Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2117806 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a réduit les bases d'imposition mises à leur charge à hauteur de 20 643,69 euros en 2015 et de 79 922,50 euros en 2016 au titre des crédits taxés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les a déchargés, d'une part, des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à concurrence de ces sommes et, d'autre part, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de leur requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, Mme D... et M. E..., représentés par Me Henry-Stasse, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 avril 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur requête ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales demeurés à leur charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les impositions ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière faute de démonstration par l'administration de l'envoi préalable d'un avis de vérification à leur adresse aux Etats-Unis ;
- les sommes créditées sur le compte CIC Nord-Ouest à hauteur de 4 405,03 euros en 2015 et de 3 307,50 euros en 2016, correspondant aux recettes de la location d'un bien meublé relevant du régime du micro BIC, devaient faire l'objet d'un abattement forfaitaire pour charges de 50 % ;
- la somme de 150 000 euros créditée sur le compte HSBC le 22 décembre 2015 correspond à un prêt familial ;
- les sommes de 1 960 euros et 1 700 euros créditées le 19 mai 2015 sur le compte du Crédit Lyonnais constituent des cadeaux et ne sont pas des revenus imposables ;
- la somme de 412,77 euros créditée sur ce même compte le 15 juin 2015 correspond à un remboursement d'un organisme complémentaire de santé ;
- les sommes de 1 807 euros et de 698,50 euros créditées également sur ce compte le 20 octobre 2015 et le 3 novembre 2015 correspondent à des remboursements de frais professionnels engagés par Mme D... ;
- le virement de la société civile de chasse de 5 500 euros crédité le 11 juillet 2016 sur le compte Boursorama ne constitue pas un revenu imposable mais provient d'une société civile de chasse relevant de l'article 8 du code général des impôts ;
- la somme de 1 956,33 euros, créditée le 8 février 2016 sur un compte HSBC correspond à un remboursement de frais professionnels et n'est pas imposable ;
- il en est de même de la somme de 6 927,08 euros créditée sur ce compte le 17 février 2016 qui correspond à l'avance d'un proche et de celle de 1 849,88 euros, créditée le 18 mai 2016 qui correspond à un remboursement ;
- la somme de 13 297,87 euros créditée le 20 septembre 2016 sur le compte du Crédit Lyonnais est un remboursement de la société Apple, employeur de Mme D....
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrées les 2 janvier 2024 et 8 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... et M. E... ne sont pas fondés.
Une pièce complémentaire, enregistrée le 6 février 2025, a été produite par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en réponse à une mesure d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... et M. E... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2015 et 2016. A l'issue des opérations de contrôle, le service a taxé d'office à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, des crédits bancaires non justifiés et leur a en conséquence notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour un montant total, en droits et pénalités, de 250 358 euros, mis en recouvrement le 30 avril 2019. Par une décision du 9 avril 2021, l'administration fiscale a fait droit partiellement à leur réclamation préalable en prononçant un dégrèvement, pénalités incluses, de 16 294 euros. Par un jugement du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a réduit les bases d'imposition demeurant à leur charge à hauteur de 100 566,19 euros et les a déchargés de la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui leur avait été appliquée. En exécution de ce jugement, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris a prononcé le 23 mai 2023 un nouveau dégrèvement d'un montant, en droits et pénalités, de 119 585 euros. Par la présente requête, Mme D... et M. E... relèvent régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à leur demande tendant à la décharge de l'intégralité des redressements prononcés.
Sur la régularité de la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Il incombe à l'administration d'établir que l'avis de vérification prévu par ces dispositions est parvenu en temps utile au contribuable.
3. Il résulte de l'instruction que Mme D... et M. E... ont, par un courriel du 23 novembre 2017, informé l'administration fiscale de leur nouvelle domiciliation aux
Etats-Unis à compter du 23 septembre 2017. Les pièces produites en défense démontrent que l'avis de vérification de leur situation fiscale personnelle, établi le 22 janvier 2018, leur a été envoyé à cette nouvelle adresse située à San Francisco et y a été présenté le 7 février 2018 avant que le pli portant la mention " unclaimed " (" non réclamé ") ne soit retourné à l'administration à la suite de sa présentation infructueuse. La circonstance que cet avis de vérification ait également été envoyé sans succès à la même date à leur adresse parisienne ou par voie dématérialisée le 20 mars 2018 est en l'espèce sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors que ce pli leur a régulièrement été notifié à l'adresse qu'ils avaient indiquée au service. Par suite, Mme D... et M. E... ne sauraient soutenir que la procédure suivie aurait été irrégulière.
Sur le bien-fondé des impositions :
S'agissant des sommes créditées sur le compte CIC Nord-Ouest n° 20153801 :
4. Il résulte du jugement contesté que les juges de première instance ont retenu que les crédits constatés sur le compte indivis CIC Nord-Ouest n° 20153801 dont Mme D... est l'une des titulaires, ont pour origine la gestion d'un bien situé à Wissant et loué en meublé, détenu en indivision par Mme D... et ses trois frères et sœur à la suite d'une donation de leurs parents réalisée en 2012. D'une part, les juges ont déchargé Mme D... de la somme de 70 000 euros créditée par erreur sur ce compte le 16 juin 2016 et annulée le lendemain par une opération du même montant apparaissant au débit. Le tribunal a, d'autre part, retenu que Mme D... ne pouvait être taxée qu'à hauteur d'un quart des crédits constatés par le service sur le compte bancaire litigieux et, après avoir fait droit à la substitution de base légale demandée par l'administration pour imposer les crédits correspondant à des loyers de la location de ce bien dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement des dispositions de l'article 35 du code général des impôts, arrêté les bases imposables à la somme de 4 405,03 euros en 2015 et à celle de 3 307,50 euros en 2016.
5. Si Mme D... et M. E... soutiennent que ces sommes de 4 405,03 euros et de 3 307,50 euros devaient faire l'objet d'un abattement de 50 % compte tenu du montant des recettes de la location de ce bien, inférieur au seuil fixé par l'article 50-0 du code général des impôts relatif au régime des micro-entreprises, il résulte toutefois des dispositions visées au c. du 2 de cet article que sont exclues du régime des micro-entreprises " les sociétés ou organismes dont les résultats sont imposés selon le régime des sociétés de personnes défini à l'article 8 ". En l'espèce, l'indivision en cause doit être assimilée à une société de fait, imposable selon le régime des sociétés de personnes, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... n'aurait pas pris part à l'activité de location du bien immobilier. Les résultats de l'exploitation de ce bien devaient par suite être déterminés selon le régime réel d'imposition et Mme D... et M. E..., qui n'ont au demeurant déclaré aucun revenu foncier au titre du bien en litige, ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que les bases imposables retenues par le jugement de première instance devaient faire l'objet d'un abattement forfaitaire.
S'agissant des revenus d'origine indéterminée :
6. En vertu de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale peut adresser au contribuable une demande de justifications " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) / lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'il peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 € ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Aux termes de l'article L. 193 de ce livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
7. Il est constant que Mme D... et M. E... se sont abstenus de répondre à la demande d'éclaircissement ou de justification qui leur a été adressée et que les impositions en litige ont en conséquence été établies d'office conformément aux dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Par suite et en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, il leur incombe d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'ils contestent.
8. Il résulte de l'instruction que la somme de 150 000 euros a été créditée le 22 décembre 2015 sur le compte HSBC de M. E... qui soutient qu'elle correspond à un prêt consenti par son frère C.... Il est constant que cette somme a été versée depuis un compte de la société Lara Assets Limited. Si M. E... produit une reconnaissance de dette enregistrée par l'administration fiscale le 28 décembre 2015 au bénéfice de son frère C... à hauteur de 150 000 euros et une attestation d'un ancien administrateur de la société Lara Assets Limited datée du 18 mai 2021, certifiant que M. C... E... était seul actionnaire de la société au 18 décembre 2015 et lui avait donné instruction de transférer une somme de 150 000 euros à titre de prêt accordé à son frère B..., ces pièces ne permettent pas à elles seules de démontrer l'objet réel de ce versement effectué par la société et non par le frère de M. E... et la nature de ce crédit. L'avis de virement bancaire de 168 460 dollars en faveur de M. C... E... à la date du 30 juin 2020 ne permet pas davantage de démontrer qu'il correspondrait effectivement au remboursement de ce prêt, en l'absence de toute autre justificatif susceptible d'établir un rapprochement entre ces deux transactions. Par suite, M. E... sur qui repose la charge de la preuve, ne justifie pas la nature exacte de cette somme créditée sur son compte et son caractère non imposable ou encore que cette somme se rattacherait à une catégorie particulière de revenus. Par voie de conséquence, c'est à bon droit que l'administration a imposé cette somme dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
9. En second lieu, Mme D... et M. E... soutiennent que les sommes créditées les 19 mai 2015, 15 juin 2015, 20 octobre 2015 et 3 novembre 2015 sur le compte bancaire ouvert par Mme D... au Crédit Lyonnais sous le numéro 7362d 39, à hauteur respectivement des sommes de 1 960 euros, 1 700 euros, 412,77 euros, 1 807 euros et 698,50 euros, correspondent à des cadeaux, un remboursement de frais par une société de complémentaire santé ou à des remboursements de frais professionnels. Toutefois, dès lors que les requérants se bornent à reprendre l'argumentation présentée en première instance sans changement en appel et en l'absence de toute pièce justificative nouvelle, il y a lieu de confirmer les impositions supplémentaires mises à leur charge dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée par adoption des motifs retenus aux points 13, 16 et 17 du jugement contesté. Il en est de même de la somme de 5 500 euros créditée le 11 juillet 2016 sur le compte Boursorama détenu par M. E... qui constituerait un virement d'une société civile de chasse relevant de l'article 8 du code général des impôts, de celles de 1 956,33 euros, 6 927,08 euros et 1 849,88 euros créditées les 8 février 2016, 17 février 2016 et 18 mai 2016 sur le compte HSBC de M. E... correspondant respectivement à des frais engagés lors d'un voyage professionnel en Chine, à " l'avance d'un ami " et à " un remboursement ", ou encore de celle de 13 297,87 euros créditée le 20 septembre 2016 sur le compte LCL 20153801 58 de Mme D... qui constituerait un remboursement professionnel de la société Apple, en l'absence de toute pièce ou argumentation nouvelle justifiant l'origine et la nature de ces crédits bancaires et regardés à bon droit par les juges de première instance aux points 20 à 22 de leur jugement comme des revenus d'origine indéterminée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge à raison de ces crédits bancaires. Par voie de conséquence, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles relatives aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à M. B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 11 avril 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03350