Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2401754 du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2024, M. A..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, M. A... ayant déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour à laquelle le préfet était tenu de répondre ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2024 le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient :
- que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;
- le requérant a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et en conséquence le refus de délai de départ volontaire peut avoir pour motif le risque que M. A... méconnaisse à nouveau l'obligation édictée à son égard.
Par ordonnance du 25 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Laforêt a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant égyptien, né le 2 novembre 1995 a fait l'objet le 22 janvier 2024 d'une interpellation pour conduite sans permis et usage de fausse qualité de chauffeur de voiture de transport. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. M. A... relève appel du jugement du 12 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur les faits que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, que l'intéressé a effectué une demande de titre de séjour le 7 avril 2022 qui a fait l'objet d'un rejet et qu'il est depuis en situation irrégulière sans avoir effectué d'autre démarche en vue de régulariser sa situation au regard du droit au séjour, et enfin que l'intéressé déclare exercer illégalement une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 7 avril 2022 auprès de la préfecture de Police de Paris. En application des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code précité, cette demande a été rejetée implicitement le 7 août 2022. La circonstance qu'à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris, le requérant avait demandé le 26 décembre 2023 la communication des motifs de cette décision implicite de rejet, sans avoir obtenu de réponse, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis prenne à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, à la suite de son interpellation, constatant tant son entrée irrégulière et l'absence d'un titre de séjour que le rejet de sa demande de titre de séjour.
5. D'autre part, lorsque la loi prescrit qu'un ressortissant étranger doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Si M. A... soutient qu'il remplirait les conditions pour une admission exceptionnelle au séjour dès lors qu'il résiderait en France depuis 9 ans et démontrerait son intégration professionnelle, toutefois les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à l'admission exceptionnelle au séjour ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur ce fondement mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Par suite, elles ne font pas obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet a pu légalement obliger M. A... à quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions de l'article L. 611-1 précité.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... soutient résider en France depuis 2015, qu'il a noué des relations personnelles en France et qu'il est intégré professionnellement dès lors qu'il travaille avec le même employeur depuis avril 2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant serait entré en France à l'âge de 20 ans, qu'il n'a jamais été en situation régulière, qu'il est célibataire et sans enfant et il ne démontre pas une intégration personnelle particulière. Par suite, et quand bien même il démontrerait une intégration professionnelle récente, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en France.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire
9. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". L'article L. 612-2 du même code dispose : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :/ 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du code précité dispose : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; /
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
10. Pour édicter la décision attaquée, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu que la présence en France de M. A... constitue une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été interpellé pour des faits d'exploitation de voiture de transport avec chauffeur sans inscription au registre et conduite d'un véhicule sans permis, qu'il est connu au fichier automatisé des empreintes digitales pour des fait de conduite d'un véhicule sans permis, circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, détention de faux documents administratifs, mais aussi que l'intéressé n'offre pas de garantie de représentation dans la mesure où il dispose d'un document de voyage en cours de validité et où, s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve qu'il y demeure de manière stable et effective, et enfin qu'il a déclaré vouloir rester en France et qu'il s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse.
11. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure portant obligation de quitter le territoire français qui a été prise le 31 mars 2018 par le préfet du Nord, à laquelle il n'a pas déféré. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui produit cet arrêté pour la première fois en appel, fait valoir dans son mémoire en défense que le refus d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire peut être fondé sur le fait que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à nouveau à l'obligation de quitter le territoire édictée à son encontre. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce motif, et que la substitution de ce motif, en application du 5° de l'article L. 612-3 précité, au motif initial de la décision ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale, il y a lieu de procéder à la substitution demandée par le préfet. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois :
13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "
14. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 20 ans, y résidait à la date de l'arrêté attaqué depuis neuf ans et y exerçait une activité professionnelle depuis mars 2022, il ressort de ces mêmes pièces qu'il a toujours été en situation irrégulière, qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il ne s'est pas conformé, qu'il est célibataire et sans enfant et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales en Egypte. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- M. Laforêt, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
Le rapporteur,
E. LAFORETLa présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01972 2