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17/01/2025 | FRANCE | N°24PA02782

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 janvier 2025, 24PA02782


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation des arrêtés du 10 novembre 2023 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de douze mois à son encontre.



Par un jugement n° 2312479 du 20 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté la dema

nde de M. B....



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation des arrêtés du 10 novembre 2023 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de douze mois à son encontre.

Par un jugement n° 2312479 du 20 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2024, M. B..., représenté par Me Iclek, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les arrêtés du 10 novembre 2023 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative et ce, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une violation des dispositions des articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2024 près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1992, est entré en France le 11 novembre 2018 pour y solliciter l'asile. Par une décision du 29 mars 2021, l'office français de protection des réfugiés et du droit d'asile a rejeté sa demande, rejet confirmé par une décision du 19 août 2021 de la cour nationale du droit d'asile. Le 21 décembre 2021, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié " ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 4 février 2022, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 9 novembre 2023, il a fait l'objet d'une interpellation lors d'un contrôle d'identité sur la voie publique. Par deux arrêtés du 10 novembre 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de douze mois. M. B... relève appel du jugement du 20 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) "

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique également, en particulier, que M. B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1992, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par une décision du préfet de la Haute-Vienne en date du 4 février 2022 notifiée le 7 février suivant et que, depuis cette date, il s'est maintenu sur le territoire français. En outre, la décision précise qu'il existe un risque que M. B... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre dès lors qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à cette obligation, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Enfin, elle mentionne que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé étant célibataire et sans charge de famille en France, et relève que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. B..., la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait au sens des dispositions précitées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et doit être regardée comme étant suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que la situation personnelle de M. B... a été examinée par le préfet de police. Le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si M. B... se prévaut de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté en litige n'emporte pas refus de titre de séjour et, dès lors que ce titre de séjour n'est pas un titre de plein droit, le moyen soulevé est inopérant. En outre, il ne ressort pas de la seule production de courriels de demande de rendez-vous pour le dépôt d'un dossier de demande d'admission exceptionnelle au séjour datés du 20 juin, 15 août, 13 septembre, 17 octobre 2023 et 16 avril 2024 adressés à la préfecture du Val-de-Marne, que l'intéressé aurait effectivement déposé une nouvelle demande de titre de séjour à la suite de celle déposée le 20 décembre 2021 et qui a donné lieu à l'arrêté du 4 février 2022 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté. Le préfet, n'a pas, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

7. M. B... se prévaut d'une présence en France depuis le mois de novembre 2018. Il est cependant célibataire et sans charge de famille, et ne se prévaut d'aucun lien personnel suffisamment ancien, stable et intense sur le territoire français, alors qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales ou personnelles au Mali où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Son intégration professionnelle n'est pas davantage établie par la seule production d'un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 10 au 31 octobre 2022 et d'un contrat à durée déterminée en qualité de commis de cuisine avec un début d'exécution en mars 2023, transformé en contrat à durée indéterminée en novembre 2023. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision l'obligeant à quitter le territoire français. Il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. M. B... invoque la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en insistant sur l'existence de risques d'attentat et d'enlèvement, notamment dans la ville de Kirane Kaniaga dont il est originaire. Toutefois, il ne fait état d'aucune menace qui le viserait personnellement ou qui empêcherait son retour dans d'autres régions de son pays d'origine, et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 19 août 2021 de la cour nationale du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable en l'espèce : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

11. Pour faire interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de police a pris en compte le fait que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière de nature à faire obstacle à une telle décision. L'arrêté en cause mentionne également sa date d'arrivée en France, le fait qu'il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, qu'il se déclare célibataire et sans enfant et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait. Par suite, dès lors que M. B... s'est maintenu irrégulièrement en France à la suite du rejet de sa demande de titre de séjour, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées en fixant la durée de l'interdiction de retour de M. B... à un an.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Delage, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Mélanie Palis de Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

Ph. DELAGE

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02782 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02782
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : ICLEK

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;24pa02782 ?
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