Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... et Mme D... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à leur charge au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 2213762 du 13 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2024, M. et Mme A... B..., représentés par Me Guidet, demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 novembre 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés dans la présente instance.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification du 18 mars 2019 qui leur a été adressée et celle établie le même jour à destination de la société par actions simplifiée (SAS) Provia dont M. A... B... était actionnaire unique et président, sont insuffisamment motivées ;
- l'administration ne démontre pas la minoration des recettes de la SAS Provia à hauteur de 97 909 euros à l'origine des rehaussements prononcés, en se fondant sur le compte client en attente de la société dont la comptabilité a été rejetée comme étant irrégulière ;
- la somme de 23 000 euros inscrite au crédit de la société le 1er janvier 2016 et qui résulte d'apports depuis le compte courant d'associé de M. A... B..., ne saurait être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
- en l'absence de bien-fondé des rehaussements prononcés, la pénalité appliquée pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient, d'une part, que la demande de communication de documents administratifs présentée par M. et Mme A... B... est irrecevable et, d'autre part, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les revenus réputés distribués par la SAS Provia entre les mains de M. A... B... ne pouvaient trouver leur fondement légal dans les dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts qui ont été substituées à la demande de l'administration à celles du 2° du même article, compte tenu du plafond du résultat imposable après rectification de la SAS Provia au titre de l'année 2016 retenu par le service à hauteur de 57 915 euros, inférieur aux sommes réputées distribuées et mises à la charge de M. et Mme A... B... pour un montant hors taxe de 97 909 euros.
Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 24 février 2025, M. et Mme A... B..., représentés par Me Guidet, soutiennent que ce moyen est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Parallèlement à la vérification de comptabilité de la SAS Provia dont M. A... B... était le président et actionnaire unique entre le 1er juin 2014 et le 18 mai 2017, l'administration fiscale a procédé à un contrôle des revenus déclarés par M. et Mme A... B.... Estimant que M. A... B... devait être regardé comme bénéficiaire de revenus distribués par cette société, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux leur ont été notifiées au titre de l'année 2016 par une proposition de rectification du 18 mars 2019. Par la présente requête, M. et Mme A... B... relèvent régulièrement appel du jugement du 13 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités des impositions mises à leur charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue à l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. S'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe au document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé.
3. La proposition de rectification du 18 mars 2019 adressée à M. et Mme A... B... mentionne le montant en base des redressements envisagés, l'année d'imposition, la nature des rectifications opérées, et indique de manière détaillée les motifs de fait et de droit de chacune des rectifications ainsi que leurs conséquences financières. Elle précise ainsi qu'elle porte sur des revenus regardés comme distribués en 2016 par la SAS Provia et fait suite de la vérification de comptabilité de cette société dont l'intéressé était le président et actionnaire unique au cours de cette année. Elle énonce que le contrôle opéré sur la société a mis en évidence, après reconstitution du résultat fiscal, une omission de recettes à hauteur de 97 909 euros hors taxe, correspondant au montant des crédits figurant sur le compte " clients en attente " , incluant un débit du compte " caisse " permettant de rendre ce dernier négatif, en l'absence de débit correspondant aux comptes individuels des clients, et un apport non justifié de 23 000 euros libellé " SMI-FCI ", inscrit au compte courant d'associé de M. A... B.... Elle indique également que ces sommes sont constitutives de revenus distribués au bénéfice de l'intéressé compte tenu, d'une part, de ses qualités de président et actionnaire unique de la SAS Provia et, d'autre part, de sa maîtrise des fonds sociaux par la détention de la signature bancaire. L'administration précise que ces sommes sont en conséquence imposables entre les mains de M. A... B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Par ailleurs, la proposition de rectification adressée à la société jointe en annexe et à laquelle il est fait référence expressément, permet de comprendre, contrairement à ce que soutient M. et Mme A... B..., le détail des bases imposables retenues par le service en énonçant en particulier que la somme de 97 909 euros hors taxe et réputée distribuée, correspond à la somme de 107 699, 86 euros toutes taxes comprises. Dans ces conditions, M. et Mme A... B..., qui disposaient de l'ensemble des informations nécessaires pour contester utilement les impositions mises à leur charge procédant de la taxation des revenus distribués à M. A... B..., ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification qui leur a été adressée ou celle adressée à la SAS Provia, à laquelle renvoie la précédente, aurait été insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et ne leur aurait pas permis de comprendre et présenter utilement leurs observations sur les rehaussements mis à leur charge en l'absence de communication de la copie du " compte client en attente " de 2016. Le moyen doit par suite être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...). ".
5. En premier lieu, il résulte du jugement contesté que le tribunal a, à la demande de l'administration, substitué, aux dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, celles du 1 du 1° du même article pour retenir que la somme de 97 909 euros hors taxes, avait été prélevée sur les bénéfices sociaux de la SAS Provia tels qu'ils devaient être retenus après réintégration de cette somme pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur les société et était par suite imposable dans la catégorie des revenus distribués entre les mains de M. A... B... en sa qualité de maître de l'affaire. Toutefois, il est constant le bénéfice retenu pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la SAS Provia au titre de l'exercice 2016 ne s'élevait qu'à la somme de 57 915 euros. Par suite, les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 ne permettaient pas de justifier légalement la taxation de la différence entre la somme de 97 909 euros et la somme de 57 915 euros, ainsi que les parties en ont été informées. Il n'appartient pas au juge de l'impôt de substituer d'office au fondement de l'imposition contestée un autre fondement légal, l'administration n'ayant pas en l'espèce répondu au moyen d'ordre public adressé aux parties et sollicité une substitution de base légale susceptible de justifier l'imposition de cette somme. Par suite, M. et Mme A... B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas réduit les impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l'année 2016 à concurrence de la différence entre les sommes mentionnées de 97 909 euros et de 57 915 euros.
6. En deuxième lieu, les bénéfices retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la SAS Provia, taxés entre les mains de M. et Mme A... B... sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109,1 du code général des impôts, dans les conditions décrites au point précédent, correspondent aux crédits reportés, au 31 décembre 2016, sur un compte " clients en attente ", pour le montant total de 97 909 euros hors taxes, sans que les comptes clients individuels aient été débités des paiements à due concurrence, une somme de 50 757 euros, permettant de rendre le compte " caisse " débiteur, ayant par ailleurs été créditée sur le compte " clients en attente ". Alors que la société requérante ne donne aucune explication sur le traitement comptable des opérations de règlement par les clients, c'est à bon droit que le service a regardé les sommes en cause comme des produits taxables de la société Provia. Par suite, M. A... B..., qui ne conteste pas avoir appréhendé, en sa qualité de maître de l'affaire, la distribution en cause, n'est pas fondé à soutenir que l'administration n'établit pas le bien-fondé du rehaussement prononcé.
7. En dernier lieu, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu. Il résulte de l'instruction que le service a imposé la somme de 23 000 euros créditée sur le compte courant d'associé de M. A... B... comme constituant des revenus distribués imposables en application des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
8. Si l'intéressé soutient que cette somme correspond à trois virements bancaires à hauteur de 15 000 euros, 7 000 euros et 4 000 euros qu'il a effectués au bénéfice de la société ainsi qu'en attestent ses relevés bancaires, il ne l'établit pas dès lors qu'il résulte de l'instruction que ces sommes ont été prélevées sur son compte bancaire les 25 mars 2015, 31 mars 2015 et 17 avril 2015 et ont été enregistrées en comptabilité par la SAS Provia au titre de l'exercice 2016. Ces virements bancaires à hauteur de 26 000 euros ne peuvent par voie de conséquence justifier la somme de 23 000 euros créditée en 2016. Par ailleurs, cet apport a pour libellé " SMI-FCI " et la copie du compte client de la SAS Provia dans la comptabilité de la société " SMI-FCI " couvrant l'année 2016, mentionne exclusivement des crédits de la société Provia, le solde des deux comptabilités étant identique. Par suite, M. A... B..., qui ne conteste pas que cette somme de 23 000 euros a été mise à sa disposition et n'allègue pas ne pas en avoir eu l'appréhension, n'est pas fondé à soutenir que l'administration n'établit pas le bien-fondé du rehaussement prononcé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris ne leur a pas accordé la réduction en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la réduction de base imposable mentionnée au point 5 du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme A... B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er: La base de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales de M. et Mme A... B... au titre de l'année 2016 est réduite dans les conditions décrites au point 5 du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à M. et Mme A... B... la décharge de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, et des pénalités y afférentes, correspondant aux réductions de base d'imposition définies à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 2213762 du 13 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., Mme D... A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 mai 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00215