Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017 ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 2123035 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mai et 8 décembre 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Cornet, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2123035 du 20 mars 2024 rendu par le tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017 ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants ;
3°) de prononcer le paiement d'éventuels intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure est irrégulière en ce que l'administration ne pouvait fonder les redressements en litige sur l'utilisation de pièces obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SCI Earth Energy ; c'est dès lors à tort qu'elle n'a pas fait usage de son droit de communication auprès de la SCI Earth Energy ;
- elle n'est pas conforme aux doctrines référencées BOI-CF-DG-40-20 n°40 et 50 ;
- l'avantage fiscal aurait dû être remis en cause au titre de l'année 2015 et non au titre de l'année 2017.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 12 novembre 2024 et 15 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre de procédure fiscale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont bénéficié, sur le fondement de l'article 199 undecies C du code général des impôts, d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015, à raison d'investissements réalisés dans le logement social en outre-mer. Par une proposition de rectification du 17 février 2020, l'administration fiscale a remis en cause cet avantage fiscal en raison de l'abandon du projet de construction correspondant. M. et Mme B... relèvent régulièrement appel du jugement du 20 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2017 ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications et ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication. Si l'administration peut, en dépit du caractère distinct des procédures d'imposition, légalement utiliser des éléments d'information recueillis par elle chez un autre contribuable, il lui appartient d'indiquer au contribuable la nature, l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès des tiers.
3. En outre, aux termes de l'article L. 81 du même livre : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. /Pour l'établissement de l'assiette et le contrôle de l'impôt, le droit de communication peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. /Le droit prévu au premier alinéa s'exerce sur place ou par correspondance, y compris électronique, et quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. /Les agents de l'administration peuvent prendre copie des documents dont ils ont connaissance en application du premier alinéa. /Des fonctionnaires des administrations des autres Etats membres peuvent assister à l'exercice du droit de communication dans les conditions prévues au 3 de l'article L. 45. ".
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification en date du 17 février 2020, d'une part que M. et Mme B... ont déclaré au titre de leurs revenus de l'année 2015 une somme de 44 078 ouvrant droit à une réduction d'impôt correspondant à des investissements dans les logements sociaux dans les départements d'Outre-mer conformément aux dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts. Cette réduction d'impôt correspond à l'avantage fiscal obtenu du fait de la qualité des contribuables d'associés des sociétés civiles immobilières constituées par la SCI Earth Energy Finances à la suite de leur souscription au dispositif Earth Energy Finances - Girardin Industriel Logement Social. La SCI Earth Energy Finances avait été mandatée le 30 décembre 2015 par M. et Mme B... afin d'investir le montant de la souscription au capital d'une société civile immobilière support d'un programme de construction de logements sociaux situés en
Outre-mer. L'immeuble à construire avait vocation à être donné en location à un bailleur social qui devait le sous-louer à des résidents disposant, pour certains et sous conditions, de la faculté d'accéder à la propriété. D'autre part, les rectifications envisagées ont été fondées sur le motif tiré de ce que la SCI Earth Energy Finances a renoncé au projet immobilier qui devait être réalisé dans le cadre du programme Earth Energy Finances - Girardin Industriel Logement Social, montage en défiscalisation prévu dans le cadre de la loi Girardin, de la loi pour le développement de l'Outre-mer et de la loi de finances pour 2015. Ce motif a été établi à partir des informations obtenues par l'administration fiscale dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la SCI Earth Energy Finances, cette société ayant informé les requérants, par un courrier du 25 octobre 2017, de l'abandon du projet de construction ouvrant droit à la réduction d'impôt en cause au motif que l'organisme de logements sociaux associé à cette opération avait exigé pour investir dans la construction des logements que le remboursement de son futur apport soit garanti par la société civile immobilière dont M. et Mme B... étaient associés, ce qui augmentait le risque financier de l'opération en contradiction avec les termes de la souscription du dossier.
5. Si M. et Mme B... soutiennent que l'administration fiscale ne pouvait fonder les rectifications en litige sur des documents dont elle a eu connaissance dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Earth Energy il n'en demeure pas moins que l'administration pouvait, en dépit du caractère distinct des procédures d'impositions, légalement utiliser des éléments d'information recueillis par elle auprès d'un autre contribuable à l'occasion d'une vérification de comptabilité, sans qu'il soit besoin de l'en informer préalablement ou de lui adresser une demande de renseignement, dès lors qu'elle lui a indiqué la nature, l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès des tiers avant la mise en recouvrement des impositions en litige. En outre, suite à la demande de M. et Mme B..., les éléments d'information ainsi recueillis par l'administration fiscale ont été annexés à la réponse aux observations du contribuable en date du 2 décembre 2020. Ainsi, les contribuables n'ont pas été privés de la possibilité de discuter des rectifications litigeuses eu égard aux renseignements sur lesquels le service s'est appuyé. Enfin, à supposer que M. et Mme B... n'aient pas été informés de ce que le projet avait été abandonné et qu'ils n'aient pas reçu le courrier de la société du 25 octobre 2017 mentionné précédemment, de telles circonstances sont sans incidence sur le présent litige dès lors que l'administration était en droit, en application des dispositions précitées du V de l'article 199 undecies C, de procéder à la reprise de l'avantage fiscal en litige au seul motif que le projet immobilier l'ayant justifié n'avait pas été initié dans le délai de deux ans mentionné au IV du même article. Par suite, les requérants, qui ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait utiliser les éléments d'information recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Earth Energy Finances, désormais en la possession du service, ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales ont été méconnues.
6. En deuxième lieu, les requérants ne peuvent se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-DG-40-20 n° 40 et n° 50 dès lors que, relative à la procédure d'imposition, elle n'est pas opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 199 undecies C du code général des impôts : " (...) IV. - La réduction d'impôt est également acquise au titre des investissements réalisés par une société civile de placement immobilier régie par les articles L. 214-114 et suivants du code monétaire et financier (...). Lorsque l'investissement revêt la forme de la construction d'un immeuble ou de l'acquisition d'un immeuble à construire, la réduction d'impôt ne s'applique que si la société qui réalise l'investissement s'engage à achever les fondations de l'immeuble dans les deux ans qui suivent la clôture de la souscription et à achever l'immeuble dans les deux ans qui suivent la date d'achèvement des fondations (...) / V. - La réduction d'impôt fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle : (...) 2° L'engagement prévu au IV n'est pas respecté ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que la réduction fiscale fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans à compter de la souscription pour achever les fondations de l'immeuble a expiré.
8. Les requérants font valoir que, la société ne disposant pas en 2015 des moyens lui permettant de financer les travaux de construction en deux ans, et n'ayant pu prendre d'engagement à ce titre, l'année de remise en cause de l'avantage fiscal aurait dû être l'année 2015 et non 2017 comme proposée par le service. Il résulte toutefois de l'instruction que pour remettre en cause la réduction d'impôt en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que la SCI Earth Energy Finances avait renoncé au projet immobilier éligible au dispositif de défiscalisation au titre de l'année 2015. A ce titre, M. et Mme B... ont été informés par ladite société par courrier du 25 octobre 2017 de l'abandon du projet de construction ouvrant droit à la réduction d'impôt en cause et de la nécessité d'établir des déclarations rectificatives auprès de l'administration fiscale. Ce courrier démontre sans contestation possible que l'investissement réalisé par les requérants n'a pas été mené à terme. En outre, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 17 février 2020 qu'aux termes du mandat signé le 30 décembre 2015 et précédé de la mention " Lu et approuvé, certifié sincère et véritable ", complété par un engagement de libération d'apport, les requérants se sont engagés sur une opération ayant pour objet le financement d'actifs professionnels dans les départements et collectivités d'outre-mer conformément au régime fiscal déterminé par le code général des impôts à l'article 199 undecies C du code général des impôts, et qu'ils reconnaissent avoir conscience de la portée, l'étendue, et des conséquences de son engagement, notamment sur le plan fiscal, compte tenu de la connaissance de leur situation personnelle. Ainsi, M. et Mme B... reconnaissent explicitement avoir compris la portée de l'article 199 undecies C, et notamment que l'absence d'achèvement des fondations du bâtiment dans le délai de deux ans à compter de la signature du contrat d'engagement a pour conséquence une reprise du crédit d'impôt obtenu. En outre, alors même que M. et Mme B... soutiennent que les circonstances invoquées par l'administration ne sauraient suffire à démontrer la réalité de l'abandon du projet, ils ne produisent aucun élément de nature à contredire les constatations opérées par le service et corroborées par les dirigeants de la SCI Earth Energy Finances. Dès lors, sans que M. et Mme B... puissent utilement faire valoir qu'ils n'ont pas reçu le courrier du 25 octobre 2017, pour les motifs exposés au point 5 du présent arrêt, c'est à bon droit que l'administration fiscale, qui pouvait se fonder sur ce courrier, a estimé que M. et Mme B... ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier de cette réduction d'impôt à compter de l'année 2017, date à laquelle les conditions d'engagements n'étaient plus respectées, conformément aux dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par suite, sans qu'il y ait lieu d'examiner les conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires, leurs conclusions de décharge ainsi que celles relatives au frais d'instance, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 7 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 mars 2025.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA0224702