Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 17 avril 2024 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2409483 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 octobre 2024 et 19 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juin 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de police du 17 avril 2024 en toutes leurs dispositions ou, à défaut, d'annuler les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, le préfet de police ne pouvant légalement prendre une mesure d'éloignement à son encontre compte tenu de son état de santé justifiant la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en estimant à tort qu'il se trouvait en situation de compétence liée pour prononcer la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de police a commis une erreur de droit ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de risque de fuite caractérisé ;
- la production du dossier médical est nécessaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2025 à 12 heures.
Des pièces complémentaires présentées pour M. B... ont été enregistrées le 3 mars 2025 à 12h08, postérieurement à la clôture d'instruction et n'ont pas été communiquées.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 avril 2024, le préfet de police a obligé M. B... ressortissant algérien né le 1er mai 1977, à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un second arrêté pris le même jour, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, d'une part, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, vise notamment les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles la mesure d'éloignement a été prise. Il expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. B..., en précisant qu'il s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour par une décision du 5 octobre 2021, notifiée le 11 octobre suivant, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mars 2022. Il mentionne également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. D'autre part, l'arrêté qui vise également l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est motivé par le risque de soustraction à la mesure d'éloignement qui est en l'espèce constitué, en application de l'article L. 612-3 du même code, par la circonstance que M. B... n'a pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français et par l'absence de garanties suffisantes de représentation dans la mesure où il n'a pu présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Enfin, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, prise au visa des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retient que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai le 17 avril 2024, mentionne la durée de son séjour en France et retient qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet de police n'était pas tenu de motiver cette décision au regard de circonstances exceptionnelles et humanitaires liées à son état de santé, faute d'établir qu'il ait entendu s'en prévaloir en les portant à la connaissance du préfet de police. Par suite, l'arrêté contesté répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes des arrêtés en litige que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet et suffisamment approfondi de la situation de M. B... avant de prendre l'arrêté en litige et en particulier qu'il n'aurait pas pris en considération les éléments tenant à son état de santé, étant entendu que le renouvellement de titre de séjour pour raison de santé sollicité par l'intéressé avait été rejeté par un précédent arrêté du 5 octobre 2021 devenu définitif et que M. B... ne démontre pas avoir informé le préfet de police d'éléments médicaux contemporains de l'édiction de cette mesure d'éloignement. En particulier, la circonstance qu'il ait été placé en cellule spéciale en raison de son handicap pendant la durée de sa garde à vue et ait fait l'objet d'un examen médical compte tenu de prescriptions médicamenteuses qu'il devait respecter, ne permet pas d'établir qu'il ait averti l'administration d'une évolution particulière liée à son état de santé et aux pathologies chroniques qu'il présente.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
5. En l'espèce et ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait porté à la connaissance du préfet de police des éléments tenant à sa situation médicale avant l'édiction de l'arrêté attaqué. Il est toutefois constant qu'il a séjourné en France sous couvert d'un titre de séjour valable du 22 juin 2020 au 21 juin 2021 délivré en raison des soins nécessaires à la prise en charge des pathologies qu'il présente, dont le renouvellement lui a été refusé par un arrêté du préfet de police du 5 octobre 2021. Pour soutenir que son état de santé fait obstacle à une mesure d'éloignement, il précise être pris en charge pour un chordome cervical dont le traitement par protonthérapie ne peut être réalisé en Algérie, un diabète de type 2, une hypertension artérielle et une pathologie thyroïdienne. Il indique également qu'un défaut de soins aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il ne peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossiers, en particulier des certificats médicaux produits à l'instance établis le 13 novembre 2019 par un praticien du centre hospitalier universitaire de Bab El-Oued, le 26 juin 2024 par un médecin généraliste et le 30 avril 2024 par un neurochirurgien, que s'ils attestent d'un risque de récidive tumorale important et de la nécessité dans ce cas d'un traitement rapide par protonthérapie qui serait inexistant en Algérie, ils ne permettent pas d'établir que l'état de santé de M. B... nécessite un telle prise en charge à la date de l'arrêté attaqué, dès lors que seule une surveillance clinique et radiologique par IRM annuelle a été mise en place depuis la dernière intervention chirurgicale qu'il a subie en 2019 et qu'il n'est aucunement démontré que cette surveillance ne pourrait être réalisée dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'intéressé ne démontre pas, ni même n'allègue qu'il ne pourrait pas recevoir dans son pays d'origine les soins indispensables aux autres pathologies dont il souffre. Enfin, aucun de ces certificats médicaux ne permet de retenir qu'il ne pourrait voyager sans risque vers l'Algérie, compte tenu des termes particulièrement imprécis dans lesquels ils sont rédigés sur ce point. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commises par le préfet de police doivent par suite être écartés, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production d'éléments médicaux supplémentaires par rapport à ceux, nombreux, qui ont été produits en première instance ou dans la présente instance.
6. En quatrième lieu, ni la durée de son séjour en France où M. B... ne justifie d'aucune intégration particulière depuis 2018, ni les éléments tenant à son état de santé, ni la précarité de sa situation administrative ne permettent de retenir que le préfet de police aurait entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ".
8. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet de police a retenu qu'il présentait un risque de se soustraire à la mesure d'éloignement dès lors qu'il n'avait pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 5 octobre 2021 et qu'il ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation dans la mesure où il n'avait pu présenter de document d'identité ou de voyage en cours de validité et justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.
9. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de police, qui a caractérisé le risque de fuite en considération des éléments tenant à la situation personnelle de l'intéressé rappelés ci-dessus, ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. B..., contrairement à ce qu'il soutient. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit par suite être écarté.
10. En dernier lieu, M. B... ne démontre pas être en possession d'un document de voyage en cours de validité par la seule production de certaines pages de son passeport qui ne comportent pas les dates de délivrance et d'expiration de ce document. Il ressort par ailleurs des pièces produites au dossier, en particulier du procès-verbal d'audition de l'intéressé établi le 16 avril 2024, que ce dernier occupe illégalement une chambre au sein d'un foyer qui a donné lieu à une procédure d'expulsion. Par voie de conséquence, le préfet de police n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en estimant que le risque de fuite était caractérisé pour les motifs énoncés au point 8.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 avril 2024. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 mai 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04332