Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2024 du préfet de police portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2403296/8 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 23 mai 2024 et le 10 février 2025, M. A..., représenté par Me Mileo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2024 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention
" vie privée ou familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, né le 26 décembre 1989, entré en France le 18 mars 2017, muni de son passeport revêtu d'un visa C, a sollicité, le 26 avril 2023, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 janvier 2024, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. M. A... relève appel du jugement du 24 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 611-1 3°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police s'est également référé à l'avis émis le 2 octobre 2023 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont il s'est approprié les motifs, et a indiqué les raisons pour lesquelles il a considéré que M. A... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la carte de séjour qu'il sollicitait, en énonçant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il a enfin exposé des éléments suffisants sur la situation familiale de l'intéressé en relevant que ce dernier était célibataire et sans charge de famille en France, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son enfant né en 2019 et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, le préfet de police a suffisamment exposé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, la circonstance que certains des éléments mentionnés seraient erronés, si elle peut affecter la légalité interne de l'arrêté attaqué, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité formelle de sa motivation, et ne saurait, en l'espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, établir que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Le moyen soulevé à ce dernier titre doit, par suite, également être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du
2 octobre 2023 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Pour contester cette appréciation, M. A... fait valoir qu'il est actuellement pris en charge pour une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) à l'Unité d'infectiologie de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, qu'il est placé sous une bithérapie dénommée Dovato composée de Dolutégravir et de Lamivudine et qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés en cas de retour dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire. Il se prévaut de deux certificats médicaux des 9 février et 21 mars 2024, qui mentionnent que sa maladie nécessite " une prise en charge médicale spécialisée ", qu'" il a reçu 4 lignes de traitement dont la dernière est une simplification thérapeuthique, bithérapie par dolutégravir 50mg et lamivudine 300 mg en 1 seul comprimé par jour, ceci afin de prévenir les toxicités à long terme et améliorer l'observance ", que " cette simplification thérapeutique n'est pas disponible dans son pays d'origine " et qu'un " un suivi clinique et biologique complet spécialisé tous les trois mois n'est pas disponible dans son pays d'origine ". Toutefois, ces certificats, au demeurant postérieurs à l'arrêté litigieux et établis dans des termes très généraux, s'ils attestent que l'état de santé de M. A... nécessite une surveillance médicale, ne permettent pas de remettre en cause l'avis contraire du 2 octobre 2023 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et les éléments produits par le préfet de police justifiant de l'existence en Côte d'Ivoire de plusieurs établissements hospitaliers comportant des services d'infectiologie et des laboratoires d'analyses médicales. En outre, il ressort de la liste des médicaments disponibles dans ce pays, datée de 2020 et produite par le préfet en première instance, que les deux substances actives du Dovato, le Dolutégravir et la Lamivudine, sont disponibles, seules, sans être combinées avec un autre antirétroviral, en Côte d'Ivoire. Enfin, si M. A... indique qu'il est difficile d'accéder aux traitements dans son pays, et s'il produit à l'appui de ses allégations des articles de presse relatifs à la prise en charge des patients atteints du VIH en Côte d'Ivoire et les discriminations qu'ils y subissent, ces documents n'apportent aucune indication sur la prétendue indisponibilité dans ce pays du traitement effectivement suivi par
M. A.... Par suite, ce dernier n'établit pas qu'il ne pourrait effectivement bénéficier en Côte d'Ivoire, de son traitement médicamenteux et d'une prise en charge appropriée à son état de santé. Dans ces conditions, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour opposé à M. A... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
8. Pour les raisons exposées au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. M. A... se prévaut d'une présence en France depuis mars 2017 et de ce qu'il travaille sous contrat à temps indéterminée à temps plein depuis juin 2023. Cependant, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son enfant, né en 2019, et alors qu'il est célibataire et dépourvu d'attaches familiales sur le territoire français. Enfin, le requérant ne justifie pas d'une insertion professionnelle suffisamment stable et ancienne en France. Ainsi, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour opposé à M. A... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écartée.
12. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que M. A... n'allègue pas être exposé à des peines et traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Et aux termes de l'article 3 de cette même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Le moyen tiré de ce que la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit méconnaît les stipulations précitées doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Philippe Delage, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
Ph. DELAGE
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02300 2