Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... Gonzalez et M. A... Farreny ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2017 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a enregistré, au titre des installations classées, la demande d'autorisation présentée par le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Saintou pour l'extension d'un élevage de porcs sur le territoire de la commune de Septfonds.
Par jugement n° 1801633 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 janvier 2020 sous le n° 2000073 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 2020073 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. Gonzalez et M. Farreny, représentés par Me Panfili, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de réexaminer la demande du GAEC de Saintou en consultant le comité départemental d'hygiène afin de diligenter un " bilan odeur ", l'office des anciens combattants et victimes de guerre sur le devenir des restes humains, la direction régionale de l'action culturelle et la commission nationale du patrimoine et de l'architecture sur la pertinence d'une étude archéologique et en prévoyant toutes prescriptions nécessitées par la conservation des sites et monuments et permettant de limiter les nuisances pour le voisinage, en précisant les parcelles exclues de l'épandage et en évaluant l'opportunité d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir, au titre de leur intérêt à agir, leur qualité de fils de soldats espagnols internés dans le D... et leur action au nom du devoir de mémoire en étant respectivement, pour M. Farreny, président de l'amicale des anciens guérilleros espagnols en France - Forces françaises de l'intérieur et secrétaire du conseil de pilotage du centre d'investigation et d'interprétation de la mémoire de l'Espagne républicaine et, pour M. Gonzalez, président de l'amicale du camp de concentration de Septfonds et autres sites de mémoire de l'Espagne républicaine en demandant que ces associations soient appelées comme tiers observateurs.
Ils soutiennent que l'arrêté du 21 décembre 2017 est entaché :
- d'un défaut de motivation ;
- d'un vice de procédure à défaut de protocole établi avec les autorités compétentes et les associations mémorielles en vue de la préservation des vestiges ;
- d'une atteinte à la dignité de la personne humaine ;
- d'une atteinte à la préservation du patrimoine archéologique.
Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir à titre principal que les intéressés, agissant à titre personnel et non en leur qualité de présidents d'associations, ne justifient pas d'un intérêt à agir suffisant et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 5 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 janvier 2022.
Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. Gonzalez et M. Farreny.
Vu le jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;
- les observations de Me Panfili pour M. Gonzalez et M. Farreny et celles de M. Gonzalez et de M. Farreny ;
- et les observations de M. et Mme B... pour le GAEC de Saintou.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Saintou, dont l'exploitation s'étend sur le territoire des communes de Septfonds, Montpezat-de-Quercy et Montalzat, exploite depuis de nombreuses années un élevage porcin ayant donné lieu, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, à un arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 12 janvier 1995. Le centre de cette exploitation se situe à Septfonds, au lieu-dit D... où fut implanté en 1939 un camp de regroupement des réfugiés républicains espagnols puis un camp d'internement sous l'occupation. Un mémorial a été érigé en 1996 sur la parcelle cadastrée section A 2 n° 322, cédée par l'exploitant agricole à la commune de Septfonds et située au lieu-dit " Fombal de l'église ", à environ 500 mètres des bâtiments d'élevage. Ce mémorial a été classé en 2011 au titre des monuments historiques, de même que l'ancien réservoir d'eau du D..., et le cimetière des réfugiés espagnols, réhabilité en 1978, situé à plusieurs kilomètres des bâtiments d'exploitation. Par arrêté du 13 décembre 2017, le préfet de Tarn-et-Garonne a autorisé l'extension de l'élevage porcin, le nombre de truies et le nombre de places d'engraissement passant respectivement de 140 à 358 et de 1000 à 1980, ainsi qu'une modification des bâtiments d'élevage et du traitement des effluents. Le permis de construire un nouveau bâtiment d'élevage a par ailleurs été délivré par le maire de Septfonds le 18 septembre 2017. M. Gonzalez et M. Farreny font appel du jugement du 8 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté, comme étant irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2017.
2. Aux termes de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 211-6 et L. 214-10 et au I de l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative : 1° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai de quatre mois à compter du premier jour de la publication ou de l'affichage de ces décisions... ". L'article L. 511-1 du même code vise les dangers ou inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
3. En application des dispositions précitées, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers, personnes physiques, qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
4. Si M. Gonzalez et M. Farreny ont fait état respectivement de leur qualité de président de l'amicale du camp de concentration de Septfonds et autres sites de mémoire de l'Espagne républicaine et de président de l'amicale des anciens guérilleros espagnols en France - Forces françaises de l'intérieur (FFI), ils ont présenté leur demande de première instance à titre personnel et ils n'ont au demeurant pas produit devant le tribunal les délibérations des conseils d'administration les autorisant à agir en justice au nom de leur association respective conformément aux stipulations de l'article 10 des statuts de ces associations.
5. Si M. Gonzalez et M. Farreny ne demeurent pas à proximité des terres exploitées par le groupement agricole d'exploitation en commun de Saintou, ils se sont prévalus néanmoins à titre personnel de leur qualité de descendants de républicains espagnols internés dans le D... ainsi que de leur action au service du devoir mémoriel en soutenant que l'arrêté du 21 décembre 2017 porte atteinte à la conservation du patrimoine archéologique et au respect de la dignité humaine en raison principalement des nuisances olfactives liées à l'épandage de lisier de porc sur le site de l'ancien D.... Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté du 23 décembre 2017 induirait une augmentation des nuisances olfactives à proximité du mémorial où se déroulent régulièrement des commémorations en y modifiant les conditions de recueillement alors qu'il ressort en revanche du plan annexé à l'arrêté du 12 janvier 1995 que l'épandage était déjà autorisé aux lieux dits D... et Fombal de l'Eglise, que le nouveau plan d'épandage délimite une zone d'exclusion à distance d'environ 100 mètres du mémorial, que la modification du traitement des effluents avec l'installation d'un séparateur de phase et un traitement par oxygénation, doit, selon l'inspection des installations classées, permettre de réduire la charge du lisier et les nuisances olfactives en résultant et que l'épandage revêt un caractère saisonnier, certaines périodes étant interdites ou déconseillées. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas que l'épandage de lisier serait susceptible d'avoir des conséquences sur la conservation d'éventuels vestiges archéologiques, matériels ou humains, sur le site de l'ancien D.... Par suite, ils ne justifient en tout état de cause pas que la modification prévue par l'arrêté du 21 décembre 2017 des conditions de fonctionnement de l'installation emporterait des inconvénients ou des dangers pour les intérêts dont ils ont entendu se prévaloir.
6. En conséquence et sans qu'il y ait lieu d'appeler les associations citées au point 4 à produire des observations, alors d'ailleurs qu'il leur était loisible d'intervenir à l'instance si elles le jugeaient utile, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande comme étant irrecevable. Il y a donc lieu de rejeter leur requête en ce compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. Gonzalez et de M. Farreny est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... Gonzalez, à M. A... Farreny, à la ministre de la transition écologique et au groupement agricole d'exploitation en commun de Saintou.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président de chambre,
Mme Fabien, présidente assesseure,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.
La rapporteure,
M. Fabien
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL20073