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14/05/2025 | FRANCE | N°24PA05270

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 14 mai 2025, 24PA05270


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

9 octobre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2310928 du 20 novembre 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Proc

édure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2024, M. B... A..., représenté par

Me Net...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

9 octobre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2310928 du 20 novembre 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2024, M. B... A..., représenté par

Me Netry, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2310928 du 20 novembre 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2023 par lequel la préfète du Val de Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au sous-préfet de Nogent-sur-Marne de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le bon fondement ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;

- le préfet n'a pas instruit sa demande d'autorisation de travail en méconnaissance des dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail ; il avait produit un dossier complet d'admission au séjour en qualité de salarié ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas apprécié sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire qu'il détient ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2025, le préfet du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Palis De Koninck a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 28 avril 1986, est entré irrégulièrement en France en 2020 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 9 octobre 2023, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement susvisé du 20 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne le moyen dirigé contre l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté du 9 octobre 2023 de la préfète du Val-de-Marne mentionne les textes de droit et les considérations de fait sur lesquels il est fondé. Il vise notamment les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ainsi que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait état tant de la situation professionnelle de

M. A... que de sa situation personnelle. Ainsi, et alors que le préfet n'était pas tenu d'énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle du requérant, l'arrêté est suffisamment motivé.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour :

3. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" ". Aux termes de son article 11 de ce même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Par ailleurs, en vertu du point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

4. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat visé par les services en charge de l'emploi.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

6. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations du même accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète du Val-de-Marne a examiné la demande de titre de séjour présentée par M. A... à la fois au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien qui régissent la délivrance des titres de séjour mention " salarié " et de la possibilité de l'admettre au séjour à titre exceptionnel dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Par suite, les moyens tirés de ce que la préfète n'aurait pas examiné sa demande de titre de séjour sur le bon fondement et n'aurait pas examiné sa situation dans le cadre du pouvoir discrétionnaire qu'elle détient ne peuvent qu'être écartés.

8. En deuxième lieu, pour refuser d'accorder un titre de séjour à M. A... sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, la préfète du Val-de-Marne a retenu que

M. A... était entré irrégulièrement en France et qu'il n'avait pas produit de contrat de travail visé par les services compétents. L'intéressé ne conteste nullement être entré sur le territoire national en étant dépourvu d'un visa de long séjour. Aussi, la préfète pouvait, pour ce seul motif, refuser de lui délivrer un titre de séjour. M. A... n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. La circonstance, à la supposer établie, qu'il ait déposé un dossier complet et que les services préfectoraux n'auraient pas, à tort, instruit la demande d'autorisation de travail dont ils étaient saisis est sans incidence sur le bien fondé de la décision de refus de séjour qui a été opposée à M. A....

9. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète du Val-de-Marne n'a pas refusé de faire droit à l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... au motif qu'il n'aurait pas disposé d'un contrat de travail visé.

10. En quatrième lieu, au soutien du moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation,

M. A... se prévaut de ce qu'il réside en France depuis 2020 et qu'il travaille dans l'entreprise de son frère, chez lequel il réside, en qualité de poseur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Le requérant produit à l'instance des bulletins de paie pour la période de juin 2020 à janvier 2021, puis la période janvier 2022 à juillet 2022, les mois de septembre et octobre 2022 et enfin la période de janvier à juin 2023. Il produit également des relevés bancaires faisant apparaitre des virements correspondant au paiement de son salaire. Ces éléments permettent d'établir qu'il a travaillé dans l'entreprise de son frère à compter du mois de juin 2020 comme aide poseur puis poseur. Toutefois, cette activité salariée exercée de manière stable depuis à peine trois ans à la date de la décision attaquée n'est pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Il n'est pas contesté par ailleurs que l'intéressé est célibataire, sans enfant et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie. La seule présence en France de son frère pour lequel il travaille ne caractérise pas non plus des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. A... est célibataire et n'a pas d'enfant. Il a vécu en Tunisie jusqu'en 2020, pays dans lequel résident ses parents, un frère et une sœur. Il ne se prévaut d'aucune attache familiale en France hormis la présence de son frère pour lequel il travaille. Dans ces conditions, la préfète du Val-de-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour opposé à M. A... n'est entaché d'aucune illégalité. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans le même arrêté.

14. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val de Marne.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Delage, président,

Mme Julliard, présidente assesseure,

Mme Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.

La rapporteure,

M. PALIS DE KONINCK

Le président,

Ph. DELAGE La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA05270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA05270
Date de la décision : 14/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Mélanie PALIS DE KONINCK
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : NETRY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-14;24pa05270 ?
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