Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 février 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2302715 du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Aucher, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification du même arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née en 1986, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en France le 3 mars 2022. Par un arrêté du 3 février 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme A... fait appel du jugement du 12 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel, que Mme A... est présente en France depuis le 10 octobre 2014, soit depuis un peu plus de huit années à la date de l'arrêté attaqué, et qu'elle est venue sur le territoire français accompagnée de ses deux filles nées, respectivement, le 14 octobre 2004 et le 3 octobre 2012. Si l'aînée de ses enfants était majeure à la date de l'arrêté attaqué, il ressort néanmoins des pièces du dossier que sa fille, née en 2012, est scolarisée en France depuis l'année scolaire 2015/2016 et qu'en outre, la requérante est la mère d'une troisième fille née en France le 24 juin 2021. Dans ces conditions, et dès lors que la fille de Mme A..., née en 2012, a vécu l'essentiel de sa vie en France où elle a effectué toute sa scolarité élémentaire et qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle est élève en classe de CM2, année charnière avant le passage au collège, la requérante est fondée, dans les circonstances particulières de l'espèce, à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du 3 février 2023 par lesquelles le même préfet a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de Mme A..., que le préfet de la Seine-Saint-Denis ou tout autre préfet devenu territorialement compétent délivre à celle-ci une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme A....
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2302715 du tribunal administratif de Montreuil du 12 avril 2024 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 février 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet devenu territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-Repusseau La présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02166