Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2024 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2420505/8 du 6 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Lancel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à tout le moins, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa demande de titre dans les mêmes délais et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à son état de santé, qui lui a valu la délivrance de titres depuis vingt ans, au caractère erroné de l'appréciation portée sur la menace que ferait peser sa présence en France pour l'ordre public, et à son insertion professionnelle ;
- ce refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- au regard de ses conséquences, ce refus méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire alors qu'il bénéficie de garanties de représentation suffisantes est illégale pour les mêmes motifs ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de lui accorder un délai de départ volontaire ;
- elle vise à tort un article relatif aux étrangers mineurs ;
- la durée retenue n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Menasseyre,
- les observations de Me Lancel pour M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant équatorien, né le 11 décembre 1983, entré en France à l'âge de 19 ans selon ses déclarations, a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 8 mars 2005 au 7 mars 2006, régulièrement renouvelé jusqu'au 20 juin 2022 et dont il a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 12 juillet 2024, le préfet de police de Paris a, sur avis contraire de la commission du titre de séjour, et alors que le collège de médecins de l'OFII avait émis, le 23 mars 2023, un avis favorable à la poursuite des soins pour une période de trente-six mois, refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pour une durée de cinq ans. L'exécution de ce refus a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris jusqu'au jugement du 6 novembre 2024, par lequel ce tribunal a rejeté la requête introduite par M. A... B... contre cet arrêté. L'intéressé relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Lorsque l'administration oppose à un étranger le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
3. Le refus de renouvellement de titre de séjour opposé à la demande de M. A... B... est uniquement fondé sur les dispositions précitées, le préfet ayant relevé que l'intéressé avait été condamné, le 27 novembre 2017, par le président du tribunal de grande instance de Paris, à 400 euros d'amende pour conduite de véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, le 16 janvier 2020, par la chambre des appels correctionnels de Paris, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle par une personne en état d'ivresse manifeste, et ayant indiqué qu'il était connu défavorablement des services de police pour escroqueries commises du 1er janvier 2022 au 7 mars 2023. Les faits ayant donné lieu aux condamnations prononcées en 2017 et en 2020 se sont toutefois déroulés les 17 mai 2017 et 23 mai 2018, soit sept ans et six ans avant la décision préfectorale, et préexistaient à la délivrance du titre de séjour dont M. A... B... a demandé le renouvellement. Aucune précision n'est apportée sur les faits d'escroqueries dont il est fait état dans la décision attaquée, lesquels n'apparaissent pas sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire produit en défense ni sur aucun document versé aux débats et qui n'apparaissent pas avoir donné lieu à une condamnation. Au regard, d'une part, de la grande ancienneté du séjour de M. A... B... sur le sol français, des pièces qui font apparaître son intégration professionnelle, l'intéressé ayant poursuivi son activité durant la crise sanitaire et exerçant, depuis, sous couvert de missions d'intérim, d'ailleurs converties en novembre 2024 en contrat à durée indéterminée, un emploi salarié lui assurant un revenu mensuel de l'ordre de 1 500 euros, et, d'autre part, du caractère ancien des faits qui lui ont valu les condamnations motivant le refus contesté et de l'imprécision et de l'absence de toute justification relative aux faits d'escroquerie mentionnés dans la décision du préfet, M. A... B... est fondé à soutenir qu'en estimant que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public justifiant le refus de renouveler son titre de séjour, le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées. Par suite, la décision refusant ce renouvellement est illégale et doit être annulée, de même que, par voie de conséquence, les décisions faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, et lui interdisant d'y retourner.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...). ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement mais seulement, compte tenu de son motif, le réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... B... et l'intervention d'une nouvelle décision. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français faite à l'intéressé, implique également de munir celui-ci d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait de nouveau statué sur son cas. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris de procéder au réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... B..., de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 6 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 12 juillet 2024 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... B..., la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judicaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente rapporteure,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
La présidente rapporteure,
A. Menasseyre L'assesseure la plus ancienne,
C. Vrignon-Villalba
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA05006