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16/05/2025 | FRANCE | N°24PA01122

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 16 mai 2025, 24PA01122


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Rikitea a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le refus de la Polynésie française de demander à la direction des créances spéciales du trésor (DCST) de prononcer la mainlevée des séquestres dont elle aurait eu l'initiative, que les fonds qui sont sa propriété soient libérés et de lui communiquer le solde des sommes dues par " M. B... A... et ses comparses " au titre des condamnations dont ils ont fai

t l'objet, et de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 500 000 000 F CFP...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Rikitea a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le refus de la Polynésie française de demander à la direction des créances spéciales du trésor (DCST) de prononcer la mainlevée des séquestres dont elle aurait eu l'initiative, que les fonds qui sont sa propriété soient libérés et de lui communiquer le solde des sommes dues par " M. B... A... et ses comparses " au titre des condamnations dont ils ont fait l'objet, et de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 500 000 000 F CFP en réparation du préjudice causé par la privation de sa propriété privée pendant treize ans.

Par un jugement n° 2300165 du 16 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2024, la SCI Rikitea, représentée par Me Usang, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler le refus de la Polynésie française de demander au DCST de prononcer la mainlevée des séquestres et que les fonds propriété de la SCI soient libérés ;

3°) d'annuler le refus de la Polynésie française de demander au DCST de communiquer à la SCI Rikitea le solde des sommes dues par " M. B... A... et ses comparses " au titre des condamnations prononcées par la Cour des comptes ;

4°) de condamner la Polynésie française à lui verser une somme de 500 000 000 F CFP en réparation de son préjudice ;

5°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal administratif s'est déclaré incompétent alors qu'il est compétent pour connaître de la responsabilité de l'administration, et il a méconnu ce faisant les articles 6, paragraphe 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Polynésie française ne pouvait rejeter sa demande en application de l'article 76 de la délibération n°95-205 AT du 23 novembre 1995 ;

- elle a commis une faute en confiant le recouvrement de sa créance à la DCST ;

- les fonds séquestrés étant la propriété de la SCI Rikitea, elle ne peut être déclarée débitrice des sommes dues par M. B... A... à la suite des condamnations dont il a fait l'objet par la Cour des comptes ;

- elle a perdu la jouissance de sa propriété privée pendant quatorze ans à cause de la Polynésie française qui n'a pas pris la peine de procéder correctement au recouvrement de sa créance.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 octobre 2024, la Polynésie française, représentée par la SELARL Groupavocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Rikitea une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des demandes de la

SCI Rikitea ;

- ses demandes sont irrecevables faute de demande préalable auprès de la DCST ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Rikitea a été constituée le 4 mai 1992 par trois associés, dont M. B... A.... Celui-ci a été déclaré comptable de fait et constitué débiteur de la collectivité de la

Polynésie française, seul ou conjointement, par quatorze jugements du 3 novembre 2009 de la chambre territoriale des comptes de Polynésie française, confirmés sur ce point par la

Cour des comptes le 22 septembre 2016, au titre d'actes de gestion de fait commis entre 1996 et 2004, alors qu'il présidait cette collectivité. La direction des créances spéciales du trésor (DCST), chargée du recouvrement des sommes dues par l'intéressé, a demandé au juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la mise sous séquestre judiciaire des parts détenues par M. A... dans la SCI Rikitea, ainsi que du produit de la vente de l'immeuble " Ranelagh " vendu par la SCI le 15 mars 2010, aux fins de garantie et sûreté des recouvrements des créances mises à la charge de M. A.... Par une ordonnance du 8 avril 2010, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 juin 2010, le juge des référés a désigné un administrateur judiciaire en qualité de séquestre des parts sociales de M. B... A... et de l'intégralité du prix de vente de l'immeuble, en rappelant que le séquestre ne pourra se dessaisir des fonds sociaux et du prix de vente que sur autorisation de justice. M. B... A..., associé de la SCI Rikitea, a assigné en septembre 2015 la DCST, la Polynésie française, la SCI et l'administrateur judiciaire, ainsi que les deux autres associés de la SCI, en mainlevée partielle de la mesure de séquestre et paiement d'une certaine somme au titre de son compte courant d'associé. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu par la Cour de cassation le

7 septembre 2022. Par une demande du 20 février 2023, rejetée le 13 avril 2023, la SCI Rikitea a demandé à la Polynésie française d'ordonner à la DCST de cesser tout acte de recouvrement en son nom et de prononcer la mainlevée des séquestres dont elle a eu l'initiative, de l'indemniser à hauteur de 500 000 000 F CFP en réparation du préjudice lié à la privation de sa propriété privée pendant treize ans, et de lui communiquer le solde des sommes dues par

" M. B... A... et ses comparses " au titre de leurs condamnations. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande d'annulation du rejet de ses demandes.

2. Les conclusions de la SCI Rikitea tendant à l'annulation du refus de la Polynésie française de demander à la DCST de prononcer la mainlevée du séquestre et de lui communiquer le solde des sommes dues par " M. B... A... et ses comparses ", et à sa condamnation à l'indemniser de son préjudice lié à la perte de jouissance de son bien, visent à mettre en cause la régularité de la mesure de séquestre prononcée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris et à ce qu'il soit mis fin à cette mesure. Elles se rattachent ainsi à la procédure de recouvrement mise en œuvre par la DCST et également à une procédure judiciaire. En conséquence, ce litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire, sans que la SCI Rikitea ne puisse utilement invoquer les articles 6, paragraphe 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Rikitea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Rikitea demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Rikitea la somme de 1 500 euros que la Polynésie française demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Rikitea est rejetée.

Article 2 : La SCI Rikitea versera la somme de 1 500 euros à la Polynésie française en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Rikitea et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01122 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01122
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;24pa01122 ?
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