Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai.
Par une ordonnance du 6 septembre 2022, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Melun la demande de M. B....
Par un jugement n° 2209059 du 5 octobre 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 octobre 2024 et 21 mars 2025, M. B..., représenté par Me Lasbeur, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2209059 du 5 octobre 2023 rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 12 août 2022 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête d'appel n'est pas tardive dès lors que le jugement du tribunal administratif ne lui a jamais été notifié ;
- l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen préalable de sa situation ;
- il remplit les conditions pour bénéficier de plein droit de la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations de l'article 6 alinéa 2 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient que
- le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour est inopérant dès lors que M. B... n'a jamais présenté de demande de titre de séjour ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'une décision refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, de telles conclusions étant sans objet dès lors que l'arrêté du 12 août 2022 n'a pas pour objet de refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour.
M. B... a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 17 mai 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 7 juillet 1984, est entré en France le 30 mai 2016 muni d'un visa de court séjour. Il a été interpellé, le 11 août 2022, par les services de police pour conduite sans permis et sans assurance et prise du nom d'un tiers. Par un arrêté du 12 août 2022, le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. B... une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai. M. B... relève appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre une décision portant refus de titre de séjour :
2. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté du 12 août 2022 que celui-ci n'a pas pour objet de refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour mais seulement de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, les conclusions du requérant tendant à l'annulation d'une décision portant refus de titre de séjour sont sans objet et par suite irrecevables. Elles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2022 et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Il résulte de ces stipulations que si l'octroi et le renouvellement du certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " délivré de plein droit au ressortissant algérien marié avec un ressortissant de nationalité française sont subordonnés à l'existence de ce lien conjugal, seul le premier renouvellement d'un tel certificat est soumis à la condition d'une communauté de vie effective entre les époux. Lorsque la loi ou une convention bilatérale prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
4. M. B..., qui est entré en France de manière régulière muni d'un visa de court séjour, produit pour la première fois en appel les pièces permettant de justifier de la réalité du mariage contracté le 28 janvier 2021 avec une ressortissante française à Lacroix-Saint-Ouen, notamment une photocopie de l'acte de mariage et du livret de famille établis à la suite de celui-ci et de la carte nationale d'identité de son épouse. Contrairement à ce que soutient le préfet, l'intéressé n'a pas à justifier de la réalité de la communauté de vie avec son épouse et établit remplir les conditions pour se voir délivrer un premier certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de Français. Dès lors, le préfet de police ne pouvait prononcer à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français, laquelle doit être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par, le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. L'annulation de la mesure d'éloignement du 12 août 2022 n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre à M. B... un certificat de résidence algérien. Elle implique cependant que le préfet de police statue à nouveau sur le cas de M. B... et lui délivre dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de trois mois. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2209059 du 5 octobre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet de police du 12 août 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer, dans le délai de trois mois, la situation de M. B... et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025
La rapporteure,
N. Zeudmi SahraouiLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. BuotLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA04296