Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Festive a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des majorations et amendes mises à sa charge sur le fondement des articles 1728 et 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 2001833 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun l'a déchargée de la majoration de 40% appliquée, sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts, aux suppléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2024, la société La Festive, représentée par Me Adda, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités et amendes mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition a été prise en méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dès lors que le contrôle a eu lieu dans les locaux de l'administration fiscale à l'initiative du service ; c'est à tort que le service a considéré que la première intervention du 13 septembre 2016 n'avait pu avoir lieu du fait de la société dès lors que le comptable de la société était présent, muni d'un mandat pour la représenter ; elle n'a pas reçu le courrier du 13 septembre la convoquant à l'intervention du 22 septembre 2016 ;
- elle a été privée d'un débat oral contradictoire ;
- l'amende de l'article 1759 du CGI est insuffisamment motivée et elle n'a pas été informée de la possibilité de présenter ses observations dans un délai de trente jours, l'administration fiscale ne rapportant pas la preuve de la notification du courrier daté du 12 janvier 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
- de rejeter les conclusions de la requête de la société La Festive ;
- par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement du 7 décembre 2023.
Il soutient que :
- les moyens invoqués par la société La Festive ne sont pas fondés ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Melun l'a déchargée, en partie, de la majoration prévue par l'article 1728 du code général des impôts, au motif qu'elle n'avait pas été destinataire de la mise en demeure prévue par ces dispositions dès lors que la SARL La Festive a été mise en demeure de souscrire les déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 par courrier du 29 juin 2016, réceptionné par la société le 5 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Festive, qui exploite un commerce de boulangerie à Fresnes (Val-de-Marne) a été destinataire le 28 juillet 2016 d'un avis du 21 juillet précédent, l'informant qu'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 serait initiée à compter du 13 septembre 2016. L'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 5 décembre 2016 établie selon la procédure de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales applicable en cas d'opposition à contrôle fiscal, assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. A la suite du recours hiérarchique exercé le 2 mars 2017 par la société La Festive, l'administration fiscale a, par décision du 21 mars 2017, substitué à la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales celle de la taxation d'office prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et renoncé à l'application de la pénalité prévue à l'article 1732 du code général des impôts en cas d'opposition à contrôle fiscal. Les impositions et pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement par un avis du 18 avril 2017. Par un jugement n° 2001833 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a déchargé la société de la majoration de 40 % prévue au b) de l'article 1728 du code général des impôts, appliquée aux suppléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. La société La Festive relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de décharge des impositions supplémentaires et pénalités mises à sa charge. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement en tant qu'il a déchargé la société de la majoration prévue à l'article 1728 du code général des impôts.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. D'une part, l'administration fiscale est en droit à tout moment de la procédure de se prévaloir de la situation de taxation d'office ou d'évaluation d'office du contribuable. Lorsque la situation d'imposition d'office d'un contribuable n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité dont celui-ci a fait l'objet, les irrégularités qui ont pu entacher cette vérification sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition. D'autre part, si l'administration a recouru à la procédure d'évaluation d'office, elle est en droit, à tout moment de la procédure, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement retenue dès lors que cette substitution ne prive pas le contribuable de garanties attachées à la procédure d'imposition.
3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a substitué à la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales initialement retenue dans la proposition de rectification du 5 décembre 2016 la procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Il résulte de l'instruction, notamment des indications contenues dans la proposition de rectification et dans le courrier de réponse du supérieur hiérarchique, que la mise en œuvre de cette dernière procédure a été justifiée par le dépôt, tardif au regard du délai fixé par les mises en demeure, des déclarations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée des périodes du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que les mises en demeure de déposer ces déclarations ont été adressées à la société antérieurement à l'engagement de la vérification de comptabilité. La situation d'imposition d'office de la société La Festive n'a ainsi pas été révélée par la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Il en résulte que, compte tenu de la situation de taxation d'office dans laquelle elle se trouvait, la société requérante ne peut utilement faire valoir ni que la procédure de vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, ni qu'elle a été privée à cette occasion de la possibilité d'un débat oral et contradictoire.
Sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts :
4. D'une part, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
6. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, lorsque la pénalité mise en recouvrement ne constitue pas l'accessoire d'une imposition ou lorsqu'elle sanctionne une infraction dont la qualification est fondée sur l'appréciation du comportement du contribuable, l'administration fiscale doit faire connaître à l'intéressé, au moins trente jours avant la notification du titre exécutoire ou de son extrait, les motifs de cette sanction et la possibilité dont il dispose de présenter ses observations.
7. La société La Festive soutient que la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts est insuffisamment motivée et qu'elle n'a pas été informée de la possibilité de présenter ses observations dans un délai de trente jours. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à la société un courrier du 12 janvier 2017 mentionnant que celle-ci avait, en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, été invitée par la proposition de rectification du 5 décembre 2016 à faire connaitre dans un délai de trente jours l'identité précise et l'adresse des bénéficiaires des distributions révélées lors de la vérification, et que, s'étant abstenue de fournir les informations ainsi sollicitées, elle était en conséquence soumise, en application des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, à l'application d'une pénalité de 100% des sommes versées ou distribuées soit 104 834 euros au titre de l'exercice clos en 2013, 106 380 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et 137 677 euros au titre de l'exercice clos en 2015. Ce courrier précisait que la société disposait d'un délai de trente jours, à compter de sa réception pour présenter ses éventuelles observations. La société requérante fait néanmoins valoir que ce courrier ne lui a pas été notifié. Toutefois, l'administration fiscale en défense produit une attestation de La Poste datée du 2 avril 2017, relative aux recherches effectuées concernant le pli n° 2C10680254709, par laquelle l'agent chargé de la distribution du courrier indique avoir remis le pli en cause le 13 janvier 2017 à 12h24 à l'adresse de la société au 48 boulevard Pasteur à Fresnes. Si la société requérante conteste la valeur probante de cette attestation au motif que le numéro du pli qu'elle mentionne n'est pas relié à un avis attestant de l'envoi du pli, l'administration fiscale produit néanmoins en appel une réponse de La Poste à sa demande de recherches dont il ressort que cette demande portait sur le pli n° 2C10680254709. L'attestation du 2 avril 2017 doit dans ces conditions être regardée comme établissant de manière suffisamment probante que le pli a été régulièrement distribué à la société La Festive. Celle-ci n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas reçu le courrier du 12 janvier 2017 comportant les motifs ayant présidé à l'infliction de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts et l'informant de ce qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de décharge de la pénalité en litige, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur l'appel incident du ministre :
8. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ".
9. Pour prononcer la décharge des pénalités infligées par l'administration fiscale à la société requérante sur le fondement des dispositions précitées pour s'être abstenue de déposer dans les délais les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée afférentes aux périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Melun a retenu que l'administration ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle avait notifié à la société les mises en demeure de souscrire ces déclarations de taxe sur la valeur ajoutée.
10. Toutefois, l'administration fiscale produit une mise en demeure du 29 juin 2016 de procéder, dans un délai de trente jours, à la régularisation des déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à ces deux périodes. Elle verse également aux débats un accusé de réception attestant de ce que la notification de cette mise en demeure est intervenue le 5 juillet 2016. Dans ces conditions, l'administration fiscale est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé, en l'absence de preuve de la notification des mises en demeure préalables, la décharge des pénalités de l'article 1728 infligées pour retard dans la souscription des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant aux périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Festive n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande de décharge des impositions en litige. En revanche, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a prononcé la décharge des pénalités infligées, sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts, en raison de l'absence de souscription dans les délais des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée afférentes aux périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Sur les frais de procès :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société La Festive au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2001833 du tribunal administratif de Melun du 7 décembre 2023 est annulé.
Article 2 : La demande de la société La Festive tendant à la décharge des pénalités de l'article 1728 du code général des impôts appliquées aux suppléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, présentée devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : La requête d'appel de la société La Festive est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Festive et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressé à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Milon, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Dubois, premier conseiller.
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
J. DUBOIS
La présidente,
A. MILON
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00592