Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2317444 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 20 avril 2024, 8 mai 2024 et 14 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mars 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
4°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut de procéder à un réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement cette somme.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police d'établir que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis sur la base d'un rapport établi par un médecin de l'office et le caractère régulier de la composition de ce collège ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît l'article 6-7 de cet accord ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 15 août 1980, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 13 juin 2023, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours. Par une ordonnance du 8 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cette décision, a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de Mme A... et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Par la présente requête, Mme A... relève régulièrement appel du jugement du 20 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2023.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Par une décision du 5 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... B..., attachée d'administration de l'Etat et adjointe à la cheffe de la division de l'immigration familiale, qui bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023 signé par le préfet de police et publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente, doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. D'une part, l'arrêté attaqué qui vise les dispositions dont il est fait application, indique avec suffisamment de précisions les circonstances de fait se rapportant à l'état de santé de Mme A... en rappelant en particulier les termes de l'avis du collège médical de l'OFII du 25 mai 2023 au vu duquel le préfet de police s'est prononcé pour refuser de faire droit à sa demande. Il mentionne par ailleurs que l'intéressée est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'étranger. Par suite, alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, la décision contestée est suffisamment motivée et répond aux exigences de l'article L. 211-5 précité. D'autre part, l'arrêté attaqué vise également les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet d'assortir un refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, l'obligation de quitter le territoire français contestée, qui, en vertu des termes mêmes de l'article L. 613-1 du même code, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont applicables aux ressortissants algériens sollicitant un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 mai 2023, a été établi sur la base d'un rapport en date du 13 février 2023 émanant du docteur D... E..., médecin du service médical de l'OFII, et a été communiqué suivant le bordereau de transmission présenté, le 14 février suivant, à un collège de médecins composé des docteurs Joëlle Trétout, Laurent Ruggieri et Véronique Vanderhenst. L'avis du 25 mai 2023 de ce collège mentionne clairement l'identité des trois médecins le composant, permettant ainsi d'établir que le médecin rapporteur n'y figurait pas. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit par suite être écarté.
9. En quatrième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué rappelés ci-dessus, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... avant de prendre l'arrêté attaqué. Ce moyen doit en conséquence être écarté.
10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier de la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par l'intéressée qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé. Le préfet de police n'était en conséquence pas tenu de statuer sur le droit de Mme A... à séjourner en France à un autre titre que celui qui était invoqué dans sa demande. Il suit de là que Mme A... ne peut utilement soutenir que la décision de refus de titre de séjour attaquée méconnaîtrait l'article 6-5 de l'accord
franco-algérien ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations.
11. En sixième lieu, pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de police s'est fondé notamment sur l'avis du 25 mai 2023 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, Mme A... qui souffre d'un lupus systémique, soutient que le traitement à base de Benlysta qui lui est administré par voie intraveineuse au cours d'hospitalisations très régulières, n'est pas disponible en Algérie. Toutefois, si les bulletins d'hospitalisation produits au dossier attestent d'un suivi spécialisé à un rythme mensuel au sein du centre de référence national des maladies auto-immunes systémiques rares de l'hôpital Pitié-Salpêtrière, les certificats médicaux présentés, établis par un praticien hospitalier de ce centre les 30 novembre 2022 et 26 mars 2024 et qui mentionnent dans des termes identiques que ce " traitement intraveineux (...) ne peut être réalisé en Algérie ", ne permettent pas d'établir l'indisponibilité de ce traitement dans son pays d'origine compte tenu des termes particulièrement imprécis et non documentés dans lesquels ils sont rédigés. Il en est de même du certificat daté du 11 avril 2024 émanant d'un médecin algérien qui atteste de cette indisponibilité tant au sein des officines pharmaceutiques que des hôpitaux en Algérie sans toutefois apporter de précisions ou de documentation à l'appui de cette affirmation. En outre, le préfet fait valoir que plusieurs structures hospitalières en Algérie sont dédiées à la prise en charge des malades atteints de lupus. Par suite, les pièces produites sont insuffisantes pour contredire l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII et retenir que Mme A... ne pourrait bénéficier effectivement de soins indispensables au traitement de sa pathologie en Algérie. En conséquence, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision contestée de refus de séjour sur la base de cet avis, le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.
12. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Mme A..., qui a indiqué être entrée en France au mois de mai 2018, est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale en Algérie où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Elle ne précise aucunement les liens privés et familiaux dont elle entend se prévaloir sur le territoire français et ne démontre pas davantage être dépendante des membres de sa famille ainsi qu'elle le soutient. Elle ne justifie pas avoir durablement établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France par la seule durée de son séjour et ne fait état d'aucune intégration particulière. Ainsi, elle n'établit pas que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. En huitième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
15. En l'espèce, si Mme A... soutient que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ce moyen qui est opérant à l'encontre de la seule décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13.
16. En dernier lieu, Mme A... n'invoque aucun argument distinct de ceux précédemment énoncés au point 13, susceptible de retenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ce moyen doit par suite être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 juin 2023. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y plus lieu de statuer sur la demande de Mme A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le17 janvier 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01820