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11/04/2025 | FRANCE | N°24PA00100

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 11 avril 2025, 24PA00100


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) A... B... Coiffure a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016.



Par un jugement n° 2007264 du 9 novembre 2023, le tribunal

administratif de Melun a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) A... B... Coiffure a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016.

Par un jugement n° 2007264 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique qui n'a pas été communiqué, enregistrés les 8 janvier 2024 et 20 juin 2024, l'EURL A... B... Coiffure, représenté par Me Canis, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 9 novembre 2023 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation ;

- en l'absence de comptabilité tenue au moyen d'un système informatisé, le service ne pouvait procéder à des traitements informatiques sur le fondement du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; le service a procédé au traitement informatique d'éléments non comptables ;

- elle n'a pas été mise en mesure d'exercer un choix du support de transmission des traitements réalisés par le service en méconnaissance de ces mêmes dispositions ;

- l'administration ne pouvait procéder à des traitements informatiques sans mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales et lui permettre d'exercer son choix sur les modalités des traitements informatiques effectués ; elle est fondée à opposer les énonciations de la documentation administrative BOI-CF-IOR-60-40 ;

- le service n'a pas respecté les exigences d'un débat oral et contradictoire ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les rectifications ont été établies en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en l'absence de communication par le service de l'ensemble des documents utilisés pour établir les redressements ;

- l'administration ne démontre pas l'utilisation par la société d'un logiciel frauduleux ;

- le rejet de sa comptabilité n'est pas justifié, faute pour l'administration de rapporter la preuve qui lui incombe de son caractère non probant et insincère ; elle est fondée à opposer les énonciations de la documentation administrative BOI-CF-IOR-10-20 ;

- la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer son chiffre d'affaires est radicalement viciée et excessivement sommaire ; - la pénalité pour manœuvre frauduleuse qui lui a été appliquée est insuffisamment motivée et n'est pas démontrée ;

- les redressements mis à la charge de la société n'étant pas justifiés pour les motifs précédemment, M. B... ne peut être regardé comme bénéficiaire de revenus distribués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL A... B... Coiffure ne sont pas fondés.

Une pièce complémentaire, enregistrée le 19 février 2025, a été produite pour l'EURL A... B... Coiffure et par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en réponse à une mesure d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL A... B... Coiffure, qui exploite deux salons de coiffure sous l'enseigne Franck Provost situés à Maisons-Alfort et Alfortville, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue jusqu'au 31 août 2016 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution de ses recettes. Par une proposition de rectification du 22 décembre 2016, elle a notifié à la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour chacune des années vérifiées. Par la présente requête, l'EURL A... B... Coiffure relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rehaussements mis à sa charge.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la société A... B... Coiffure ne peut utilement soutenir que le jugement est entaché d'erreur d'appréciation pour en obtenir l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration fiscale vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) IV - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. (...) ". Aux termes du dernier alinéa du VI de l'article L. 16 B du même livre : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. (...) " et aux termes de l'article L. 47 A de ce livre : " II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) ".

4. Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, dont les données sont soumises au contrôle qu'ils prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.

5. En premier lieu, la société A... B... Coiffure soutient que le logiciel de caisse " Marlix " qu'elle utilise ne permet pas la reconstitution du chemin de révision tel que défini par l'article 410-3 du plan comptable général et n'est pas relié par voie informatique au logiciel comptable, la transmission des données se faisant sous un format édité en version papier. Elle en déduit que le service ne pouvait procéder à des traitements informatiques à partir du logiciel de caisse sur le fondement du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, la seule circonstance que ce logiciel de gestion ne soit pas connecté à un logiciel de comptabilité centralisant les recettes de l'entreprise, ne fait pas obstacle à ce que la comptabilité des salons soit regardée comme étant tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Il est constant que le logiciel de gestion " Marlix " contient deux modules, " Caisse " et " Bureau ", le second étant installé sur l'ordinateur de M. A... B... à son domicile. Les données du module " Caisse " qui enregistre les recettes des salons de coiffure exploités par la société, sont transférées mensuellement au module " Bureau ", générant un état " Résumé de caisse " qui reprend l'ensemble des " fiches " du mois, à savoir l'ensemble des opérations commerciales, ces données étant conservées dans un fichier " édition1 ". Ces données " Résumé de caisse " qui sont transmises au cabinet comptable, sont utilisées sans retraitement pour l'enregistrement des recettes et la détermination des résultats comptables de la société à partir d'un progiciel utilisé par le comptable de la société. Ainsi, le logiciel doit être regardé comme constituant un système informatisé de tenue de comptabilité, au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales précités. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient la société, les fichiers " Personne.Fic " et " Client.Fic " générés par le logiciel " Marlix " et qui recensent chaque opération réalisée par salarié et par client des salons de coiffure, ne sont pas uniquement des fichiers statistiques ou à visée commerciale, mais contribuent à la formation des résultats comptables, et ont en outre été établis à partir de traitements informatiques, de même que le fichier litigieux " Fiche.Fic " retraçant chaque opération de vente réalisée.

6. En deuxième lieu, la société A... B... Coiffure soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure d'exercer un choix du support de transmission des traitements réalisés par le service en méconnaissance des dispositions du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, ni cet article ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose un formalisme particulier en ce qui concerne le choix des modalités de communication en cause tant de la part de l'administration que du contribuable. Par suite, ce choix pouvait être proposé oralement, comme le service l'a fait lors de la réunion de synthèse du 1er décembre 2016, l'administration n'étant pas tenue de le formaliser par écrit. D'autre part, il résulte de l'instruction que les résultats des traitements ont été communiqués par voie dématérialisée, au format " .ods " consultable sous le logiciel téléchargeable gratuitement " LibreOffice " ou sous leur format natif, " .fic ". Par suite, la société qui n'établit pas avoir demandé la transmission de ces fichiers sous un autre format, ne démontre pas avoir eu des difficultés à en prendre connaissance en se bornant à soutenir qu'ils n'étaient pas lisibles et qu'elle aurait ainsi été privée d'une garantie.

7. En troisième lieu, si l'EURL A... B... Coiffure soutient que le service ne pouvait procéder à des traitements informatiques sans mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et en particulier lui proposer de choisir l'une des options prévues par cet article, il résulte de l'instruction que le service n'a utilisé les fichiers obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité que pour s'assurer qu'elle était effectivement établie sur la base des données issues du logiciel " Marlix ". S'il a effectué des rapprochements entre les données issues de ce logiciel et la comptabilité, c'est sans retraitement de cette dernière mais seulement en confrontant les données y figurant avec celles enregistrées dans le logiciel. Par ailleurs, la procédure de visite et de saisie ayant pour objet la répression des agissements visés à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, elle se distingue, comme telle, de la procédure de vérification de comptabilité prévue par les articles L. 47 et L. 47 A du même livre qui visent à l'établissement et au paiement des impositions dues par les contribuables. Ces procédures ne comportent pas non plus les mêmes garanties. Par suite, la société A... B... Coiffure ne peut utilement soutenir que la procédure serait irrégulière au motif que l'administration, en poursuivant lors de la vérification de comptabilité le traitement des fichiers informatiques saisis dans le cadre de la visite domiciliaire, aurait méconnu les obligations prévues par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Enfin, la société requérante ne saurait invoquer les énonciations de la documentation administrative BOI-CF-IOR-60-40 du 13 décembre 2013, la garantie prévue au troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne concernant pas les instructions ou circulaires relatives à la procédure d'imposition.

8. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

9. Il est constant que les opérations de contrôle se sont déroulées, à la demande de l'EURL A... B... Coiffure, dans les locaux de la société d'expertise comptable auprès de laquelle sont déposés ses documents comptables. En se bornant à soutenir que sur les trois rendez-vous organisés, un seul d'entre eux a réellement été utile alors que la vérification portait sur trois exercices, que le service avait procédé à de nombreux traitements informatiques, rejeté sa comptabilité et impliquait une reconstitution de recettes, la société ne démontre pas, ainsi qu'elle en a la charge, avoir été privée d'un débat oral et contradictoire. Par ailleurs, aucune disposition n'impose à l'administration de débattre au cours d'une réunion de la méthode de reconstitution envisagée du chiffre d'affaires d'une société. Le moyen doit par suite être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile.

12. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 22 décembre 2016 adressée à l'EURL A... B... Coiffure mentionne les exercices contrôlés, les impositions concernées, ainsi que les motifs de fait et de droit sur lesquels sont fondés les redressements et les montants des rectifications envisagées. Elle indique ainsi les raisons pour lesquelles le vérificateur a considéré que la comptabilité qui avait été présentée au cours des opérations de contrôle n'était pas probante et devait être écartée en détaillant avec précision l'ensemble des traitements réalisés sur les fichiers saisis qui l'ont conduit à retenir l'utilisation d'un logiciel frauduleux et expose la méthode de reconstitution extra-comptable mise en œuvre pour évaluer les chiffres d'affaires et résultats imposables. Par ailleurs, le bien-fondé du raisonnement tenu par le service à l'appui de la proposition de rectification est sans incidence sur sa motivation. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". La garantie prévue par ces dispositions s'applique à tous renseignements et documents obtenus auprès de tiers dont l'administration se prévaut pour établir les impositions, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt. Cette garantie ne s'étend aux renseignements qui ont motivé l'engagement du contrôle fiscal que dans la mesure où ces renseignements, par la nature et la précision de leur contenu, ont servi à l'établissement des rectifications.

14. La société A... B... Coiffure soutient que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B de livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas l'ensemble des documents qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, en particulier les documents qui auraient été obtenus auprès d'autres utilisateurs du logiciel de gestion " Marlix " auxquels il est fait référence dans la proposition de rectification ou de la vérification de comptabilité de ces derniers. En l'espèce, même si le service a constaté l'utilisation du logiciel frauduleux " image.exe " dans le cadre de contrôles d'autres sociétés auxquels elle fait référence, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le service aurait utilisé des documents obtenus auprès de tiers et notamment qu'il aurait utilisé les données recueillies auprès d'autres sociétés pour fonder les rectifications en litige. L'administration a précisé les traitements informatiques qu'elle a opérés en indiquant la méthodologie utilisée pour identifier le fonctionnement du logiciel de caisse et la traçabilité des fichiers qu'il contient, sans qu'il ne ressorte qu'elle ait utilisé des informations extérieures à ses propres constatations sur le logiciel de gestion " Marlix " utilisé par la société. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

15. Au cours de l'opération de visite et de saisie autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 20 mai 2016 et réalisée le 24 mai suivant au domicile de M. B..., gérant et associé unique de la société A... B... Coiffure, le service a constaté que la société utilisait le logiciel de gestion " Marlix " et a pu en examiner le module " Bureau " installé sur l'ordinateur personnel de M. B... et le contenu de quatre clés USB. L'exploitation des fichiers a fait apparaître des incohérences et révélé une minoration des recettes par une suppression d'une partie d'entre elles comptabilisées en espèces par l'utilisation d'un module externe " Image.exe ". L'utilisation de ce module frauduleux est ressortie dans le fichier de paramétrage " Serviceo " et a été révélée par le fichier " Saloming " ainsi que par l'étude des règlements en espèces. L'analyse des données entre les mois de février et décembre 2015 a fait ressortir que le montant des recettes en espèces a été réduit dans les fichiers " Fiche.Fic " servant à établir la comptabilité. Les suppressions de certaines lignes ont fait apparaître un chiffre d'affaires minoré mensuellement par rapport aux données contenues dans le fichier " Personne.Fic ", non modifiable par le module " Image.exe " et correspondant aux actes commerciaux de chacun des employés. De même, en comparant les fichiers " Client. Fic " qui recensent la clientèle des salons sans altération du logiciel frauduleux et les fichiers " Personne. Fic ", le service a relevé que sur les 599 clients du salon d'Alfortville connus comme ayant eu une dernière date de passage durant la période de février à décembre 2015 dans les fichiers " Client.Fic ", seuls 543 étaient présents dans le fichier " Fiche.Fic ". S'agissant du salon de Maisons-Alfort, sur 1 084 clients recensés sur la même période dans les fichiers " Client.Fic ",

seuls 1 024 figuraient dans les fichiers " Personne. Fic ". Par ailleurs, si la société n'a pas conservé les fichiers se rapportant aux années 2013 et 2014, l'administration a constaté les mêmes minorations de recettes à partir des documents papiers " Récapitulatif des fiches " reprenant l'ensemble des " fiches " mensuelles. Le service a retenu que sur les huit premiers mois de l'année 2016, période au cours de laquelle a été implantée la version 17 du logiciel " Marlix " qui neutralise l'applicatif frauduleux, les paiements en espèces ont augmenté de près de 44 % par rapport à la même période en 2015 pour le salon de Maisons-Alfort et de 25 % pour celui d'Alfortville. De même, le service a noté, pour 2015, que la part des règlements en espèces variait très fortement selon la position des fiches dans la journée et que la part la plus faible était celle relative au premier tiers de la journée. Ce constat confirme l'utilisation du logiciel frauduleux " Image.exe ", lequel permet de supprimer des recettes journée par journée dans l'ordre d'enregistrement des fiches. Le vérificateur a également relevé, pour l'ensemble des mois contrôlés de 2015, l'existence d'incohérences dans le champ " Euro " du fichier " Fiche.Fic ", et en particulier la présence dans ce champ d'un montant fixe sans rapport avec le montant hors taxe de la ligne attendu en relation avec le montant toutes taxes comprises figurant dans le champ " Prix ", anomalie qui constitue une trace de l'utilisation de l'outil " Image.exe ". L'ensemble de ces éléments confirme ainsi l'utilisation, pendant les années 2013 à 2015, de ce logiciel frauduleux. Si la société A... B... Coiffure fait grief au service de n'avoir utilisé que des données relatives à l'année 2015, il est constant qu'elle n'a pas conservé, dans les conditions fixées à l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales, les justificatifs de sa comptabilité pour les exercices 2013 et 2014. Elle ne conteste pas par ailleurs que le chiffre d'affaires déclaré en 2013 représente plus de 98 % de celui déclaré en 2015. De même, si pour critiquer l'analyse statistique des paiements en espèces, elle conteste la date à laquelle elle a utilisé la version 17 du logiciel " Marlix ", elle n'établit pas la date de l'installation et de la mise en service de ce nouveau logiciel pour la gestion de ses salons. Contrairement à ce qu'elle soutient, les fichiers " Personne.Fic " et " Client.Fic " ne sont pas uniquement des fichiers à usage commercial et statistique dès lors qu'ils contribuent à la détermination du résultat comptable puisqu'ils recensent chaque opération réalisée par salarié et par client du salon de coiffure. Enfin, en se bornant à faire valoir que l'absence de concordance entre ces deux fichiers pourrait s'expliquer par un problème informatique, une mauvaise manipulation ou une saisie erronée, ou l'utilisation du fichier " Client.fic " par le personnel, elle ne fournit toutefois aucune justification tangible sur le faible niveau des règlements en espèces constaté pour l'ensemble de la période contrôlée par rapport aux niveaux constatés à compter de 2016, ni sur la présence des marqueurs d'utilisation du logiciel " Image.exe " que sont les fichiers " Serviceo " et " Saloming ", ni encore sur les incohérences relevées entre les fichiers " Fiche.Fic " et les fichiers " Personne.Fic " comme sur les anomalies concernant le champ Euro dans le fichier " Fiche.Fic ".

16. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'utilisation par la société A... B... Coiffure et pendant toute la période contrôlée, d'un logiciel frauduleux lui permettant de modifier a posteriori des données de caisse afin d'éluder une partie de ses recettes. Il est constant que les données issues de ce logiciel ont été utilisées pour établir la comptabilité de la société dès lors que, ainsi qu'il a été dit, les états " Résumé de caisse " ou " Récapitulatif des fiches ", qui constituent la synthèse mensuelle des fiches du mois, sont transmis au comptable pour la comptabilisation mensuelle des produits, des encaissements et de la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, et alors même qu'elle aurait été régulière en la forme, la comptabilité de la société, qui ne retrace qu'une partie des opérations réalisées par cette dernière, est dépourvue de caractère probant et a pu être écartée comme telle par le vérificateur. A cet égard, les énonciations de la documentation administrative BOI-CF-IOR-10-20 du 13 décembre 2013 ne contiennent aucune interprétation de la loi contraire à ce qu'il a été dit précédemment.

S'agissant de la reconstitution des recettes :

17. Il résulte de l'instruction que pour reconstituer les recettes de l'EURL A... B... Coiffure au titre des exercices 2013 à 2015, le service a calculé le montant moyen des suppressions opérées durant la période de mars à décembre 2015 en comparant les données issues des fichiers " Personne.Fic ", non modifiables par l'application " Image.exe ", à celles des fichiers " Fiche.Fic " de chaque archive mensuelle. La fraude a été estimée à la moyenne de celle relevée pour l'exercice 2015, à savoir 1 987 euros mensuels correspondant en moyenne à 2,87 % et 3,88 % des recettes déclarées par la société au titre de chacun de ses deux salons de coiffure. La société ne saurait utilement soutenir que cette méthode serait radicalement viciée en ce qu'elle s'appuie sur les fichiers " Personne.Fic ", lesquels contribuent à la détermination du résultat comptable et ne constituent pas de simples données commerciales ou statistiques, ainsi qu'il a été dit au point 15. Il est constant que les employés mentionnés dans ce fichier sont ceux employés par la société au cours de la période contrôlée et que ce fichier retrace les chiffres d'affaires mensuels réalisés par chacun des employés sur cette même période. Si la société soutient que cette méthode s'avère approximative et forfaitaire et que le service ne pouvait reconstituer son chiffre d'affaires en utilisant une méthode extracomptable sans individualiser les ventes qui n'auraient pas été comptabilisées, il est constant qu'elle n'a pas conservé les données informatisées relatives à la période antérieure à février 2015. Elle ne démontre aucunement que les conditions d'exploitation de ses salons de coiffure auraient été différentes de celles des années au titre desquelles les données conservées ont pu être analysées, alors même que le chiffre d'affaires déclaré au titre de l'année 2013 représente 98,66 % de celui déclaré pour 2015. Par suite, elle ne peut utilement soutenir que l'administration aurait dû prendre en considération l'évolution du taux d'inflation sur cette reconstitution au titre des exercices vérifiés. Ainsi, compte tenu des éléments dont disposait le vérificateur pour reconstituer les recettes, et alors que la société A... B... Coiffure ne propose aucune autre méthode d'évaluation plus précise, la méthode de reconstitution des recettes mise en œuvre par l'administration ne peut être regardée comme excessivement sommaire ou radicalement viciée.

En ce qui concerne les distributions :

18. Si la société A... B... Coiffure soutient que M. B... ne peut être bénéficiaire des revenus distribués et que le service vérificateur ne peut imposer les sommes en cause à l'impôt sur le revenu, un tel moyen est inopérant dans le cadre du présent litige relatif à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne les pénalités :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvre frauduleuse (...) ".

20. D'une part, la proposition de rectification du 22 décembre 2016 rappelle les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts et précise que des anomalies et des incohérences consécutives à des modifications a posteriori des fichiers d'archives ont été constatées sur l'ensemble de la période contrôlée, que ces modifications résultent de l'utilisation du logiciel frauduleux " Image.exe " dont la présence et l'utilisation ont été révélées par la présence des fichiers " Serviceo " et " Saloming ". Elle détaille l'ensemble des constations effectuées par l'analyse des différents fichiers qui ont mis en évidence la dissimulation de recettes en espèces. Elle indique que la société ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel les règles comptables et fiscales qui s'imposaient à elle, que les modifications opérées ont nécessité des interventions précises et régulières sur les données utilisées par le système de caisse " Marlix " qui ne pouvaient être réalisées que par l'intermédiaire d'un outil informatique qui n'était pas intégré au logiciel de caisse. Ces interventions sur les données informatiques ne pouvaient procéder que d'une volonté manifeste de supprimer des recettes et ont été mises en évidence à partir des saisies effectuées le 24 mai 2016 au domicile du gérant et associé unique de la société, qui était seul susceptible d'intervenir sur ces données. Il est enfin précisé que la suppression des recettes est la conséquence d'actes conscients et volontaires de dissimulations destinées à éluder l'impôt tout en donnant l'apparence de déclarations sincères et que les procédés mis en œuvre ne peuvent être considérés comme de simples erreurs excusables ou des omissions involontaires mais caractérisent des manœuvres frauduleuses. La proposition de rectification comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent les pénalités litigieuses et le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

21. D'autre part, il résulte des éléments de faits exposés au point précédent que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que la société A... B... Coiffure a eu recours à des procédés de nature à l'égarer ou à restreindre son pouvoir de contrôle. En se bornant à réfuter le caractère pertinent des éléments relevés par l'administration sans apporter de contradiction précise susceptible de les remettre en cause, la société ne critique pas utilement la démonstration faite par l'administration qui caractérise les manœuvres frauduleuses dont elle a fait délibérément usage et qui justifient le bien-fondé de la pénalité de 80 % appliquées aux impositions litigieuses.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société A... B... Coiffure n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités des impositions mises à sa charge. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance et, en tout état de cause, celles relatives aux entiers dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société A... B... Coiffure est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL A... B... Coiffure et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 11 avril 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00100
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET SCP CANIS LE VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;24pa00100 ?
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