'ostéosynthèse réalisée le 18 octobre 2011, en la mise en place d'un clou centromédullaire de taille trop importante, à l'origine d'une fracture iatrogène du tiers proximal du tibia et d'un saignement expliquant l'apparition du syndrome des loges dont

M. A... a été victime. S'il résulte de l'instruction, notamment des clichés photographiques ainsi que du compte-rendu opératoire, que la mise en place du clou centromédullaire a été compliquée et que ces difficultés ont généré un effet de distraction du foyer de la fracture, l'expert n'a pas retenu de faute technique ni de lien de causalité directe entre cet incident per-opératoire et l'apparition ultérieure chez le patient du syndrome des loges, à l'origine de ses dommages. Par suite, la société appelante n'établit pas l'existence d'une faute technique de nature à engager la responsabilité du CHI Robert Ballanger.

Sur le retard de diagnostic :

6. La société GAN soutient que c'est également à tort que le tribunal administratif a écarté la fauté liée au retard de diagnostic du syndrome des loges commise par les équipes médicales du CHI Robert Ballanger. Il résulte de l'instruction, notamment des comptes-rendus de visite retranscrits dans l'expertise, que M. A..., pris en charge au CHI Robert Ballanger le 18 octobre 2011 à 16 h 47 et opéré à 20 h 40 le jour même, a présenté une hypoesthésie plantaire le 19 octobre 2011, qu'il n'était pas douloureux avant le lendemain,

20 octobre, lors de la visite à 18 h 30 au cours de laquelle l'hypothèse d'un syndrome des loges a été évoquée et la décision a été prise de cesser l'administration de morphine afin de ne pas masquer l'apparition d'un tel syndrome. Après cette visite, M. A... a fait l'objet d'une surveillance étroite et dès les premiers signes vasculaires le lendemain 21 octobre à 1 h 45 du matin, le service de référence de chirurgie vasculaire de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière a été contacté par téléphone et a donné pour consignes de surveiller le patient sans ordonner son transfert immédiat, écartant l'hypothèse d'un syndrome des loges. Toutefois, M. A... a été transféré à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à 7 h 30 en raison de la dégradation de son état de santé. Il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise que, compte tenu du tableau clinique présenté par M. A... dans les suites opératoires caractérisé par une hypoesthésie plantaire le 19 octobre, une hypoesthésie du gros orteil et perte de sensibilité de quatre orteils le 20 octobre sans amélioration, les équipes médicales ont commis une faute en écartant le risque de syndrome des loges et en adoptant une attitude qualifiée par l'expert d' " attentiste ", notamment au cours des six heures de surveillance du malade entre l'appel téléphonique et son transfert à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière. Cette absence de réactivité face à la dégradation du tableau clinique et alors que les conséquences du retard dans la prise en charge du syndrome des loges étaient connues des équipes, est constitutive d'une faute médicale. Dans les circonstances de l'espèce, ce retard de diagnostic est à l'origine d'une perte de chance pour M. A... d'éviter le syndrome des loges dont il a été victime, qui doit être fixée, ainsi que l'a notamment estimé l'expert, à 50%.

Sur le remboursement des indemnités versées par la société GAN Assurances :

S'agissant des préjudices patrimoniaux de la victime directe :

En ce qui les dépenses de santé avant consolidation :

7. En premier lieu, la CPAM de Paris a justifié par la production d'un relevé de ses débours avoir exposé des dépenses strictement imputables aux complications subies par

M. A... du fait du syndrome des loges dont il a été victime, déduction faite des frais relatifs au mois d'hospitalisation qu'il aurait subi du fait de son accident même en l'absence de faute mais sans qu'il y ait lieu d'écarter les frais liés à la période de rééducation dès lors qu'il n'est pas établi qu'en l'absence de faute cette rééducation se serait déroulée en hôpital de jour ou dans un centre spécialisé. Il y a lieu en conséquence de retenir au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport exposés par la CPAM au bénéfice de M. A... en relation avec les complications subies une somme totale de 255 399,90 euros.

8. En second lieu, il y a lieu de faire droit à la demande de remboursement de la somme de 432,40 euros correspondant aux frais de santé restés à la charge de M. A... et mis à la charge de la société GAN Assurances.

En ce qui concerne les frais divers :

9. M. A... a justifié, par la production d'une facture, avoir exposé des frais d'assistance par un médecin-conseil à l'occasion de la procédure devant le juge judiciaire et en lien avec la faute commise. Il y a lieu de faire droit à la demande de la société Gan Assurances de remboursement de la somme 1 320 euros.

En ce qui les dépenses de santé après consolidation :

10. La CPAM justifie avoir exposé des frais en lien avec les séquelles résultant de l'amputation pour un montant total de 10 412,32 euros. La société GAN Assurances est fondée à en demander le remboursement.

11. S'agissant des dépenses restées à la charge de M. A..., il y a également lieu de faire droit à la demande de la société Gan Assurances de remboursement de la somme de 57 375,29 euros correspondant au coût du renouvellement d'un appareil walk et d'une prothèse de natation, dépenses en lien direct avec les complications subies.

En ce qui concerne l'aide par une tierce personne avant consolidation :

12. Il résulte de l'expertise que l'état de santé de M. A... a nécessité l'aide d'une tierce personne à hauteur de 4 heures par jour durant les périodes d'hospitalisation à domicile, soit du 27 février au 19 mars 2012 (20 jours), du 30 mars au 29 novembre 2012 (240 jours) puis de 2 heures par jour du 20 juillet au 31 décembre 2013 (164 jours). Sur la base d'un taux horaire de 18 euros et d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme 27 776 euros.

En ce qui concerne l'aide par une tierce personne après consolidation :

13. Pour la période post-consolidation, l'expert a retenu un besoin d'aide à la tierce personne à hauteur de 1 heure par semaine en relevant que les téguments du moignon étaient satisfaisants chez un adulte. Néanmoins, le juge judiciaire a retenu une aide de 3 heures par semaine au motif que M. A... ne peut porter de charges lourdes ni maintenir une position debout prolongée du fait de sa prothèse.

14. Sur la base d'un taux horaire de 18 euros et d'une année de 412 jours, soit

59 semaines afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2024, l'aide par une tierce personne doit être évaluée à la somme de 31 860 euros.

15. Pour la période postérieure au présent arrêt, les frais liés à cette assistance s'élèvent à 3 186 euros en année pleine. Sur la base du montant de l'euro de rente fixé par le barème publié par la Gazette du Palais 2022 pour un homme âgé de 37 ans à la date de liquidation (55,670), les frais capitalisés s'élèvent à la somme de 177 365 euros.

En ce qui concerne le préjudice universitaire et de formation :

16. Il résulte de l'instruction qu'au moment de son accident, M. A... était étudiant en dernière année de cycle ingénierie à l'école Supinfo et qu'en raison des complications subies en lien avec la faute commise, il n'a pu se présenter à la session d'examen de fin d'études de décembre 2011 et a été contraint de se réinscrire au titre de l'année 2012-2013 pour achever sa formation. Si le CHI Robert Ballanger soutient que même en l'absence de complications, l'hospitalisation d'un mois de M. A... du fait de son accident aurait fait obstacle à ce qu'il puisse passer cet examen, il n'établit pas que cette hospitalisation, qui aurait dû prendre fin à la mi-novembre 2011, aurait fait obstacle à ce que l'intéressé se présente à sa session d'examens en décembre 2011. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Gan Assurances de remboursement de la somme 2 229,89 euros correspondant aux frais d'inscription au titre de l'année 2012-2013. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de remboursement des frais d'achat d'un ordinateur qui ne présentent pas de lien avec les complications subies par M. A....

En ce qui concerne les pertes de gains professionnels :

17. Il résulte de l'instruction que M. A... a effectué son stage de fin d'étude au sein de la société Isiprint. Si la société Gan Assurances soutient que l'intéressé aurait été recruté par cette société dès janvier 2012 en l'absence des complications subies, elle se borne à produire une attestation de l'ancien directeur de la société Isiprint établie plus de dix ans après les faits qui ne permet pas, à elle seule, d'établir que M. A... aurait été embauché dès janvier 2012. Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de la société Gan Assurances de remboursement des sommes exposées au titre de la perte de gains professionnels subie par M. A....

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux de la victime directe :

En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :

18. Il résulte de l'instruction que l'expert a retenu que M. A... a subi un déficit fonctionnel total durant ses périodes d'hospitalisation, auxquelles il convient de retrancher la période d'un mois d'hospitalisation qu'il aurait subie même sans faute, soit 190 jours, de

75 % durant l'hospitalisation de jour, soit 263 jours et de 50 % du 20 juillet au 31 décembre 2013, soit 165 jours. Sur la base d'un montant journalier fixé à 16 euros, il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme totale de 7 516 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

19. Il résulte de l'instruction que l'expert a évalué à 33% le déficit fonctionnel permanent dont reste atteint M. A..., en précisant que sans le retard de diagnostic, il aurait été de 8%. Il sera fait une juste appréciation du préjudice imputable à la faute commise, compte tenu de l'âge de M. A... à la date de la consolidation fixée au 1er janvier 2014, en l'évaluant à la somme de 25 000 euros.

En ce qui concerne les souffrances endurées :

20. Il résulte de l'instruction que l'expert a évalué les souffrances endurées par

M. A... du fait des complications et des onze opérations subies à 6 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 20 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice esthétique :

21. Il résulte de l'instruction que l'expert a évalué les préjudices esthétiques temporaire et définitif subis par M. A... respectivement à 4, 7 et 3 sur une échelle allant de 1 de 7. Il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en les évaluant à la somme globale de 5 500 euros.

En ce qui concerne le préjudice sexuel :

22. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi par M. A... en l'évaluant à la somme de 6 000 euros.

S'agissant des préjudices des victimes indirectes :

23. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'épouse et les parents de M. A... du fait des souffrances endurées et du handicap subi par ce dernier, en l'évaluant respectivement à 5 000 euros et 3 000 euros chacun.

24. Il résulte de tout ce qui précède que compte tenu du taux de perte de chance de 50% retenu au point 4 du présent arrêt, le CHI Robert Ballanger doit être condamné à rembourser à la société Gan Assurances la somme de 180 527,29 euros s'agissant des préjudices subis par M. A..., de 2 500 euros s'agissant des préjudices subis par son épouse, de 3 000 euros s'agissant des préjudices subis par ses deux parents et de la somme de 132 906,11 euros au titre des débours de la CPAM. Il y a lieu en outre d'ajouter à ces sommes le remboursement à la société GAN Assurances de la somme 1 320 euros au titre des frais d'assistance par un médecin-conseil de M. A... citée au point 4 du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'appliquer à ces frais le taux de perte de chance.

S'agissant de la demande de remboursement des frais irrépétibles et dépens exposés par la société Gan Assurances devant le juge judiciaire :

25. Il y a lieu de rejeter la demande de remboursement de la somme de 12 150 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens exposés par la société appelante devant le juge judiciaire, dès lors que ces frais ont été exposés en raison de l'accident subi par son assuré et non en raison de la faute commise par l'hôpital.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le CHI Robert Ballanger doit être condamné à rembourser à la société GAN Assurances la somme totale de 320 253,40 euros.

Sur les dépens :

27. En application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée le 15 février 2022, taxés et liquidés à la somme de 4 703,60 euros par ordonnance du 5 septembre 2023, à la charge définitive du CHI Robert Ballanger.

Sur les frais de l'instance :

28. Il y a lieu de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger, partie perdante dans la présente instance, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2005315 du 4 octobre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Le CHI Robert Ballanger versera à la société GAN Assurances la somme totale 320 253,40 euros.

Article 3 : Le CHI Robert Ballanger versera à la société GAN Assurances une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée le 15 février 2022, taxés et liquidés à la somme de 4 703,60 euros, sont mis à la charge définitive du CHI Robert Ballanger.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GAN Assurances est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à conseil d'administration Gan Assurances et au centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Delage, président de chambre,

Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

La rapporteure,

M. JULLIARD

Le président,

Ph. DELAGE Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04961 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04961
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : CLF

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa04961 ?
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