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14/05/2025 | FRANCE | N°24PA04201

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 14 mai 2025, 24PA04201


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 11 juillet 2024 par lesquels le préfet de police de Paris les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2422322/2 et 2422324/2 du 26 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du

tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 11 juillet 2024 par lesquels le préfet de police de Paris les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2422322/2 et 2422324/2 du 26 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 24PA04201 le 10 octobre 2024, Mme C... B..., représentée par Me Boulestreau, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2422322/2 et 2422324/2 du 26 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2024 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros à verser à Madame B... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 24PA04202 le 10 octobre 2024, M. D... A..., représenté par Me Boulestreau, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2422322/2 et 2422324/2 du 26 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2024 du préfet de police de Paris ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros à verser à Monsieur A... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme E... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 1er janvier 1990 et M. A..., ressortissant ivoirien, né le 26 décembre 1999, sont entrés respectivement en France le

10 septembre 2022 et le 10 janvier 2023. Par des arrêtés du 11 juillet 2024, le préfet de police les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. Par un jugement du 26 septembre 2024, dont ils relèvent tous deux appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes n° 24PA04201 et n° 24PA04202 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par deux décisions du 3 janvier 2025, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme C... B... et à M. D... A... l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions des requérants tendant à leur admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité des arrêtés attaqués et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :

4. D'un part, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article

L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article

L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 ; d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 ; l'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 531-40 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; 2° Lorsque le demandeur :a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ; b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... B... et M. D... A... sont les parents d'une petite fille née en France le 16 novembre 2022 et que Mme C... B... a, en sa qualité de représentante légale de cette enfant, présenté au nom de celle-ci, le 9 octobre 2023, soit antérieurement à l'intervention de l'arrêté contesté, une demande d'asile fondée sur les risques d'excision auxquels sa fille serait exposée dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche Telemofpra produite par le préfet que la demande d'asile de l'enfant Abigaelle, qui était titulaire d'une attestation de demande d'asile valable jusqu'au 13 février 2025, était toujours en cours d'examen à la date de l'arrêté attaqué. La fille de Mme C... B... et de M. D... A... disposait donc, à cette date, du droit de se maintenir sur le territoire français soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), soit, s'il était statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci, dès lors qu'un recours avait été formé contre la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 2 mars 2024. Il n'est pas contesté que Mme C... B... représente sa fille dans le cadre de cette demande d'asile, circonstance qui avait été portée à la connaissance du préfet à la date de la décision attaquée puisqu'il a lui-même délivré le

9 octobre 2023 l'attestation de demande d'asile de l'enfant Abigaelle, attestation qui mentionne que Mme C... B... est sa représentante légale. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette enfant, à la date de l'arrêté attaqué, ne serait pas sous la garde de ses deux parents dont il n'est pas contesté qu'ils vivent ensemble avec elle. Dans ces conditions, en obligeant Mme C... B... et M. D... A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, alors que l'exécution de ces mesures obligerait leur enfant, mineure de moins de deux ans, à demeurer sur le territoire français sans ses parents ou à quitter le territoire français avec eux sans que sa demande d'asile ait pu être examinée, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête, que Mme C... B... et M. D... A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 11 juillet 2024 par lesquels le préfet de police les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles

L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

9. Le présent arrêt implique que le préfet de police procède au réexamen de la situation de Mme C... B... et de celle de M. D... A... dans le délai de trois mois et leur délivre, dans l'attente de ce réexamen et sans délai, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

10. Mme C... B... et M. D... A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme globale de

2 000 euros à verser à Me Boulestreau, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur l'admission de Mme C... B... et de

M. D... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 2422322/2 et 2422324/2 du 26 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et les arrêtés du préfet de police du 11 juillet 2024 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme C... B... et de M. D... A... dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et de leur délivrer, dans l'attente de ce réexamen et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Boulestreau une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. D... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Delage, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.

La rapporteure,

M-I E...Le président,

Ph. DELAGE

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24PA04201, 24PA04202 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04201
Date de la décision : 14/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : BOULESTREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-14;24pa04201 ?
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