Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 7567 du 13 juillet 2022 suspendant son traitement pour absence de service fait.
Par un jugement n° 2200372 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté attaqué.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2023, la Polynésie française, représentée par Me Marchand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200372 du 14 mars 2023 en tant qu'il censure la retenue sur salaire pratiquée les 18 et 25 mars, 8, 22 et 29 avril 2022 ;
2°) de mettre à la charge de M. A... B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une insuffisance de motivation ;
- elle a apporté la preuve de l'absence de service fait ;
- les pièces produites par le requérant sont insuffisantes pour démontrer qu'il a accompli son service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, M. A... B..., représenté par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Polynésie française une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du 7 février 2024 le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande de M. A... B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 modifié portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française ;
- l'arrêté n° 856/CM du 26 août 1997 relatif aux modalités de rémunération des fonctionnaires détachés auprès du territoire et de ses établissements publics, et des agents relevant de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laforêt, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Soussin, avocate de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... exerce en qualité d'aide technique titulaire au sein de la subdivision de Raiatea de la direction de l'équipement des îles Sous-le-Vent. Par arrêté du 13 juillet 2022, une suspension de traitement a été prononcée à son encontre pour avoir été absent du 18 au 20 mars 2022, du 25 au 27 mars 2022, du 8 au 10 avril 2022, du 22 avril au 24 avril 2022 et du 29 avril au 1er mai 2022. Par un jugement du 14 mars 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a, à la demande de M. B..., annulé cet arrêté. La Polynésie française demande à la cour l'annulation de ce jugement en tant qu'il censure la retenue sur salaire pratiquée uniquement les vendredis 18 et 25 mars ainsi que les vendredis 8, 22 et 29 avril 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si la Polynésie française soutient que le tribunal a commis une erreur de fait, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
3. En second lieu, la Polynésie Française soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal ayant fait prévaloir les preuves apportées par le demandeur sur les siennes. Toutefois, cette argumentation se rattache également au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges et n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué qui est suffisamment motivé.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué en ce qui concerne les journées des 18 et 25 mars et 8, 22 et 29 avril 2022 :
4. Selon les articles 26 et 83 de la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française, les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, ainsi que les indemnités instituées par délibération de l'assemblée de la Polynésie française. L'article 2 de l'arrêté n° 856 CM du 26 août 1997 dispose que " Le traitement exigible après service fait, conformément aux articles 26 et 83 de la délibération n° 95-215AT du 14 décembre 1995, est liquidé comme suit : Les traitements et les émoluments assimilés aux traitements, alloués aux agents visés à l'article 1er, se liquident par mois./ Chaque mois, quel que soit le nombre de jours dont il se compose, compte pour trente jours./ Le douzième de l'allocation annuelle se divise, en conséquence, par trentièmes, chaque trentième est indivisible ". L'article 5 du même arrêté précise que " l'absence de service fait y compris dans le cas d'une cessation concertée du travail pendant une fraction quelconque de la journée donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'absence de service fait, notamment lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services, donne lieu à une retenue dont le montant est égal au trentième indivisible. En l'absence de service fait, l'administration est tenue, selon le cas, de suspendre la rémunération jusqu'à la reprise du service, d'ordonner le reversement de la rémunération indûment perçue ou d'en retenir le montant sur les rémunérations ultérieures. Pour permettre une retenue sur la rémunération de l'agent ou son reversement, l'absence de service fait doit pouvoir être matériellement constatée, sans qu'il soit nécessaire de porter une appréciation sur le comportement de l'agent.
6. Selon la note de service n° 705/DEQ/ISLV du 23 juin 2021, le personnel de chantier des îles Sous-le-Vent exerce du lundi au jeudi de 7h00 à 15h00 et le vendredi de 07h00 à 14h00, " les chefs secteurs sont chargés de la stricte application de la présente note " et " tout manquement à ses directives " fera l'objet de " retenues sur salaire ou sanctions prévues par la règlementation en vigueur ".
7. Il ressort des pièces du dossier que pour la mise en œuvre de cette note la Polynésie française a institué un " tableau de présence " uniquement renseigné par le chef de secteur. Ce tableau ne comporte ni signature ni pointage de l'agent en cause. Il est mentionné dans ce tableau que M. B... a quitté son poste, avant l'horaire prévu par la note de service n° 705/DEQ/ISLV du 23 juin 2021, à 12h00 le 18 mars, à 13h00 le 25 mars, à 12h30 le 8 avril, à 12h50 le 22 avril et à 12h00 le 29 avril 2022.
8. Toutefois, pour renverser cette constatation, M. B... produit une attestation de son chef d'équipe indiquant qu'il a travaillé tous les jours contestés, toute la journée, alors qu'il aurait été noté absent. Cette attestation est corroborée par les notes journalières de ce chef d'équipe, indiquant des présences jusqu'à 14h00 dans un carnet, quand bien même l'objet de ce carnet n'est pas de pointer les heures de présence des agents.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les pièces produites par que M. B... permettent de justifier l'accomplissement du service fait pour les vendredis 18 et 25 mars ainsi que les vendredis 8, 22 et 29 avril 2022. Par suite, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n° 7567 du 13 juillet 2022 suspendant le traitement de M. B... pour absence de service fait.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.
Article 2 : La Polynésie française versera à M. A... B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Laforêt, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
E. Laforêt La présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02601