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13/06/2025 | FRANCE | N°24PA04362

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 13 juin 2025, 24PA04362


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants.



Par un jugement n° 2204598 du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :





Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Mattei, avocat, demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 2204598 du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Mattei, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 octobre 2024 ou, à défaut, de le reformer ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des bases imposables au titre de l'année 2017 ainsi que leur taxation dans la catégorie des traitements et salaires et la décharge de la majoration de 80 % visée au c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'omissions à statuer, d'une insuffisance de motivation et se sont abstenus de répondre à l'ensemble des moyens soulevés ;

- ils ont entaché leur jugement d'erreurs de droit, d'erreurs de qualification juridique des faits, de dénaturation des faits et des pièces et de contradictions de motifs ;

- l'administration fiscale ne pouvait imposer entre ses mains, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, les sommes facturées et encaissées par la société Satisfactory ;

- elle ne démontre pas qu'elle exerçait en France une activité professionnelle individuelle et indépendante justifiant son imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- l'administration a méconnu le fait générateur de l'impôt et le principe d'annualité de l'impôt ;

- en l'absence de démonstration du paiement de la facture n° 2017/966 d'un montant de 4 050 euros, cette somme doit être exclue de la base imposable ;

- à supposer que les dispositions de l'article 155 A lui soient applicables, elle aurait dû être imposée dans la catégorie des traitements et salaires en raison de son lien de subordination envers la société Metric.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., fiscalement domiciliée en France, a réalisé sur le territoire français des missions de prestation de service en informatique dans le cadre d'un contrat signé entre la société de droit marocain Satisfactory et la société française Metric à destination de clients de cette seconde société. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Metric, l'administration a procédé à un contrôle sur pièces de la situation fiscale de Mme B... au titre des années 2016 et 2017. Par une proposition de rectification établie 16 décembre 2019, le service, qui a évalué d'office la base imposable de ses revenus, lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des deux années contrôlées sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts. Il a également assorti les rectifications d'intérêts de retard et d'une majoration de 80 % pour activité occulte prévue à l'article 1728 du même code. Les impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2020. Par la présente requête, Mme B... relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil, après avoir fait droit à une demande de compensation présentée par l'administration sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant due au titre de l'année 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En l'espèce, d'une part, il ressort de la lecture des points 3, 5 et 6 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par l'intéressée, ont énoncé de manière suffisamment explicite et complète les éléments de faits pertinents au soutien de leur raisonnement. Contrairement à ce que soutient Mme B..., ils ont ainsi énoncé précisément les motifs par lesquels ils ont écarté chacun des moyens soulevés à l'appui de la demande, en particulier le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'aurait pas démontré qu'elle avait exercé une activité professionnelle individuelle et indépendante en France justifiant son imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu le fait générateur de l'impôt et le principe d'annualité de l'impôt. D'autre part, au point 9 du jugement contesté, les juges ont fait droit à une demande de compensation présentée par l'administration sur laquelle Mme B... n'avait présenté aucune observation. Si elle soutient que les juges ont omis d'examiner, à ce point 9 de leur jugement, " les moyens, demandes et conclusions développés ", elle n'assortit ce moyen d'aucune précision suffisante de nature à apprécier l'irrégularité du jugement qu'elle entend faire valoir. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation du jugement et des omissions de répondre à différents moyens, qui tendent en réalité à remettre en cause son bien-fondé, doit être écarté.

4. En deuxième, si Mme B... soutient que le tribunal a omis de se prononcer sur certaines conclusions, elle n'en précise pas la nature et il résulte du dossier de première instance, transmis à sa demande à la Cour, que les premiers juges ont statué sur l'ensemble des conclusions qui leur étaient présentées. Ce moyen doit ainsi être écarté.

5. En troisième lieu, si Mme B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs de qualification juridique des faits, de dénaturation des faits et des pièces, de tels moyens qui remettent en cause le bien-fondé du jugement et non sa régularité, constituent des moyens relevant du contrôle de cassation et sont inopérants devant le juge d'appel. Le moyen tiré de la contradiction de motifs dont serait entaché le jugement relève quant à lui du fond du litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. (...) ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte. Ces dispositions ne dispensent pas l'administration, pour soumettre cette rémunération à l'impôt sur le revenu entre les mains de la personne ayant rendu les services, de faire application des règles de taxation relatives à la catégorie de revenus dont elle relève. La détermination de cette catégorie ne saurait dépendre que de l'analyse des relations existant entre la personne qui a rendu pour l'essentiel les services facturés et le bénéficiaire de ces services.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction en particulier de la proposition de rectification en date du 16 décembre 2019, que la société française Metric et la société de droit marocain Satisfactory ont conclu, le 2 janvier 2017, un contrat de convention de services, aux termes duquel cette société a proposé le détachement de certains de ses collaborateurs pour des missions réalisées en France. Les annexes à ce contrat, datées des 2 janvier 2017 et 1er juin 2017, qui ont constitué les lettres de missions de Mme B..., prévoyaient qu'elle interviendrait pour les prestations de services réalisées au nom de la société Metric. La société Metric a

elle-même conclu des contrats d'assistance technique et de sous-traitance avec les sociétés Alteca, Sodifrance Isis et Api Group Sodifrance dans les locaux desquelles les prestations devaient être réalisées. Il est constant que les prestations de service fournies à la société Alteca et au groupe Sodifrance ont été accomplies par Mme B... domiciliée en France au cours de l'année 2017. La société Satisfactory a, sur la base des relevés d'activité mensuelle de Mme B... établis par les sociétés Alteca et Sodifrance, facturé à la société Metric les prestations de services que la requérante a ainsi réalisées pour un montant total de 36 265 euros au titre de l'année 2017 et les paiements ont été honorés par des versements sur le compte de la société Satisfactory détenu dans une banque située à Casablanca. La teneur de ces contrats, et des annexes mentionnées, ne permet pas de regarder la société Satisfactory comme ayant reçu, à raison de ces facturations, la contrepartie d'une intervention qui lui aurait été propre et qui permettrait de regarder le service rendu au client final, la société Alteca ou la société Sodifrance, comme l'ayant été pour son propre compte. Mme B..., qui ne conteste pas avoir effectivement fourni ces prestations, ne démontre pas davantage que cette société marocaine aurait exercé, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services en France, notamment en faisant valoir que le contrat cadre d'assistance technique conclu entre la société Metric et la société Alteca comporte des prestations de développeur Cobol et identifie un contact fournisseur. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant apporté la preuve que les rémunérations versées par la société Satisfactory pouvaient être regardées comme entrant dans les prévisions de l'article 155 A du code général des impôts.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 92 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus / (...) ".

9. Mme B... soutient que l'administration n'a pas établi que son activité de consultante en informatique réalisée en France devait être qualifiée d'activité indépendante non commerciale. Elle fait valoir à ce titre qu'elle doit être regardée comme ayant exercé une activité salariée dans la mesure où elle ne disposait d'aucune autonomie dans l'exercice de son activité qui s'inscrivait dans le cadre des relations contractuelles liant exclusivement les sociétés Satisfactory et Metric auxquelles n'était pas partie, que la facturation des prestations était établie par la société Satisfactory et qu'elle n'était bénéficiaire d'aucun virement de la société Metric. Toutefois, si les facturations établies par la société Metric mentionnent le nom de la requérante, ces facturations sont établies sur la base de fiches d'activité mensuelle établies par les sociétés clientes de la société Metric. Dès lors, Mme B... ne démontre pas que la société Metric aurait été son employeur, en l'absence de tout élément qu'il lui appartient de produire susceptible d'établir un lien de subordination avec cette société dans l'exercice de ses missions. En revanche, compte tenu des éléments mentionnés au point 7, dont il ressort que les rémunérations versées ont eu pour contrepartie une activité exercée en propre par Mme B..., et alors même que la facturation, les contrats et les flux financiers afférents à cette activité ont été établis entre la société Satisfactory et la société Metric, l'activité de prestations de services en matière informatique exercée par Mme B... en France au cours de l'année 2017, dont la qualification ne saurait dépendre que de l'analyse des relations existant entre elle et le client final, ainsi qu'il a été indiqué au point 6, doit être regardée comme étant une activité professionnelle, individuelle et indépendante, dont les revenus sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts.

10. En troisième lieu, si Mme B... fait valoir qu'elle n'est ni l'auteure des factures ni la bénéficiaire des versements, il résulte de ce qui a été énoncé précédemment que ces circonstances sont sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

12. Si Mme B... soutient que l'administration n'établit pas le paiement par la société Metric de la facture n° 2017/966 s'élevant à la somme de 4 050 euros, en l'absence de tout autre justificatif que la mention " payée " portée sur ce document, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de l'exagération de l'imposition à laquelle elle a été assujettie.

13. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que, faute d'établir que la société Metric aurait déterminé les modalités d'exercice de son activité courante de consultante en informatique et qu'elle aurait été placée dans un lien de subordination à l'égard de cette société, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que les rehaussements en litige devaient être imposés dans la catégorie des traitements et salaires.

14. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant que la facturation par la société Satisfactory ne trouvait aucune contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre, alors qu'ils avaient relevé que Mme B... était salariée de cette société, les premiers juges ont entaché leur jugement de contradiction de motifs.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles relatives aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 juin 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA04362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04362
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL CABINET MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;24pa04362 ?
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